Homélie du 30 avril 2000 - 2e DP

« Celui qui croit en Jésus est né de Dieu »

par

fr. Nicolas-Jean Porret

Les progrès ultra-rapides des sciences et des techniques nous permettent de rêver un peu.

Aussi je vous invite à imaginer que vous vous êtes laissés embarquer dans une navette spatiale, en route pour une nouvelle planète que l’on vient de découvrir.

On vous a promis le dépaysement le plus total, un bonheur indicible; lorsque l’on vous a parlé du projet, l’effervescence régnait dans les esprits, et l’attrait du nouveau, plus que jamais, vous a séduit.

Et puis vos proches, vos amis, vos parents ont également acquiescé à ce projet un peu fou.

Il est vrai que la monotonie de notre vieille planète, les pollutions de toutes sortes, la dégradation des mœurs vous pesaient; et la soif de dépaysement vous pressait: bref, vous avez cédé à la proposition.

Les «Gentils organisateurs» vous ont rassurés, ils vous ont transmis la charte du projet: tout repose sur la foi en cette charte à laquelle il faudra être fidèle. Des consignes de sécurité et d’hygiène, avec certains renoncements (on ne fume pas, on n’ouvre pas les hublots, et encore bien d’autres choses) font parties de la règle du jeu: question de vie ou de mort!

On vous a préparés, entraînés, initiés, revêtus de vêtements spéciaux.

À bord, une forme de théâtre offert chaque dimanche vous permet de vous divertir et surtout d’anticiper sur le terme du voyage, d’en vivre dès à présent.

En réalité, le projet remonte à plusieurs décennies, peut-être davantage: on ne sait pas exactement. Les initiateurs du projet sont morts, mais ceux qui poursuivent le programme et le mettent en œuvre affirment en connaître les tenants et les aboutissants: ils sont les gardiens de sa réussite. Vous leur faites confiance.

Les jours, les mois, les années passent: les moteurs de la fusée vous poussent inexorablement vers l’inconnu. Ils semblent relayés par une énergie venue d’ailleurs.

Allo, allo, la terre … Pas de réponse. L’ancien monde s’en est allé.

Mais l’inquiétude n’est pas de mise, car les vivres ne manquent pas: ils semblent même inépuisables.

Bien sûr parfois une nostalgie vous gagne et vous pensez à ce que vous avez quitté: l’ancien monde n’était pas tout mauvais. Et puis les consignes de bord aussi vous semblent un peu lourdes, le Credo imposé, à la limite du raisonnable? Mais le projet continue de vous emballer; vous continuez (à vrai dire, vous n’avez pas le choix); vous vous convainquez que c’était le bon choix, et que si c’était à refaire vous le referiez.

Simplement, vous aimeriez mieux connaître la genèse du projet, son fondateur. Ou même voir, toucher (mieux qu’on ne le fait dans le théâtre hebdomadaire) la réalité vers laquelle vous vous acheminez.

Vous seriez rassurés, vous croiriez mieux si vous voyiez?

Frères et sœurs, si vous pensez que cette parabole moderne s’applique à l’Église, eh bien, pardonnez-moi de vous le dire si directement et crûment, mais vous vous êtes faits avoir?

Vous me direz: c’est moins grave, car l’ancien monde n’est pas bien loin? ses charmes sont à portée de main. On peut y revenir facilement.

La nouveauté de l’Évangile, le bonheur promis par l’Église, son Credo, sa morale, sa liturgie, sa fondation sur le Christ et les Apôtres, la Révélation, l’Esprit-Saint qui nous pousse en avant, les sacrements qui nous nourrissent, tout cela est vain si le Christ n’est pas mort et ressuscité, s’il n’est pas Dieu.

Ce Christ en qui vous croyiez n’a autorité que parce qu’il vous a créés, que parce qu’il vous précède et précède le monde et tout ce qu’il contient; il est le Verbe par qui tout a été fait et sans qui rien n’existe. Il faut être né de Dieu en Jésus-Christ pour s’aventurer dans la foi de l’Église. Et ce n’est qu’ainsi que la dernière béatitude de l’évangile veut dire quelque chose: oui, heureux êtes-vous de croire sans voir! Heureux, si vous sentez que la vie présente n’est pas raisonnable si elle ne dépasse pas l’horizon que voient vos yeux; heureux, car vous êtes nés de Dieu par la foi au Christ; heureux enfin car vous entendez au plus intime de votre cœur le Christ vous dire: Je suis ton Seigneur et ton Dieu.

Aucun discours n’est convaincant: seule la foi permet de croire!