Homélie du 14 avril 2002 - 3e DP

Emmaüs… Tentation du désespoir… Emmaüs, lieu de Transfiguration…

par

fr. Jean-Hugo Tisin

«Il entra pour rester avec eux» (Luc 24)

Deux disciples descendent de Jérusalem vers un lieu probablement situé au pied de la montagne. Le chemin est celui des espérances déçues; tout s’est arrêté pour ces deux hommes, au vendredi après-midi; le prophète puissant en actes et en paroles, ce messie libérateur qu’ils attendaient, est mort. Toute cette histoire n’est plus qu’un douloureux souvenir. Sont-ils pèlerins? Je ne sais quels furent les commentateurs qui présentèrent la scène comme un pèlerinage… Ne sont-ils pas plutôt des fuyards, comme ceux que les Écritures évoquent même s’il s’agit de grands personnages… Songez à Moïse qui, en fuyant s’enfonça dans ce désert où la présence de feu le rattrapa et fit de lui l’homme du passage; songez à Élie qui lui aussi fuya de devant la reine Jézabel et dans une grotte de la montagne de l’Horeb reconnût la présence de l’Esprit dans la brise légère… Il y a un chemin qui dévale la pente… et il y a le vrai chemin, celui qui nous permet d’accéder au sommet de la montagne où par la présence de Dieu, toutes choses se transfigurent et accèdent à leur vérité.

Le Chemin, la Voie… C’est par ce signe, qui nous vient de l’histoire de la Pâque d’Israël, que les premiers disciples évoquaient la foi pascale du Messie Jésus. Le chemin, c’est d’abord, la voie ouverte dans le cours du temps par la résurrection du Christ; c’est le chemin que l’Esprit Saint découvre en nous, dès lors que nous nous mettons en route, que nous préparons en nous et autour de nous le retour du Christ.

Le «Chemin» est celui où toutes réalités se transfigurent, où l’histoire prend sens, animée par la force de l’espérance… Il n’y a qu’un Chemin, c’est celui qu’ouvré la Pâque de Résurrection du Christ pour nous faire rencontrer la communauté des disciples qui nous attend à Jérusalem.

Or, quel fut cet Événement où le sens de notre vie a brusquement changé? C’est celui de la présence en nous, de la personne du Christ; toutes les puissances de notre être ont été bouleversées pour manifester par transparence sa présence pourtant invisible: notre intelligence ne ressassait que les raisons de l’échec; nous prétendons savoir, comme ces disciples, le sens des événements… notre mémoire ne s’agrippait qu’à l’apparence de l’histoire, sans pouvoir accéder à la vraie mémoire de l’Esprit par qui la contemplation du passé donne sens au monde à venir; seul, notre cœur brûlant de sa présence battait à l’unisson des paroles et des éclairs de foi que le Christ faisait naître en nous… Seule l’action de grâce du Fils vers son Père peut nous transformer et inverser le sens de la route; seule, sa présence d’Amour peut nous guider dans les mille sentiers des Écritures; seule, sa gloire cachée peut faire de nous des porteurs de Bonne Nouvelle.

Le temps se perdait? le temps se retrouve… Il s’est donné à nous comme temps libérateur lorsque, le cœur brûlant sans savoir pourquoi… nous le pressions de demeurer avec nous, en nous? «A l’instant même» ils se levèrent… dit l’Évangile, c’est le même verbe pour dire la Résurrection…