Jésus est sur la route de Jérusalem où Il va Se donner. Le voici invité à un repas. Les évangiles le relèvent souvent. Il s’agit surtout, en se restaurant, de vivre une communion en partageant le Pain. C’est une valeur universelle en humanité. Un repas commun est tout autre chose qu’une nourriture qu’on prend seul! Cela va de la rencontre quotidienne de nos familles pour les repas jusqu’aux grandes réunions familiales et aux « repas républicains ». Et le centre de la Vie de Son Église sera celui de l’Eucharistie.
Jésus honore cette réalité humaine, mais va en approfondir le sens. En l’occurrence, Il vient de guérir un malade. Ne souligne-t-Il pas qu’il faut y trouver l’occasion de se faire du bien, de se réjouir mutuellement? Et Il relève l’impasse en lequel s’engouffrent les invités qui ne pensent qu’à eux, se précipitent pour prendre les meilleures places. En un premier degré, le conseil qu’Il donne est simple sagesse humaine. S’il y a plus digne qu’eux, ils risquent d’être couverts de honte si on les rétrograde à la dernière place! Se mettre simplement à sa vraie place est déjà le conseil que donnait le Sage Sirac! Qui s’élève face aux autres va s’opposer à eux; qui se présente humblement devant eux et cherche à les servir provoque leur amour. Mais il faut aller jusqu’à la racine: la condition de l’orgueilleux est sans remède: non seulement il se fait illusion sur sa valeur, mais il joue tout faux puisqu’il ne reconnaît pas la réalité première: qu’y a-t-il de bon en lui qu’il n’ait reçu? Ce n’est qu’en l’acceptant qu’il pourrait trouver grâces devant Le Seigneur, et, en conséquence, devant ses frères!
Au contraire, ne rien revendiquer, prendre la dernière place fait entrer dans la logique à laquelle Jésus nous entraîne en tout Son Évangile. L’orgueilleux ne vise que l’apparence, le clinquant, ce qui apparaît aux yeux des hommes. Lui nous appelle bien plus haut: quand on rend grâces pour tout ce qu’on reçoit, c’est la réalité, ce qui est poids, valeur réelle, Sa Gloire. Ainsi on ne met pas d’obstacle à la Générosité du Père. Au lieu de s’opposer au Maître de la Maison et à ses frères en revendiquant un honneur illusoire qu’on ne devrait qu’à soi-même, on fait confiance à Celui dont on sait qu’Il veut nous honorer parce qu’Il nous aime.
À la fin de l’évangile que nous venons de lire, Il nous invite à prolonger cette attitude d’action de grâces en faisant rejaillir sur nos frères ce que nous avons reçu. Si, dans notre vie, bien de nos relations avec eux sont du type échange, donnant-donnant, on n’est dans le vrai qu’en apprenant à aller plus profond. Nous qui recevons gratuitement du Seigneur à travers nos frères, nous ne nous ajustons à la réalité que si, dans toute la mesure du possible, nous essayons à notre tour de donner gratuitement! « Quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles et tu seras heureux parce qu’ils n’ont rien à te rendre. Fais ainsi confiance au Seigneur dont immense est la générosité: Il te le rendra à la Résurrection! »
Mais nous ne pouvons donner tout leur sens à ces conseils qu’en levant les yeux vers Lui qui nous entraîne à Le suivre bien plus par Sa Vie que par Ses Paroles! Il nous l’a dit: sera élevé quiconque s’abaisse. Il confesse ainsi qu’il reçoit. S’abaissant le premier, Lui, Fils Unique est venu manifester qu’Il reçoit tout de Son Père. De condition divine, Il n’a rien revendiqué de ce qui Lui aurait été dû. Face aux orgueilleux qui croyaient s’élever par leur force de violence, Il les a laissé exercer leur fausse puissance jusqu’à l’atrocité de leur croix! Mais, infiniment plus grande a été Sa Force véritable: Il a montré qu’Il continuait à les aimer jusque quand Il y était cloué! Venu non Se faire servir, mais servir et donner Sa Vie, Il n’a jamais usé de ses pouvoirs à son avantage! Et Il faisait confiance à Son Père même s’Il ne voyait pas où Il voulait Le mener. N’était-Il pas dans la nuit lorsqu’Il s’est écrié: « Mon Dieu, pourquoi M’as-Tu abandonné? »
Dans son infinie générosité, la Réponse du Père a été à la hauteur de l’ardeur avec laquelle Il S’était donné. Ce fut la Splendeur de Sa Résurrection. L’Épître aux Hébreux nous en a donné une timide évocation: « Vous êtes venus vers la Montagne de Sion et vers la Cité du Dieu Vivant, la Jérusalem céleste, vers des milliers d’anges en fête et vers l’assemblée de premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux! »
Sa Résurrection fut dans le Ciel une fête éclatante, mais sur terre, elle ne s’est manifestée que d’une manière discrète. La Foi en Lui ne s’est pas imposée par un déploiement de puissance humaine ni par l’éclat extérieur de ce qu’évoque l’Épître à propos de la manifestation au Sinaï. C’est dans la même discrétion qu’Il nous appelle à notre tour à nous donner gratuitement comme nous avons reçu gratuitement. Dans la Foi Il nous appelle à une démarche difficile, à contre-courant du monde pécheur en lequel nous vivons. Quelquefois Il peut nous sembler que notre confiance n’aboutit à rien et que Le Seigneur nous abandonne! Alors sachons lever les yeux sur la Splendeur dont rayonne aujourd’hui notre Maître. L’Avenir qu’Il nous promet est de la partager! Alors si L’Esprit nous donne de commencer à vivre cette confiance, si nous nous abaissons à servir à sa suite, c’est Lui qui nous dira: « Avance plus haut! » Mais ce qui éblouira alors nos yeux est pourtant déjà dans la discrétion la grande réalité de notre vie: apprenons à nous en rendre compte pour nous en réjouir!