Homélie du 19 janvier 1997 - Dimanche des Noces de Cana

Célébrer la famille

par

fr. Alain Quilici

Une fois par an, l’Église nous invite à célébrer la sainteté du mariage, du couple et de la famille. Ce n’est pas tant le jour de la fête de la Sainte famille, qui célèbre la sainte famille de Jésus, le lieu béni de son Incarnation, qu’en ce troisième dimanche de l’Épiphanie, qu’on a la fâcheuse habitude de ne fêter que tous les trois ans (l’année C!) mais que nous nous fêtons tous les ans, en cette troisième Épiphanie du Seigneur à Cana en Galilée, un jour de noces.

Jésus par sa présence à ces noces et par le signe qu’il opère aux yeux de ses disciples, sanctifie le mariage. Marie, en répondant à l’invitation des fiancés et en intercédant pour eux souligne la sainteté du mariage. Les disciples, commencement de l’Église, en étant les témoins vigilants de l’œuvre de transformation réalisée par le Christ pourront attester ensuite de la sainteté des noces.

Tout cela conduit à considérer le mariage comme une grande et noble vocation. Voulue par le Créateur, inscrite dans la nature humaine, sanctifiée par le Christ, l’union de l’homme et de la femme, fondée dans l’amour en vue de transmettre la vie, est une vocation divine.

Le merveilleux récit de la vocation de Samuel est là pour nous rappeler ce qu’est une vocation: Dieu appelle. Il multiplie les appels. Il insiste jusqu’à ce qu’on ait compris. Comme Samuel nous sommes mal habitués à ce genre d’appel. Mais quel que soit l’appel il n’est qu’une réponse:  » Parle, Seigneur, ton serviteur écoute « .

Tout le monde n’est pas appelé à la même vie, même en matière matrimoniale. Certains ne sont pas appelés à se marier, pour des raisons diverse. Ils devront réaliser autrement leur vocation, en se souciant toujours de faire la volonté de Dieu. Certains ne sont pas non plus appelés à se marier, pour se consacrer au service du Royaume de Dieu. Mais ceux qui sont appelés au mariage, et c’est le grand nombre, ne doivent pas se tromper dans la signification de l’appel reçu.

C’est pour cela qu’avant de s’engager dans les liens du mariage, avant de fonder une famille, il faut prendre le temps de vérifier le bien-fondé de ce qu’on entreprend. Le temps des fiançailles est au mariage ce qu’est le noviciat à la vie religieuse. Un temps sans engagement pour vérifier sa vocation!

Il est vrai que nous connaissons beaucoup de drames familiaux; beaucoup de familles douloureuses voire explosées. Cela rend soupçonneux sur le mariage, ce qui fait naître le sentiment que plane une sorte de fatalité de l’échec, et que quoiqu’on fasse ce ne peut être autrement. Rien n’est plus démoralisant que ce discours. Rien n’est plus culpabilisant pour ceux qui n’ont pas de tels problèmes. Rien n’est plus démobilisateur pour ceux qui envisagent de s’engager dans les liens du mariage.

Permettez-moi de dire deux ou trois choses à ce sujet et en partant des lectures de ce jour.

1 – D’abord en s’appuyant sur 1 Cor. 6. Qui médite sur le corps.

Le corps est, sans conteste, une réalité matérielle, la plus charnelle qui soit! Il serait très possible de s’en tenir là. Mais S. Paul rappelle que la vocation du corps humain est divine. C’est le Créateur qui a donné son corps à l’homme. Le Verbe de Dieu a pris un corps humain. Ce corps, si lourd soit-il, aujourd’hui il est Temple de l’Esprit-Saint et demain il es appelé à la résurrection.

De même pour le mariage et pour la famille. Leur incontestable réalité matérielle et même charnelle, et donc leur fragilité, ne doivent pas faire oublier leur vocation divine. Fonder une famille, c’est comme fonder une Église: c’est donner à la Parole de Dieu de prendre corps, c’est fonder une communion d’amour, transmettre la vie divine, créer des liens de charité, annoncer l’Évangile à des enfants qui nous sont confiés pour çà, c’est bâtir le monde dans l’attente du retour du Seigneur.

On ne saurait imaginer plus grande vocation.

2 – L’épisode de Cana nous rappelle ensuite que la noce est menacée, ce que symbolise le manque de vin. Mais le récit nous rappelle aussi que Marie veille et qu’à sa prière Jésus intervient.

Le mariage et la famille sont menacés. Non par la fatalité, comme on dit, mais par le Malin, l’ennemi de Dieu, le pourfendeur des alliances. Il a tout fait pour que Jésus renonce à sa vocation. Il fera tout pour que se séparent ceux qui ont fait alliance: c’est vrai de toute communauté.

Mais Marie veille sur la famille, comme elle veille sur l’Église.

Ce n’est pas elle qui fait les miracles. C’est Jésus seul. Mais son intervention est efficace. Car elle veut ce que Dieu. Elle nous demande de vouloir nous aussi ce que Dieu veut:  » Faites tout ce qu’il vous dira!  »

Mais la question est: le voulons-nous? Le croyons-nous? Le demandons-nous?

Trop de couples en difficulté, trop de familles vivant des manques, sinon des manques de vin, du moins des manques d’amour, de parole, de communion, de relation, ne croient pas à la possibilité de l’intervention de Marie et de Jésus. Il préfère opter pour le désespoir et la rupture plutôt que de le demander aux seuls qui puissent faire ce qui est impossible aux hommes.

Le mariage est une vocation divine, aussi faut-il s’en remettre à Dieu, dès le commencement et ne jamais quitter cet attachement. C’est Dieu qui appelle, c’est Dieu qui sauve. Telle est toute la vocation chrétienne.

Marie nous dit de faire ce qu’il nous dira. Jésus nous enseigne à prier en disant:  » Que ta volonté soit faite « . Et Jésus au moment de la consommation de ses noces, au jardin de Gethsémani, prie en disant:  » non pas ce que je veux, mais ce que tu veux « .

La vocation de l’homme c’est de faire la volonté de Dieu. La volonté de Dieu c’est de faire le bonheur de l’homme. C’est bien ce que Jésus réalise à Cana de Galilée où il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.