Le jour des Rameaux, nous avons célébré l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem, le Jeudi Saint le dernier repas, le Vendredi Saint sa passion et sa mort en croix et le jour de Pâques sa résurrection. La semaine dernière, nous avons célébré un autre événement : le don de l’Esprit à toute la communauté des disciples de Jésus. Bref, toute célébration liturgique est liée à un événement. Or aujourd’hui nous ne célébrons pas un événement. Nous faisons un temps d’arrêt pour une démarche que j’ose appeler : contemplation. Contempler ! Qu’est-ce à dire ? C’est très simple : notre attention porte sur Dieu lui-même ; elle est portée par le désir de le connaître, tel qu’il s’est révélé dans le mystère pascal, lui qui est appelé Père, Fils et Esprit Saint.
Le verbe « contempler » se rapporte à la manière de regarder. Dans la vie de tous les jours, nous faisons la différence entre, d’une part, un regard qui observe l’action d’un autre et, d’autre part, le regard que l’on pose avec affection, sur lui, sur elle, parce que c’est elle, parce que c’est lui, parce que c’est moi. Aujourd’hui, nous posons notre regard sur Dieu dans une démarche de « contemplation ». Ce n’est pas une démarche de curieux. Ce n’est pas un regard de philosophe ou de psychologue, de gestionnaire ou de politique… C’est un regard aimant sur celui qui s’est manifesté dans les événements rapportés par les évangiles, lui qui est nommé par les trois mots : Père, Fils et Saint-Esprit. Oui, un regard d’amour ! Il suppose de l’attention, du silence, de la délicatesse et du respect. C’est aussi un regard qui espère !
Une démarche contemplative considère l’autre déjà aimé avec le désir d’aimer mieux. Dans la contemplation enracinée dans le mystère pascal, il y a de l’infini, parce que Dieu s’est engagé directement. Il s’est manifesté Père, Fils et Saint-Esprit. En donnant à ces mots toute leur signification, la contemplation porte attention à l’être même de Dieu. Mieux comprendre qui est le Père permet de grandir dans la connaissance du Fils ; de même mieux connaître le Fils nous donne de mieux connaître l’Esprit qui les unit. Connaître leur lien permet de donner sens au mot Esprit dont la présence est un amour qui fait que le Père est Père et le Fils, Fils. La contemplation est un mouvement où se dépassent les limites du langage banalisé ou employé distraitement. Elle dépasse ce qui réduit au donné biologique (comme en islam). Ce dépassement est exprimé par le verbe « croire ».
En français le verbe croire dit que l’on accède à la vérité par la confiance accordée à un autre. Cette confiance n’est pas enfermée dans un seul modèle. On utilise le verbe de manière diverse en disant : « croire que », « croire à », « croire en ». « Croire en », c’est s’attacher fermement à la personne à qui on fait confiance. « Croire que », c’est tenir pour vrai ce qui a été dit par un autre. « Croire à », c’est faire confiance à un ensemble de propositions ou à une institution. En toute rigueur, la foi en Dieu est dite par « croire en ». Ainsi, la confession de foi dite lors de baptême (« le symbole des apôtres ») emploie trois fois le verbe « croire en » : croire en Dieu le Père, croire en Jésus Christ Fils éternel, croire en l’Esprit Saint. Puis il change de forme pour dire « croire à l’Église, à la résurrection, à la vie éternelle… ». Trois fois « croire en ». Tel est l’objet de la contemplation, Dieu qui se révèle Père, Fils, Esprit Saint : elle porte sur Dieu parce qu’il est celui à qui on donne sa vie. Sur ce point, je note avec regret que la traduction habituelle du symbole dit de Nicée-Constantinople est équivoque. En effet, le latin « credo Ecclesiam… » est traduit par « croire en l’Église » alors qu’il est écrit « croire en » (credo in) seulement pour le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Le symbole baptismal dit par tous les chrétiens introduit à la contemplation, acte d’amour pour Dieu en donnant sens aux termes par lesquels il s’est lui-même présenté : Père, Fils et Saint-Esprit. La contemplation est une relation dans la foi qui nous fait recevoir le don de Dieu, se tenir en sa présence et le recevoir ! La contemplation scrute les mots que l’Évangile nous a donnés pour dire Dieu, le Dieu vivant, manifesté au Mystère pascal. Il est le Père source de tout être, de tout amour, de toute vie. Il est le Fils venu prendre la tête de l’humanité pour la conduire à la vie éternelle. Il est l’Esprit qui est l’amour plus fort que la mort.
Tout à l’heure, nous dirons la prière que Jésus nous a enseignée et dont les premiers mots sont « notre Père… ». Avant de la dire, nous nous rappellerons que nous la disons en vérité parce qu’elle est dite dans l’Esprit d’amour qui unit le Père et le Fils. Cet Esprit nous est donné pour que nous devenions enfants de Dieu, participant déjà de sa vie, la vie éternelle.