Homélie du 22 décembre 2002 - 4e DA

Contempler l’annonce faite à Marie

par

fr. Alain Quilici

Aujourd’hui, pas de discours! Aujourd’hui, pas de sermon!

Nous sommes invités à la contemplation. Nous sommes invités à entrer dans l’intimité de la prière de Marie, à ce moment unique dont nous venons d’entendre le merveilleux récit.

Car il y eut un jour, il y eut un instant où Marie fut confrontée à la présence de Dieu. Il n’y avait pas de doute possible; c’était bien lui, c’était bien elle. C’était bien Dieu qui s’adressait à elle par son messager Gabriel. C’était bien elle, Marie, à qui ce message s’adressait.

On comprend qu’elle fut bouleversée, infiniment plus bouleversée que ne le fut Abraham quand il reçut la révélation du Dieu unique; infiniment plus bouleversée que Moïse devant le buisson ardent quand il reçut la révélation du Nom de Dieu.

Ce qui bouleverse Marie c’est cette façon dont l’ange la nomme, ce nom nouveau qu’il lui donne: pleine de grâce! Marie n’est pas pleine d’elle-même; elle est vide d’elle-même. Aussi a-t-elle pu être comblée par Dieu lui-même, remplie de la grâce de Dieu, qui est Dieu lui-même.

Et le cœur de Marie est inondé de joie quand elle s’entend dire ce que tout croyant désire que Dieu lui dise: le Seigneur est avec toi! Elle tressaille jusqu’au plus profond d’elle-même d’une joie dont aucune joie humaine ne peut donner l’idée, si ce n’est peut-être la joie que ressent l’amoureuse quand elle apprend qu’elle est aimée.

Déjà le Magnificat affleure aux lèvres de Marie,

son âme exulte de joie!

Mais avec la joie, Marie connaît aussi la crainte, qui est l’aveu de sa conviction d’être en présence de Dieu. Et Marie reçoit cette exhortation qui a eu tant de succès ces récentes années: N’aie pas peur! Ici il ne s’agit pas de la peur des hommes, de leur cruauté et de leurs systèmes vraiment diaboliques. Il s’agit de cette crainte qui s’empare de celui qui prend conscience de ce que Dieu pourrait lui demander. N’est-ce pas la crainte toute spirituelle que ressent celle ou celui qui se sent appelé à consacrer à Dieu sa vie dans le célibat ou le martyre?

Et l’ange Gabriel rassure Marie. Le message que Dieu lui envoie est un message de bonheur. Il veut lui donner ce à quoi aspire toute femme, dans sa vocation vraiment divine: être mère, transmettre la vie à un vivant, participer à l’œuvre du Créateur.

Et c’est alors que Marie dit cette phrase qui a des allures d’objections mais qui n’en est pas une: Comment cela sera-t-il puisque d’homme, je ne connais pas? À vues humaines, cela ressemble à une objection bien raisonnable. Comment une vierge pourrait-elle être mère, sans l’intervention d’un homme? Cette bonne vieille objection sans cesse reprise depuis des siècles et qui n’est finalement pas si originale si Marie elle-même l’utilise.

Si ce n’était que çà, ce serait bien dérisoire. Mais il s’agit de tout autre chose. Et c’est là que nous voyons dans quelle intimité le récit de saint Luc nous invite à entrer. Car ce que Marie avoue à l’ange, comme s’il ne le savait pas, mais nous, nous ne le savions pas, c’est que Marie avait formé dans le secret de son cœur, le projet de ne point connaître d’homme, de consacrer à Dieu sa virginité: Comment cela sera-t-il puisque d’homme, je ne dois point connaître?

Confidence inattendue et bien surprenante que nous sommes presque gênés d’apprendre tant elle est intime et secrète.

Et si c’était justement ce que Dieu attendait! … que Marie avoue son projet secret, cette décision bien arrêtée sur laquelle il pouvait se fonder pour manifester sa gloire?

Justement parce qu’elle avait été inspirée de longue date de se consacrer tout entière à Dieu, corps et âme, Marie était toute désignée pour entrer dans le plan de Dieu.

Et Marie se voit confirmée dans sa résolution et dans sa certitude que Dieu peut à la fois lui donner d’être mère et respecter sa totale consécration, par l’exemple de sa parente Élisabeth. Elle aussi se trouve dans une situation inattendue et inespérée: elle a conçu un fils dans son vieil âge… elle qu’on appelait stérile.

Et retentit alors le grand message que Dieu ne réserve pas seulement à Marie et à Élisabeth, mais qui doit éclairer la vie de tous les croyants fidèles: aucun mot n’est impossible à Dieu! Aucune parole, aucune promesse n’est irréalisable pour Dieu.

Tout est là! Le croire ou le refuser! L’accepter ou le rejeter!

Marie, quant à elle, avec enthousiasme, bondit par cette ouverture que Dieu lui fait. Elle prend la parole au mot. Elle prend le mot au mot!

Qu’elle advienne cette parole! Qu’il advienne ce mot! Qu’elle se réalise cette promesse, humainement impossible.

Marie aujourd’hui proclame ce qui sera la marque de toute sa vie: faire la volonté de Dieu!

Cela étant acquis, l’ange peut la quitter.

Mes frères, pour faire un bon sermon, je devrais maintenant chercher les applications à nos vies. Et il est vrai qu’elles sont multiples.

Mais je ne le ferai pas. Je vous laisse à votre contemplation de cet instant sublime:

Il y eut un jour, il y eut un instant où Marie fut confrontée à l’indéniable présence de Dieu. Ainsi en est-il aussi pour nous, en ce jour, à cet instant, puisque le Seigneur va nous manifester son indéniable et réelle présence dans l’eucharistie que nous célébrons.

Qu’il advienne! Qu’elle advienne cette parole. Amen.

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