Homélie du 7 avril 2013 - 2e DP

Domenica in albis

par

fr. Édouard Divry

«Cesse d’être incrédule et sois croyant» (Jn 20, 27): cette apostrophe de Jésus à l’Apôtre saint Thomas, réuni avec Pierre et les neuf autres apôtres dans l’attente du Ressuscité, semble s’adresser miséricordieusement à notre temps, à notre vieille Europe sceptique et comme désenchantée. Le Seigneur nous donne sans doute par miséricorde un pape d’Outre-Atlantique pour nous réveiller et stimuler notre foi! Presque la moitié des chrétiens dans le monde vivent de fait en Amérique latine et aux USA.

Le nouveau pape invite d’ores et déjà à croire au Ressuscité comme aux premiers moments du christianisme selon l’expression si forte de l’annonce première, du kérygme primitif, accompagné de sa première authentification: «Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Pierre» (Lc 24, 34). Seule l’autorité restante de saint Pierre pouvait s’imposer pour attester un tel événement après la défection – non du peuple juif en sa totalité – mais des chefs du Temple, de ceux qui ont condamné un innocent, le Juste par excellence, en une combinaison inextricable de jalousie (cf. Mc 15, 10) et d’utilitarisme attesté (cf. Jn 11, 50). Défection aussi du pouvoir civil romain qui a emboîté le pas à cette infâme manipulation politique (cf. Jn 19, 12-16).

Mais revenons à l’évangile de ce jour et à cette rencontre inouïe entre Jésus le ressuscité et son onzième apôtre, absent huit jours auparavant: «Ne deviens pas incrédule mais croyant!» Pour obtenir librement la foi, Jésus n’hésite pas à passer par le constat accessible aux sens de l’Apôtre, par le contact visible et tactile de son corps ressuscité, marqué encore par les plaies de la Passion. Le miracle du ressuscité n’est pas une simple déclaration verbale, un concept heureux, mais un événement tangible, bien qu’incommensurable. Jésus a voulu laisser aux siens la possibilité d’être atteints par les sens afin que puisse naître la foi. C’est un grand mystère qui désarçonne nos habitudes! Car nous avons tendance à repousser la foi dans le domaine qui concerne l’au-delà, un au-delà inaccessible dont on fait référence sans que cela nous pénètre totalement.

Or la foi est par nature totalitaire, non pas dans sa façon de s’imposer à nous, mais dans cet appel à nous laisser librement et entièrement saisir par elle. La tradition l’affirme explicitement au niveau des raisons de croire: «Lorsqu’on a une volonté prompte à croire, on aime la vérité que l’on croit, on y réfléchit et on l’enlace d’autant de raisons que l’on peut en trouver» (Thomas d’Aquin, ST, IIaII, q. 2, a. 10). Ce travail profond en nous ne s’arrête pas avec le catéchisme de notre enfance ou celui de notre baptême s’il est récent, la foi réclame un approfondissement permanent. Elle devient, selon l’expression imagée de Benoît XVI à l’occasion de cette Année de la foi «la compagne de notre vie» (Porta fidei, n°15). Elle est celle avec laquelle tous les événements de notre existence sont évalués, passés au crible; elle devient alors la voix intérieure avec laquelle on prend les décisions qui nous engagent. La foi est effectivement au fondement de tout notre édifice spirituel (cf. Thomas d’Aquin, Idem, q. 4, a. 7).

Et si nous ne bénéficions pas de l’apparition du Ressuscité comme pour Thomas, les paroles de Jésus nous réconfortent par avance: «Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru» (Jn 20, 28). Vraie béatitude que le Seigneur nous laisse actualiser dans nos vies: «Heureux ceux qui n’ont pas constaté mais qui croient aujourd’hui.» C’est un bonheur de croire. Pâques nous réjouit chaque année pour accroître notre foi. Et l’Église est en fête quand ses enfants laissent augmenter l’intégralité de leur foi.

Tout se passe sous les yeux de Pierre. Et «là où est Pierre, là est l’Église» ajoute sans peur la tradition. En commentant avec bonheur cet adage de saint Ambroise, Paul VI déclarait, pendant le concile Vatican II, pour notre joie à tous: «je suis déjà dans l’unité [de l’Église] voulue par le Christ, j’appartiens au bercail, parce que je suis catholique, parce que je suis avec Pierre. C’est une grande chance, une grande consolation. Sachez, Catholiques, vous en réjouir. Fidèles, soyez de plus en plus conscients de cette position privilégiée, due certainement non au mérite de quiconque mais à la bonté de Dieu qui nous a ainsi appelés à un tel destin» (Paul VI, Audience du 22 janvier 1964). Quelle miséricorde!

C’est auprès de Pierre et des autres apôtres, avec sainte Marie, la mère de Jésus, les accompagnant de sa prière (cf. Ac 1, 14), que l’apôtre Thomas a goûté à ce bonheur de la foi intégrale, demandons donc en cette Année privilégiée de la foi de grandir en celle-ci, même si notre prière demeure pauvre, fût-elle même balbutiante et seulement capable de ne dire que ceci, mais qui part du fond du cœur: «Je crois, Seigneur, viens en aide à mon peu de foi» (Mc 9, 24).

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