Homélie du 8 septembre 2024 - 23e dimanche du T.O.

Effata, ouvre-toi… comme Jésus l’entend !

par

fr. Hugues-François Rovarino

1. Un mot, une sonorité unique : Effata ! Vous l’avez entendu, mais l’avez-vous écouté ? L’avez-vous laissé résonner en vos oreilles, en votre cœur ? Un mot s’est déposé là, dans un creux d’oreille. Il avait à y laisser quelques syllabes : la Parole de Dieu ! Il est des paroles que l’on se doit d’accueillir dans leur plénitude. Des verbes, des impératifs qui sont comme autant de sources ! Pour chacun, nous scrutons leur moment, le mystère qu’ils révèlent. Car avec eux, « c’est le Seigneur qui vient vous sauver. Alors les oreilles des sourds s’ouvriront. Alors […] la langue du muet criera sa joie » (Isaïe 35).
Si cette page proclamée est une heureuse annonce, n’est-ce pas aussi parce que cet impératif Effata ! a surgi, là, dans un lieu inattendu, sur un itinéraire somme toute aberrant pour Jésus qui allait depuis Tyr vers le lac de Galilée et monta au nord pendant des heures, vers Sidon, tellement au-delà des frontières du Peuple élu, de la Terre de la Promesse ! Mais le Messie avait une rencontre à accomplir ; et pour nous, une parole à délivrer, un « mystère d’ouverture », dira saint Ambroise.
Oui, une ouverture à la Vie s’est déployée dans ce verbe inouï, révélant le salut de Dieu, l’œuvre du Messie accomplie envers un païen, dans son territoire, dans un mystère de discrétion, qui au-delà du silence demandé par Jésus, répondit paradoxalement à son mystère d’ouverture absolue !

2. Effata ! Ce verbe surgit dans ce moment de l’Évangile selon saint Marc (7, 31-37) — seul à relater cet épisode stupéfiant. Une irruption née de celui qui parle « avec autorité », comme personne sur cette terre ! Et qui transfigure cette personne, ce sourd naturellement mal-parlant ! Irruption, comme de la part de celui qui sait que d’un mot, sa Parole crée. Par la guérison, elle offre plus que la santé pour cet homme, mais le salut pour chacun qui en garde mémoire et qui en vit ! C’est la proximité de Dieu rendue audible, tangible !
Ce verbe a traversé les airs, comme s’il se dissipait. Mais voilà, nous le recevons encore… Il vient donc vers nous. Et particulièrement pour que nous écoutions le Souffle de Dieu, sa Parole, ce mot bouleversant : « Ouvre-toi ! » Comme un signe, inouï. Oui, inouï, à proprement parler : jamais le sourd n’avait encore pu l’entendre ! Mais son écoute l’ouvrit sur un commencement. Il n’a pas seulement ressenti un geste, entendu ce souffle dont il ignorait jusqu’alors le bruit éventuel, le son qui l’accompagnait. Et ce fut le bouleversement indicible du sourd : l’homme renaissait.
Nous avons certainement du mal à entendre la nouveauté radicale que fut cet instant personnel ! Mais pour tout baptisé, cette grâce prend corps, efface, guérit, relève. L’ouverture des oreilles n’est plus le simple symbole de la restauration messianique, ni l’accomplissement en Jésus de la venue du Messie. C’est infiniment plus : le signe d’une guérison intérieure et sa réalité. Celle que réalisera la grâce du baptême, l’éclosion de la grâce baptismale !

3. Effata ! Jusque-là, revenaient ces paroles splendides, mais réservées aux cœurs élus des membres du Peuple élu : « Écoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur […]. Que ces paroles que je te dicte aujourd’hui restent dans ton cœur ! Tu les répéteras à tes fils » (Deutéronome 6, 4-7). Révélation si proche, si forte et si douce !
Aujourd’hui, Jésus l’offre aussi à d’autres — venus à lui, comme il vint vers eux. Eux qui viennent vers lui, sans tout connaître de lui ; qui avancent conduits par d’autres qui ne savent pas trop, non plus, l’immensité nouvelle qu’apportera leur geste, ni ce que révèlera leur bonté. À l’itinéraire généreux des amis de ce sourd de jadis, à ces « hommes de bonne volonté », répondit l’initiative salutaire du Messie. Elle montre comment Jésus vient ainsi jusqu’à nous… — comme il l’entend !
Tous, chacun à leur façon, ont accepté d’être guéris par lui. Oui, pour écouter Dieu, il est vital d’accepter d’être guéri par lui, d’entendre son cœur gémir pour nous. Alors, un zèle rare, maladroit comme celui des amis du sourd, et pourtant admirable, s’est emparé d’eux qui communiaient à sa grâce !
Nous sommes loin du territoire antique de la Décapole, de Tyr et de Sidon — et pourtant ! La Parole nouvelle associée à un geste messianique inattendu, une grâce discrète au rayonnement baptismal, éternel, nous avons pu en bénéficier ; et nous en devenons témoin. Un geste de Dieu, c’est déjà immense ; mais une Parole l’accompagnant c’est plus immense encore ; un accomplissement ! Comme si un mystère en engendrait un autre, en nous, auditeurs bienheureux, communiant à cette même grâce ! Alors, remercions-nous pour le cadeau de la foi ? Quand l’image de Dieu qu’est l’homme entend les pas du Seigneur qui vient vers lui et lui parle, c’est le grand chamboulement !
Le Seigneur offre à chacun à jamais, une ressemblance divine, glorieuse, éternelle : aidons à cette rencontre ! Comme sur le territoire de Sidon, déjà, les personnes « de bonne volonté » ne manquent pas : remarquons-les. Et chaque jour, demeurant dans l’action de grâce, rencontrons-les. Avec charité.

Et d’autres homélies…

Le désir de Moïse, « …puisse tout le peuple être prophète » (Nb 11, 29) repris par l’annonce du prophète Joël « Je répandrai mon Esprit sur toute chair… » (Jl 3, 1) ont reçu leur réalisation définitive le jour de la Pentecôte quand saint Pierre, reprenant l’oracle de...

Préparer son année

Nous voulons, bien évidemment, accueillir dans notre vie Dieu le Père. Et nous attendons avec envie la Sagesse qui lui est associée dont il est question dans la deuxième lecture. Ces biens nous sont promis dans l’Écriture : on fait bien d’en cultiver le désir....

La foi… jusqu’à la Croix

La météorologie de l’évangile est parfois aussi capricieuse que celle des régions tropicales. En quelques instants, on passe d’un ciel serein à des ténèbres de nuages, du beau temps à la tempête. C’est le cas aujourd’hui avec cet épisode bien connu, celui de la...