Homélie du 29 octobre 2000 - 30e DO

Évangile de Jésus-Christ selon Bartimée

par

fr. Loïc-Marie Le Bot

Ce matin-là quand le soleil se levait, je m’assis, près de la porte de Jérusalem à la sortie de Jéricho, je savais qu’Il passerait. Toute la ville était en rumeur depuis son arrivée, hier. Le prophète de Galilée Jésus le Nazaréen était dans la ville avec lui une foule qui rapporte des choses merveilleuses. Il annonce un royaume qui vient enseigner avec autorité, il cloue le bec à tous nos donneurs de leçons, il relève les pécheurs, les malades sont guéris sur son passage. Et surtout, on dit qu’il a guéri un aveugle à Bethsaïde (Me 8, 22-26). Si c’est bien lui le Fils de David que nous attendons i1 va pouvoir me guérir aussi. J’avais toujours à cette époque, dans mon coeur cette parole du prophète Isaïe «Alors les sourds ce jour-là entendront les paroles d’un livre et, délivrés de l’ombre et des ténèbres, les yeux des aveugles verront» (Is 29, 18). Je voulais me rendre à lui. Mais comment penser accéder à cet homme si entouré, si pressé de toute part? On m’avait dit qu’il y avait quelques femmes et un groupe d’hommes qui le suivaient partout depuis trois ans et une foule qui n’arrêtait de croître. Comment oser lui parler moi l’aveugle, moi le mendiant, moi celui qu’on évite et qu’on ne nomme que par le nom de mon père: Bartimée le fils de Timée? Comment pourrai-je accéder au Fils de David? La meilleure solution était de me mettre sur son passage, peut-être me donnerait-il quelques consolations. Je savais qu’il passerait. J’y étais d’ailleurs poussé par une conviction intime. il fera quelque chose pour moi. Lui seul pouvait me sortir de ces ténèbres de l’aveuglement, de la pauvreté et de l’isolement.

Je m’installais. Peu de temps après le bruit de la foule m’avertit. Il arrivait. Je criais vers lui avec une force que je ne me connaissais pas. «Fils de David Jésus, aie pitié de moi!». Les mots mêmes de ce cri me furent comme soufflés. Je compris après que déjà par ce cri il avait jeté les yeux sur moi. Mon cri venait aussi de Lui. Ce n’était pas moi qui avait décidé de notre rencontre c’était Lui. Les cris de la foule voulant se garder pour elle son roi, ne contenant pas ma force je repris de plus belle… Puis, j’entendis la rumeur s’apaiser, le silence se faire autour de moi, les gens s’écarter de moi. Une angoisse me saisit, il m’a entendu, il m’a vu, il me regarde, il s’arrête pour moi. La joie et la peur m’envahirent en même temps. Puis une voix de la foule m’invita «Courage, il t’appelle!». Cette foule qui était tout à l’heure un obstacle devint pour moi chemin vers Lui. Je me dressais d’un bon laissant tomber ce vieux manteau symbole de ma misère. Il me parla comme à un ami. «Que veux-tu que je fasse pour toi?». La lumière commençait déjà à entrer en moi. La même force m’anima: «Que je voie Seigneur!». «Va, ta foi t’a sauvé». Et aussitôt, je vis. Je vis cet homme qui me parlait Jésus de Nazareth, je vis les disciples et les femmes qui l’accompagnaient. Je vis cette foule ébahie. Je vis la profondeur du Ciel. Mais ce n’est pas le plus stupéfiant. Les yeux de chair s’ouvrirent certes, mais les yeux de mon esprit et de mon cœur aussi. Les hardes du péché qui me recouvraient, tombèrent comme ce vieux manteau. Cette lèpre du péché dont je n’imaginais pas l’emprise sur moi me fut révélée en un éclair. La miséricorde du pardon me fut aussitôt accordée. Mon cœur boiteux se remit à battre. Je vis et je crus.

Il était le Messie le Fils de Dieu. Quand je l’appelai «Fils de David», ce n’était pas une révélation de la chair ni du sang mais du Père qui est dans les cieux. II était Dieu parmi nous. Je vis la profondeur du mystère de Dieu. Mais à son habitude, II ne s’attarda pas en salutation. Il reprit son chemin vers Jérusalem. J’avais le monde des hommes et celui de Dieu à découvrir et pour cela le meilleur des guides: je le suivis. Je laissais ma vie d’autrefois derrière moi comme ce vieux manteau. Et je pris la route avec les autres.

Les jours qui suivirent furent plus extraordinaires encore! Nous arrivâmes à Jérusalem. Le Maître était grave, mais la foule l’acclamait «Hosanna Béni soit celui gui vient au nom du Seigneur!». Le Messie entrait dans sa ville. Je le vis au Temple chasser les vendeurs de cette maison de prière. Je l’entendis parler en parabole et ferrailler avec les pharisiens et les docteurs de la loi. Je compris alors que le Christ était rejeté par mon peuple et par ses chefs. Puis tout alla très vite, il partit un soir avec ses apôtres pour célébrer la Pâque. Il fut arrêté dans la nuit. Je me précipitais discrètement au Sanhédrin, au prétoire, sur le chemin de Calvaire. Tous l’avaient abandonné. C’était comme à lui d’implorer notre miséricorde. Il n’en trouva que peu. Je l’ai aussi regardé cloué sur sa Croix et autour de lui le disciple qu’il aimait et sa mère. Les ténèbres avaient encore gagné! Ne m’avait-il ouvert les yeux que pour le voir sur cette Croix? Oui il a permis que je voie ce combat suprême qu’il livra contre le péché et la mort. Combat qu’il remporta en donnant son souffle. La lumière déjà avait gagné la victoire.

La Résurrection du Seigneur rassembla ce groupe dispersé que nous étions. Tout devint clair. Ce fut pour les apôtres comme pour moi un nouveau miracle. Nous n’étions plus aveuglés par la mort et le péché. Pour que la lumière gagne définitivement sur les ténèbres, la justice sur le mal, l’amour sur le péché il devait livrer ce combat. Il devait passer par la Croix pour que je puisse voir. Oui ma guérison était à ce prix. Seigneur tu l’es livré pour moi.

Le jour de la Pentecôte, je vis les apôtres remplis de cette force d’aller continuer l’oeuvre du Seigneur, le porter aux limites du monde. Je suivis les apôtres. Mais en fait c’est toujours Lui que je suivais, Lui que je rencontrais dans cette Église naissante, Lui que je priais sans cesse «Fils de David Jésus aie pitié de moi!». II combla ma vie de lumière dans laquelle je demeurais comme caché. Aucune trace de ma vie ne se trouva. Même l’inspiration féconde des apocryphes me laissa tranquille. Enfin, vint un jour où il m’appela sans retour, je le revis face à face dans la Jérusalem Céleste où il siège à droite du Père.

Mon Frère, ma sœur, n’aie pas peur de t’approcher du Seigneur. Il a déjà fixé votre rencontre. Il va s’arrêter pour toi. Il te parlera comme à un ami. Appelle sur toi la miséricorde, et déjà la lumière entre en toi. Pour toi, il a livré le combat contre le péché et la mort. Il a remporté la victoire. Associe-toi à Lui. Viens à la rencontre du Seigneur. Il vient Lui à ta rencontre par bien des chemins. Ce matin par son pardon, sa Parole et par son Eucharistie, il vient ouvrir tes yeux sur son mystère. Il renouvelle ton regard sur toute chose. Sur toi-même pour commencer, te révélant que tu es aimé et choisi par Lui de toute éternité. Il a pour toi souffert sur la Croix et il t’offre sa Résurrection.

Sur tes frères et sœurs, cette foule des chrétiens qui entourent Jésus parfois bruyamment qui impressionne ceux qui n’en font pas partie, foule aussi qui constitue le meilleur chemin vers le Seigneur.

Enfin sur Dieu, qui se révèle comme Père, Fils et Esprit Saint. Dieu amour qui fait voir les aveugles marcher les boiteux et entendre les sourds. Dieu qui nous attire à lui plus que tu ne le cherches.

Suis-le à ta manière dans cette lumière qu’il envoie sur ton chemin, tu ne seras pas déçu même s’il faudra parfois passer par le chemin de la Croix. La route que le Seigneur emprunte mène toujours dans la lumière de Pâque. Moi, Bartimée, aveugle guéri, pécheur pardonné, humble disciple, je l’attends avec tous ses Saints pour Le louer sans fin. Amen

 

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