Catholique


En ce temps-là, tout le peuple d’Israël attendait l’arrivée du Messie. Israël pressentait l’imminence de l’accomplissement des prophéties.
Et il avait raison : un descendant du roi David, Jésus, est né à Bethléem.
Pourtant quel paradoxe que cet évènement si attendu soit passé inaperçu du peuple (hormis quelques bergers), y compris à Jérusalem pourtant distante d’une lieue !
L’explication réside dans le mystère du Messie.
À cette époque, Messie signifiait « roi des Juifs », pour eux mais aussi pour les Mages ou pour Pilate, qui fit placarder ce titre sur la croix. Mais, pour Dieu, c’est différent.
Pour lui, Messie signifie : le Sauveur du monde entier, le nouvel Adam.
Depuis longtemps, il l’avait fait annoncer par les prophètes. Par exemple, Isaïe : « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. »
Les prophètes et les Psaumes aussi : « Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande, tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. »
On le savait mais… c’était encore le temps de l’Alliance avec Moïse, avec le peuple d’Israël seul.
Or maintenant le temps est venu, toutes les nations doivent être associées au même héritage, au partage de la même promesse jadis faite au seul Israël.
Dieu veut donc que tous les hommes soient sauvés : telle est la révélation qui ouvre la Nouvelle Alliance ; à qui a-t-elle d’abord été faite ?
On vient de l’entendre : les premiers à l’avoir reçue sont ces Mages venus d’Orient. Ils furent les premiers à recevoir ce salut universel, offert à toute l’humanité.
Au fait, on apprend au caté un mot spécial pour dire « universel » ? R/ Catholique.
Eh bien, les Mages ont pour rôle de nous aider à comprendre le sens exact de ce mot.
Le premier sens du mot « catholique », on vient de le rappeler, c’est universel.
Jadis, Dieu avait privilégié un seul peuple ; désormais ce sont tous les peuples, races, langues et nations, qu’il rassemble pour former sa famille.
C’est pourquoi les Mages de nos crèches sont de race blanche, noire, et jaune. Ce détail n’est pas précisé dans l’Évangile mais ce qu’ont bien compris les traditions populaires.
Comme dit saint Paul : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme : tous, vous n’êtes qu’un dans le Christ Jésus. » C’était une nouveauté inouïe à l’époque ; elle le reste aujourd’hui d’ailleurs si on considère la fracturation inédite des sociétés occidentales.
Le salut qu’apporte le Christ s’adresse à tous, car tous sont fils d’un même Père, et par conséquent tous sont frères.
Mais le mot catholique a un autre sens, qui concerne, non plus la quantité de gens appelés, leur nombre, mais la qualité de ce que ces gens reçoivent, leur héritage. Le mot catholique signifie alors : total ou essentiel (le mot grec καθ’όλου signifie littéralement : selon le tout).
Les Mages nous aident à comprendre ce sens avec leurs présents symboliques.
L’or, en ce temps-là métal le plus noble et le plus rare, était le cadeau typique pour un roi.
L’encens, résine aromatique, était l’offrande la plus adaptée pour un dieu. La coutume de brûler de l’encens devant Dieu a d’ailleurs lieu ici même chaque soir…
La myrrhe est une autre résine, encore plus précieuse (on dit qu’elle valait aussi chère que l’or). Ses propriétés sont aromatiques mais surtout antiseptiques et analgésiques. N’en mit-on pas dans le vinaigre offert à Jésus crucifié, afin d’atténuer sa souffrance (mais il refusa) ?
La myrrhe servait aussi aux Anciens pour embaumer les morts, car on imaginait qu’elle pouvait, en plus de parfumer le cadavre, le préparer à ce qui suivrait la mort… Bref, pour les Anciens, la myrrhe signifiait à la fois la guérison, la mort et l’après-mort.
Sachant cela, que peut-on dire de la personne qui reçoit ces trois présents ensemble ?
On peut dire qu’il est à la fois un roi, et un Dieu, et un homme destiné à traverser la mort. Tiens : voilà un excellent résumé de la foi chrétienne…
Le bébé devant qui se prosternent les Mages est ainsi bien plus que le « roi des Juifs » : il est le Roi de l’Univers, le Fils de Dieu, et le futur Crucifié Sauveur du monde. Cette foi (implicite) des Mages, qui embrasse tout le mystère du Christ, elle est donc catholique, au deuxième sens de ce mot.
Mais, je dois le préciser maintenant : chacun de ces deux sens — universel et essentiel —, chacun des deux est partiel, approximatif. Il faut en effet que ces deux sens se rejoignent pour que le mot « catholique » prenne enfin son sens exact et précis, véritable.
Autrement dit, pour qu’une chose puisse être qualifiée de catholique, il faut deux conditions : cette chose doit être à la fois universelle et totale. Il faut donc que, partout où cette chose se trouve, elle s’y trouve en totalité.
Jésus est ainsi : à Bethléem et à la crèche, il offre tout son mystère à quiconque vient le visiter. Il veut entrer tout entier dans le cœur de chacun, et y demeurer. Voilà ce que les Mages cherchaient, voilà ce qu’ils ont reçu.
L’Église est ainsi : elle existe autant dans le cœur d’une petite vieille inconnue perdue au fond de la Sibérie que dans notre grande assemblée (ou même dans le collège des cardinaux).
L’eucharistie est ainsi : une hostie contient le Seigneur tout entier, son corps et son sang, son humanité et sa divinité, et cela, pour être offert à chacun comme à tous.
Notre foi est ainsi : elle reçoit tout ce que Dieu a révélé et elle s’offre à chacun de la même façon. En un mot donc, « catholique » se dit d’une réalité totalement là, en chacun et en tous.
S’il en est ainsi, ne nous étonnons pas que Dieu soit exigeant avec nous. Ne soyons pas surpris qu’il attende que toute notre vie soit pour lui… Pas seulement tel ou tel aspect de notre existence, ou tel ou tel moment, ou tel ou tel compartiment… mais notre vie entière, intégralement.
C’est cela, être catholique, pas moins !
Heureusement, ceux qui nous précèdent nous inspirent, tels les Mages. Nous aussi, ouvrons nos cassettes (on ne parle pas ici de la quête, encore que…), et offrons à Jésus ces mêmes cadeaux :
– l’or de nos activités, surtout quand cet or est en fait du plomb ou un bout de fer rouillé ;
– l’encens de notre prière, surtout si elle est effectivement pleine de crottin et de distractions ;
– la myrrhe de nos sacrifices, surtout lorsqu’il en coûte de renoncer à notre égoïsme collant…
Suivons les Mages, arrivons à la Crèche, rejoignons les santons, devenons de saints catholiques !

