Homélie du 7 juin 2020 - Solennité de la Sainte Trinité

Dans la fulgurance de l’instant qui est l’éternité

par

fr. Jean-Michel Maldamé

Au commencement de notre célébration (comme de toute prière), nous avons fait le signe de croix en disant : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. » Puis le président a repris une salutation écrite par saint Paul : « La grâce de Jésus-Christ notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous. » Ensuite, pour conclure la prière qui rassemble nos intentions, nous avons précisé que notre demande s’adressait au Père, par le Fils et dans l’Esprit Saint. Bref, nous ne pouvons nommer Dieu qu’en explicitant son nom par les trois termes : Père, Fils et Esprit Saint ! Pourquoi ces trois termes ? La raison est simple : nous les avons reçus. Le Christ Jésus nous les a donnés. C’est lui qui a répondu à ses disciples lui demandant comment prier en leur disant qu’il fallait dire « Notre Père… » et reprendre à son compte le titre de Père qu’il employait dans sa prière. Dans le grand discours d’adieu transmis par saint Jean, Jésus assurait que les disciples partageraient l’Esprit Saint à la source de sa vie. Parce qu’il n’y a aucun mensonge en Jésus, nous reprenons ces paroles en sachant que c’est vrai — vraiment vrai ! Ces mots ne désignent pas des fonctions accomplies par Dieu ou des manières humaines de voir la même réalité, la différence est réelle ; pour cette raison, on peut nombrer, utiliser le chiffre trois et parler de Trinité. Ce n’est pas une question de mots : c’est une affaire de vie.

Le même Dieu, le Dieu unique, est la perfection d’une unité à la richesse infinie. Pouvons-nous, sinon le comprendre, du moins l’entrevoir ? Oui, si nous reconnaissons que chacun de ces trois mots désigne un don de soi. Le Père se donne en donnant à son Fils d’être le Fils. Le Fils se donne en donnant à son Père d’être le Père. Ce don se donne et en se donnant s’accomplit dans la fulgurance de l’instant qui est l’éternité. Ce don mutuel est un seul et même acte de communion ; il est exprimé par le mot « esprit » qui dit la présence du souffle de la vie au plus intime d’un vivant. Tel est le Dieu qui s’est manifesté dans les actes du salut rapportés dans les évangiles : Jésus est envoyé par le Père et sa mission est accomplie dans la force de l’Esprit Saint : vie, mort et résurrection pour le salut du monde. Dans ce don s’engage le plus intime de Dieu dans la lumière et dans la gloire. Plus encore : le don de l’Esprit qui nous donne cette vie fait de nous des enfants de Dieu. Dans le mystère pascal, se manifeste l’être de Dieu qui est fécondité et générosité.

Pour le dire, je propose l’image de la source de la vie qui se donne comme un fleuve dont l’eau féconde les vallées et les plaines et donne vie et fertilité en abondance. Si elle vient d’une profondeur qui nous est inaccessible, la source vive est bouillonnement ; elle est énergie, fécondité, don sans retour sur soi, transparence et profondeur, joie débordante et intériorité profonde, unité généreuse et féconde.

Comment participer à cette générosité ? Par la foi, telle que nous la disons dans la confession de foi baptismale. En français, on distingue entre croire que, croire à et croire en. « Croire que » se rapporte à une information ou un énoncé que l’on tient pour vrai. « Croire à » se rapporte à une autorité à qui on fait confiance ou à une vision d’ensemble. « Croire en » dit davantage : on s’en remet à la personne, pour ce qu’elle est et pas seulement pour ce qu’elle dit. C’est ainsi que dans la célébration du baptême la confession de foi emploie par trois fois « croire en » : « Je crois en Dieu le Père… Je crois en son Fils Jésus-Christ… Je crois en l’Esprit Saint… » La disposition typographique du symbole des apôtres est heureuse quand elle marque bien les trois personnes. « Croire en » c’est engager sa vie, répondre à la vie par la vie, à l’amour par l’amour, à la lumière par la lumière.

Ainsi la prière eucharistique qui nous rassemble s’adresse au Père, en faisant mémoire de ce qui a été vécu par Jésus-Christ nous donnant part à sa vie dans l’Esprit Saint. C’est lui qui sanctifie nos offrandes et fait que le pain et le vin deviennent le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ.