Homélie du 2 mai 2021 - 5e dimanche de Pâques

Être uni à Jésus pour porter le fruit du Père

par

fr. Timothée Lagabrielle

« La gloire de mon Père, nous dit aujourd’hui Jésus, c’est que vous portiez beaucoup de fruit. » Cette phrase de Jésus permet de mettre en évidence à la fois le but de l’action de Dieu en nous : ce qu’il veut faire, ce qu’il veut obtenir, et aussi le moyen : comment il veut le faire.
Le but, c’est que l’amour trinitaire se communique en nous en amour fraternel.
Le moyen, c’est une union vitale avec le Fils.

Je reconnais que c’est peut-être un peu obscur comme façon de dire les choses, alors expliquons mieux, éclairons cette phrase pour bien comprendre.
« Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez du fruit », cette phrase montre qu’il y a une solidarité entre le Père et nous.
Car si notre fruit fait sa gloire, c’est qu’il y a un lien très fort qui nous unit à lui. Sans ce lien, il ne pourrait pas y avoir un transfert, notre fruit ne pourrait pas faire la gloire du Père. La réussite de quelqu’un se transmet à un autre quand ils sont liés, quand ils ont une solidarité. Ainsi, la réussite des enfants rejaillit sur leurs parents (la preuve : on les félicite) grâce au lien de parenté. Ou bien, par le lien de l’amitié, la joie de nos amis est aussi notre joie. Ces liens créent une solidarité.

Puisque notre fruit fait la gloire du Père, c’est donc qu’il y a un lien très fort, une solidarité très grande entre le Père et nous. Mais quel est ce lien ? C’est ce que Jésus vient nous expliquer. Ce lien entre le Père et nous passe par un intermédiaire qui est le Verbe incarné, Jésus-Christ. Il y a donc deux niveaux : le Père et le Fils sont unis (1er niveau) et nous sommes unis au Fils (2e niveau).
Pour le premier niveau, ce lien entre le Père et le Fils est assez clair, Jésus en parle souvent, notamment dans l’évangile de Jean : « Le Père et moi nous sommes UN » (Jn 10, 30) ; « je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 14, 10), etc. Pour le 2e niveau, ce lien entre Jésus et nous, c’est ce dont parle l’image de la vigne. De la même façon que les sarments sont unis au cep, à la vigne, et que les sarments sont la vigne, ainsi nous sommes unis au Christ. Il y a une unité vitale : c’est la même vie qui vient du cep et qui se retrouve dans les sarments. Cette image ressemble à celle du Corps chez saint Paul : les chrétiens sont membres du Corps du Christ. De même que les sarments sont unis à la vigne, ou que les membres le sont à la tête du Corps, ainsi les chrétiens sont unis au Christ.

Il y a donc un lien entre le Christ et nous. De même que le Père est dans le Fils et que le Fils est dans le Père, nous sommes aussi en Jésus et Jésus est en nous. Mais comment cela se fait-il ?
Nous sommes en Jésus par son Incarnation : en prenant notre nature, le Verbe a fait que notre nature humaine est en lui. Mais il faut aussi le lien dans l’autre sens : qu’il soit en nous. Et Jésus est en nous par la vie chrétienne, par les sacrements, notamment par celui de l’eucharistie : « Celui qui boit mon sang demeure en moi » (Jn 6, 56). Voilà de quelle façon se fait cette unité. C’est une vraie unité et même une unité très grande. Elle n’est pas toujours sensible mais bien réelle. Ne l’avons-nous pas tous déjà expérimentée, au moins par moments ?

Cette union vitale entre le Christ et nous, ce lien entre le Père et nous, Dieu les veut, mais c’est comme si ce n’était pas son but ultime, c’est comme si c’était un moyen pour nous donner quelque chose d’autre qu’il veut plus profondément. C’est pour atteindre ce but du Père : pour nous communiquer son amour et que nous puissions le répandre. Cette union doit permettre que nous recevions cet amour et que nous le répandions. C’est parce que l’amour trinitaire veut se répandre en nous et se communiquer en amour fraternel que Dieu met en place tous ces moyens (l’Incarnation, les sacrements…). Dieu veut cela car le vrai amour n’est pas fermé, mais ouvert.

N’avez-vous jamais vu ce genre de petits couples d’amoureux qui mettent un peu mal à l’aise parce qu’on a l’impression qu’ils sont seulement amoureux, qu’ils ne font que s’aimer l’un l’autre, se regarder l’un l’autre, qu’ils aiment seulement s’aimer et être aimés, qu’ils n’ont l’air de n’être que dans le registre du plaisir. Leur grand rêve serait : « Mon chéri, et si nous partions sur une île déserte pour n’être que nous deux ! » « – Oui, bien sûr, tout de suite, je trouve un hydravion ! » Il leur manque quelque chose car le vrai amour va plus loin et désire porter du fruit. Les bons amoureux (si on peut dire comme cela) ne sont pas seulement amoureux l’un de l’autre, mais ils aiment : ils ont aussi un projet commun, ils regardent dans une même direction et pas seulement l’un vers l’autre, ils aiment en commun.

Il en est de même pour le Père et le Fils, pour toute la Trinité : leur amour veut se répandre. Ils s’aiment ; ils nous aiment et ils veulent que nous aimions comme eux. Notre union avec Jésus-Christ doit déboucher sur cela, sur l’amour que nous avons les uns pour les autres, à l’image de l’amour qu’il y a entre le Père et le Fils dans la Trinité. Comme le disait saint Jean dans la 2e lecture, c’est « à ceci que nous reconnaissons qu’il demeure en nous ».

En pratique, si je me rends compte que je n’aime pas bien les autres (par exemple si je ne fais pas assez attention à eux ; si je n’arrive pas à dépasser mes agacements ; ou, encore pire, si je leur veux du mal), cela signifie que je ne porte pas le fruit que le Père veut — ou au moins que je ne le porte pas assez. Ce qu’il me faut faire dans ce cas-là, c’est me tourner plus résolument vers le moyen : chercher l’union spirituelle, sacramentelle, mystique avec Jésus-Christ. C’est un peu comme ce qui se passe avec l’école : l’élève qui ne va pas à l’école risque le décrochage scolaire. De la même façon, si nous ne cultivons pas un lien étroit, presque physique, avec Jésus-Christ, nous allons décrocher de la vie spirituelle et de l’amour des autres. Donc quand je me rends compte que je n’aime pas assez, je n’ai pas tant à me dire : « Je dois aimer plus », mais plutôt : « Je dois plus m’unir à Jésus-Christ, mieux cultiver ma vie spirituelle ». C’est de cette façon-là que le fruit que je porterai, l’amour que je pourrai donner sera celui de la Sainte Trinité qui veut se répandre.

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