Homélie du 12 mai 2002 - 7e DP

De la terre jusqu’au ciel par une vie donnée

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Frères et sœurs, l’évangile que nous venons d’entendre fait partie du dernier discours adressé par Jésus à ses disciples: il est comme son testament. A l’intention de ses disciples, Jésus définit un chemin, celui de la vie chrétienne, en commençant par son terme: il rappelle d’abord la fin qui l’attend, comme elle attend les disciples eux-mêmes, et qui a tout d’un accomplissement puisqu’il s’agit d’une entrée dans la gloire du ciel; dans un deuxième temps, il rappelle les moyens de cette entrée, en particulier en gardant la parole; enfin, dans un troisième temps, il considère la situation actuelle des disciples, eux qui sont dans le monde. Je voudrais revenir sur ces trois moments, dans le sens inverse où ils nous sont présentés, et rappeler pour conclure l’importance du don de soi sur ce chemin.

«Eux, ils sont dans le monde et moi je viens vers toi». Nous venons de fêter l’Ascension, où nous avons célébré le retour de Jésus au ciel. Avec cet événement, et les disciples l’ont d’ailleurs bien senti, vient s’accuser la distance qui sépare encore la vie de Jésus et celle de ses disciples: les seconds sont comme collés à la terre, quand le premier s’en est arraché. Mais si cette terre reste le lieu de vie des disciples, ils n’ont pas à se contenter d’elle, à l’idolâtrer par des luttes de pouvoir, d’honneurs, d’argent, d’influence: ils doivent viser plus haut, plus loin, vers ce monde que Jésus rejoint par son Ascension.., Voilà pourquoi l’Esprit va leur être donné à la Pentecôte: cet Esprit, don anticipé de la vie future, vient leur permettre de vivre dans le monde sans être du monde.

Mais l’Esprit n’est pas seul à nous orienter vers cette vie éternelle, la parole de Dieu y concourt largement: «ils ont reçu les paroles que tu m’avais données, ils les ont gardées fidèlement et ils ont reconnu que je suis venu d’auprès de toi». Frères et sœurs, vous l’avez entendu, ce qui caractérise le chrétien, ce n’est pas seulement de recevoir la parole, mais plus encore de la garder. Garder la parole de Dieu, chez saint Jean aussi, ce n’est pas la laisser pourrir en terre ou l’étouffer, mais se laisser illuminer par elle, en vivre, la laisser grandir et nous ouvrir le chemin de la vérité, de l’amour, de la paix. Dans cette perspective, la parole de Dieu nous garde plus que nous ne la gardons, et elle nous reconduit sans cesse vers sa source, qui devient pour nous notre fin.

Cette source et cette fin, c’est la vie divine. Jésus en parle chez saint Jean en termes de connaissance et de gloire: «La vie éternelle, c’est de te connaître, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus-Christ», ou encore «Père, glorifie-moi de la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde». Vous le sentez bien: la gloire dont il est ici question n’a pas grand chose à voir avec la lumière irradiante et laide de certaines images pieuses, ni la connaissance avec un catalogue de définitions; elles sont toutes deux participation intime et bienfaisante à cette vie divine faite de communion plénière, de charité, telle que Jésus l’exprime un peu plus loin: «tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi». Qui n’a jamais rêvé d’une telle communion, bien plus qui ne cherche pas sans cesse à la vivre? Jésus rappelle aux chrétiens qu’elle est leur fin ultime, leur horizon, mais aussi que cette vie éternelle est déjà présente et active chez ceux qui gardent la parole et vivent dans le monde dans la charité. C’est pourquoi il ajoute: «je trouve ma gloire en eux».

À l’exposé de ce très tentant panorama de la vie chrétienne, certains d’entre vous se disent sans doute: n’est-ce pas trop beau pour être vrai? Irons-nous vraiment de la terre au ciel? Et c’est ici qu’il faut redire que ce discours est prononcé juste avant la Pâque, juste avant le passage par la croix: le chemin de la vie chrétienne ouvre des horizons magnifiques, à condition d’accepter qu’il passe par cette croix. Jésus nous le fait comprendre à sa manière dans cet évangile de Jean: car le mot qui revient à dix reprises dans notre évangile n’est ni connaître, ni gloire, ni garder, mais donner… Le chemin que trace Jésus pour ses disciples de la terre au ciel est celui qu’il a pris lui-même, celui d’une vie donnée.

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