C’est curieux le carême. Ça commence par des cendres et ça finit par un feu. C’est le monde à l’envers à moins que ce ne soit un retournement. On part des cendres. Et pourtant les cendres, c’est terne, froid. C’est ce qui reste après qu’un brasier a tout détruit. Parfois on subit le brasier. Parfois on l’attise. On commence par des cendres parce que l’indifférence, la critique perpétuelle, la jalousie, la luxure, l’égoïsme, la haine de Dieu et du prochain, bref le péché, dévorent tout et ne laissent qu’un champ de ruines et de cendres. Triste réalité qui a marqué notre humanité en particulier ce dernier siècle. Combien de personnes jusque dans nos familles, nos communautés font l’expérience amère du poids de la solitude, de la souffrance, du rejet, du mal-être, de la faim? On commence par des cendres parce que nous tombons les masques. Nous ne faisons pas le bien que nous devrions. Nous sommes complices du mal. En recevant les cendres, nous acceptons de nous dévoiler, devant Dieu et devant les autres, tels que nous sommes: des pécheurs. Nous portons la marque du péché et de la mort. Ce qui est mal à tes yeux, Seigneur, je l’ai fait! Vois cette part de ma personne qui est abîmée, consumée par le péché! Lave moi tout entier de ma faute! Seigneur Guéris-moi, fais-moi revivre! Frères et sœurs, priez pour moi! Oui le carême commence par des cendres. Elles sont une reconnaissance mais aussi un appel. Nous en appelons à Dieu et à l’aide des autres. Nous savons qu’il ne fera pas défaut, il nous l’a dit: Je viens porter la bonne nouvelle aux malheureux, panser ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux captifs la liberté, consoler les affligés, leur donner un diadème au lieu de cendres? Oui le carême est une bonne nouvelle!
C’est Dieu qui dit: Vois, aujourd’hui, je te propose le bonheur ou le malheur, la vie ou la mort, le feu ou la cendre. Choisis donc la vie, choisis le feu, choisis une vie de feu! Et il continue: Je viens changer ton deuil en allégresse. Viens recevoir mon pardon. Sous les cendres de ton péché, ma miséricorde ranimera le feu de mon Esprit. Ce feu-là brûle mais sans détruire. Il éclaire, réchauffe et donne la vie. Il transforme toute chose en lui même, dans le désert, il fait jaillir une source vive là. Le pardon de Dieu nous fera renaître de nos cendres, pour peu que nous le demandions. Mais cela ne suffira pas que la flamme de l’Esprit Saint soit rallumée, il faudra la nourrir: il y a les sacrements, la prière et sa Parole. Chaque jour, donnez du temps au Seigneur dans la prière personnelle. Et si vous n’arrivez pas à être fidèles, appuyez-vous sur une communauté, par exemple ici, en participant à l’office: il y en a trois par jour. Aujourd’hui, vous avez compris qu’on peut aller au milieu de la semaine, en plus du dimanche. Continuez donc pendant le carême! Enfin, chaque matin, lisez quelques versets de l’évangile selon saint Matthieu et essayez de les mémoriser. Pendant la journée, faites-les remonter dans votre esprit et méditez-les. Vous le verrez, peu à peu, au fil des jours, des mois et des années, ces paroles surgiront toutes seules au bon moment et vous pousseront à agir! Elles vous conduiront, vous et les autres au bonheur qui ne finit pas.
Pendant ce carême nous jeûnerons et nous nous priverons. Mais vous l’avez compris: le but du carême n’est pas de se priver pour se priver. Il s’agit de créer un vide qui deviendra un espace d’accueil aux autres et au Seigneur. Cet espace, ce sont ces périphéries de notre cœur, où l’Évangile n’a pas encore établi son règne. Et il s’agit de nourrir cette présence pour qu’ensuite, nous puissions le rendre présent, pour que, nous aussi nous cherchions et trouvions les malheureux pour leur donner un diadème au lieu de cendres. Aimons-les car en les aimant, c’est Dieu que nous aimerons. Sachons voir et souligner ce qui est beau et digne de louange en eux en toute circonstance. Recevons le diadème du Christ, ce diadème du service, du pardon offert et reçu et de l’amour absolu pour le transmettre autour de nous! Car il ne servirait à rien de prétendre chercher Dieu si nous ne savons pas le reconnaître dans les autres et singulièrement dans ceux que la misère accable! Rendons l’évangile vivant dans le monde!
Ça commence par des cendres et ça finit par un feu. Mais il faut le vouloir, prendre les dispositions pour que le Seigneur opère cette transformation. Un roi était venu mendier dans les rues. Un homme, très surpris et scandalisé, ne donna que le strict minimum, à savoir un grain de riz, et un seul. C’était à la mesure de son cœur. Le soir venu, en rangeant sa besace, il trouva un grain de riz en or, et un seul. Dieu, comme le roi, ne peut transformer que ce que nous voulons bien lui donner, il ne peut habiter que l’espace que nous lui ouvrons! L’enfant de Dieu dit: Crée en moi un cœur pur, rends moi la joie d’être sauvé! Par ta justice fais-moi vivre! Donne-moi de connaître et d’aimer ta volonté. Donne-moi la force de l’accomplir! Et vous, que direz-vous au Seigneur?