Dieu, Un et Trine, unique et simple


Récemment, à l’issue d’un colloque interreligieux à Paris, on a demandé à un brave imam de résumer en une seule phrase sa compréhension de la foi chrétienne.
Il a répondu : « De même que nous, musulmans, disons qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Muhammad est son prophète, de même vous, chrétiens, dites que Dieu est unique et que Jésus est son prophète. »
Mes frères, que pensez-vous de cette déclaration ? Notre imam dit-il vrai ?
Ah certes, tout n’est pas faux… Pourtant ce brave homme se leurre lourdement.
En effet, que signifie pour nous chrétiens que Dieu est un ?
Cela signifie deux choses.
D’abord que Dieu est unique : il n’existe rien qui lui ressemble, ni de près ni de loin.
C’est le dogme de l’unicité de Dieu ; et c’est le résultat n° 1 de l’Ancien Testament.
C’est ce qui nous rapproche des juifs, et aussi de l’islam puisqu’il nous l’a emprunté.
Certains disent : « Pas possible… un truc sur lequel juifs, chrétiens et musulmans sont d’accord, c’est forcément un truc évident, du genre 2 & 2 font 4 ! »… Nous devons répondre : non, 1000 fois non !
Car cette vérité fondamentale que Dieu est unique est aujourd’hui combattue par trois ennemis dont il faut parler maintenant, car, depuis vingt ans, ces trois ennemis sont de plus en plus redoutables.
Leurs noms d’abord : athéisme, panthéisme, polythéisme.
L’athéisme, ce n’est ni l’indécision ni l’indifférence à l’égard de Dieu : c’est la négation de Dieu et l’hostilité envers ses fidèles. C’est la position radicale du Parti communiste chinois, qui vise à dominer la planète, qui écrase férocement les religions, qui prétend même corriger l’Évangile, et dont l’actualité montre malheureusement qu’il a des alliés partout.
Le panthéisme est la croyance que Dieu, ou le sacré, se trouve partout. Tout être vivant contiendrait une étincelle de divinité, ramenée d’ailleurs à l’énergie vitale.
C’est la position du New Age et des partis écologistes. Leur avant-garde — dite « anti-spéciste » — refuse de distinguer l’homme de l’animal. Pour eux, les animaux seraient donc des êtres humains comme les autres…
Le polythéisme est la croyance qu’il existe une multitude de dieux. Or la raison d’être d’Israël fut de témoigner qu’il n’y a de Dieu que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu du patriarche Moïse, du prophète Élie et du roi David, et donc que les autres — qui se prétendent aussi dieux — ne sont que des idoles, des faux dieux. Longtemps, le polythéisme a été limité à l’hindouisme avec ses 33 millions de dieux recensés. Mais profitant des innovations technologiques actuelles, le polythéisme se ré-invente radicalement et connaît actuellement un succès stupéfiant.
Désormais il s’appelle transhumanisme. Son projet est de réaliser enfin la promesse du serpent à Ève quand il la tenta en disant : « Mangez et vous serez comme des dieux. »
Oh, la promesse, la fascinante promesse ! Le monde entier se pâme, des entreprises monstrueuses et des partis politiques surgissent pour nous amener en marche forcée vers cet objectif mirobolant.
Et ils se sentent si puissants qu’ils affirment que dorénavant les lois de Dieu devront se soumettre aux lois de la République et aux lois du marché !
Pour eux, l’avenir appartient à ceux seuls qui sauront se faire eux-mêmes, s’autocréer.
Bref, en 2021, l’athéisme, le panthéisme et le polythéisme — les trois variétés du paganisme — se portent bien au point d’imaginer pouvoir tout se permettre.
Pourtant ces trois formes de paganisme sont différentes… Qu’est-ce qui peut bien les rapprocher ?
Ce qui les rapproche, ce qui en fait des alliés objectifs, c’est leur commun refus absolu de l’unicité de Dieu. Un rejet du Dieu unique qui va facilement jusqu’à la haine, si vous ne baissez pas la tête.
Les trois rejettent — chacun à sa façon — le fondement de la foi chrétienne et de la foi juive, et aussi, c’est vrai, de la foi islamique ; d’où le rapprochement imaginé par notre imam.
Je disais que, pour nous chrétiens, l’unité de Dieu signifie deux choses, elle a deux sens, le premier sens visant l’extérieur, le second visant l’intérieur.
Le premier sens de l’unité, c’est cette unicité dont je viens de dire un mot.
Le second sens de l’unité, aussi important que le premier, c’est la simplicité.
Car il ne suffit pas que Dieu soit unique par rapport à tout le reste de ce qui existe : encore faut-il que Dieu soit simple, c’est-à-dire parfaitement unifié en lui-même, sans aucune division ni séparation. Nous le savons en effet : dès qu’il y a une division dans une chose, même une infime fêlure, cette chose finira par éclater un jour ou l’autre, et donc, en aucun cas, elle ne peut prétendre être éternelle.
Je viens de dire qu’il n’y a ni division ni séparation en Dieu ; cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune distinction en lui. Une petite comparaison aide à comprendre.
Considérons notre esprit. Mon esprit, c’est moi-même, ma conscience, ma personne.
Et la première caractéristique d’un esprit est son unité interne, sa cohérence, son harmonie.
Chacun de nous n’a qu’un esprit, n’est qu’un esprit, et désire que son esprit soit unifié.
Sinon, c’est la folie…
Regardons de plus près : pour qu’un esprit soit harmonieux, que lui faut-il ?
Il lui faut être capable de comprendre le monde qui l’entoure : l’intelligence.
Il lui faut être capable de garder en lui les choses importantes : la mémoire.
Il lui faut être capable de se diriger librement dans le monde : la volonté.
Que serait un esprit sans intelligence ? une bête et encore… Un esprit sans mémoire ? un château de sable … Un esprit sans volonté ? une girouette…
Bref, un esprit sain doit être à la fois mémoire, intelligence et volonté. Ces trois facultés aussi distinctes qu’inséparables, loin de faire trois esprits, font ensemble un seul esprit digne de ce nom.
Certes, comparaison n’est pas raison. Ce n’est qu’une image mais elle est utile pour réfuter l’erreur de ceux qui arbitrairement réduisent l’unité à un signe arithmétique et s’interdisent ainsi de saisir que l’unité véritable suppose une subtile pluralité, comme on vient de le montrer avec l’esprit humain.
Il en va de même en Dieu : trois Personnes, distinctes et inséparables, qui loin de faire trois divinités, font ensemble le Dieu unique et un, le Dieu vivant et vrai, le Dieu de Jésus-Christ.
Ce Dieu-là, les chrétiens, depuis le IIIe siècle, l’appellent Trinité : les Trois qui sont Un.
Mais le Nouveau Testament s’y prend autrement : il dit que « Dieu est Amour » (1 Jn 4, 8).
Autant dire qu’en Dieu, chacun des Trois existe afin de Se donner aux deux Autres.
Quelle leçon ! Un être ne peut être parfait, ne peut être divin, que lorsqu’il se donne librement, totalement, joyeusement et éternellement, aux autres.
Et dire, mes frères, que chacun de nous est à l’image de ce Dieu-là !
Et dire qu’en plus, ce Dieu-là nous demande de l’imiter, en nous donnant nous-mêmes !
Et dire qu’en plus il ne plaisante pas, étant bien placé pour savoir que nous le pouvons !
Et dire qu’en plus, non seulement nous le pouvons mais nous le voulons, n’est-ce pas ?

