« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »


Avant de faire ce reproche à saint Pierre, Jésus avait averti tous les Apôtres de trois choses :
« Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! »
1. Confiance qu’il faut d’abord avoir en Dieu créateur et provident. Cette confiance ne peut s’appuyer que sur la toute-puissance aidante, secourante de Dieu ; c’est le motif de notre espérance. Il faut éviter la gnose d’un Dieu faible qui n’aurait plus puissance sur le tout. Jésus dans cet événement de danger bien sensible, un naufrage possible, invite en premier à la vertu d’espérance souvent trop délaissée. C’est la première qui est sollicitée ici.
2. C’est moi. C’est moi Jésus que tu persécutes (Ac 9, 5), dira-t-il à Saül de Tarse pour lui permettre de recevoir la foi qui lui manquait si cruellement. La foi chrétienne se différencie de la foi juive. Le c’est moi vient de la bouche de Jésus qui réclame cet attachement : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14, 1). Tous n’ont pas la foi (2 Th 3, 2). C’est un don, un trésor à préserver en soi et à transmettre intact dans une vie pure. On ne peut écouter ceux qui ont perdu le discernement dans la compromission avec une vie impure : « Pour ceux qui sont souillés et qui n’ont pas la foi, rien n’est pur » (Tite 1, 15). Ceux qui ont commencé à vouloir conseiller l’Église sur des sujets d’actualité et qui n’ont pas préservé la pureté des mœurs et de la foi, il revient à la sagesse de celle-ci de les écarter en leurs recommandations.
Par ailleurs, il convient d’être vigilant à ne pas faire de l’Église une ONG de plus. Un corps philanthropique au service de l’humanité souffrante qui, certes, en a grand besoin. Mais Jésus a averti que l’enjeu était ailleurs : « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mc 14, 7). Mais quand je reviendrai y trouverai-je la foi ? s’exclame-t-il à une autre occasion : « Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8). La foi est ce qui caractérise notre appartenance au Christ et à l’Église. Le baptême est la porte de la foi.
Jésus avait ajouté aux mêmes disciples : « Que votre cœur ne se trouble pas ! » (Jn 14, 1). C’est ce qui a manqué à saint Pierre. Il s’était élancé avec une vigoureuse audace, mais aussi avec une certaine témérité. Il s’est laissé détourner de l’attention qu’il avait sur Jésus. Il a regardé les vagues, le danger. L’Église en sa hiérarchie ou en masse prend toujours de mauvaises solutions quand elle regarde seulement les périls, les pressions redoutables de la presse, des groupes de pression internes ou externes à celle-ci. L’Église libre doit prendre des décisions libres. Cette liberté est le reflet de Dieu. « Il faut réformer les hommes par les réalités sacrées et non les réalités sacrées par les hommes [1] » (cardinal Egidio de Viterbe, légat pontifical, ouverture du concile Latran V, 1512). C’est une réponse parfaitement adaptable à la situation présente.
3. N’ayez pas peur. C’est le test que n’a pas réussi saint Pierre dans cet épisode. Il a eu peur du vent et des vagues.
Mais il existe bien d’autres inquiétudes : la peur de déplaire aux médias, la crainte de déroger au politiquement correct, l’appréhension de ne pas satisfaire tout le monde. Tout cela n’est pas du Seigneur. Les saints ont affronté et dominé leurs peurs dans la force de l’Esprit Saint. Je reviens d’un pays, la Roumanie, où tous les évêques catholiques ont été persécutés sous le régime communiste. En lisant la vie du Bx Mgr Vladimir Ghika († 16 mai 1954), dont est exposée une relique à la cathédrale latine de Bucarest, ce qui frappe c’est qu’il n’avait plus peur. Il n’avait tellement plus peur que le tribunal fantoche qui voulait condamner plusieurs catholiques à la fois a été obligé de lever la séance car l’énergie de Mgr Ghika avait un effet dissuasif sur tous les autres faussement inculpés les stimulant à ne pas signer des mensonges tout préparés. Mgr Ghika avait peut-être encore des peurs physiques, mais il ne craignait plus le mal, le malin et ses manigances. Il enseignait à propos de Jésus : « L’aimer c’est faire sa volonté. Tu ne peux aimer Dieu autant qu’il t’aime. Tâche, au moins, de l’aimer un peu comme il t’aime, à sa façon . » Il acceptait toutes les contraintes physiques mais dans le témoignage de la vérité.
Saint Paul VI dira : « Sur les Douze Apôtres, Notre Seigneur a eu un traître, mais je connais une Église de douze apôtres qui n’a eu aucun traître. » Il parlait, en plus de Mgr Ghika, qui était lui de deux rites, latin et byzantin, des douze autres évêques gréco-catholiques tous, eux aussi, jetés en prison. Les sept qui sont morts dans les geôles communistes ont été béatifiés par le pape François (2 juin 2019).
Mes frères, avec l’aide de la Vierge Marie, des saints Apôtres, des saints martyrs et confesseurs de la foi, n’ayons plus peur, grandissons sans cesse dans la foi en Jésus Christ, et gardons dans tous les événements la confiance nécessaire pour demeurer ferme (avec les mots d’ordre des apparitions de la Vierge à Pellevoisin) : Calme, Courage, Confiance, Patience (CCCP !), c’est l’antidote contre ces hommes nostalgiques qui terrorisent les autres. Il nous faut prier pour la paix mais aussi pour Pierre (cf. Ac 12, 5), le pasteur aujourd’hui de l’Église. Amen.
[1] Mansi, tome 32, col. 669 D : « Homines per sacra immutari fas est, non sacra per homines. »

