Frères et sœurs, visitant en début de semaine une amie atteinte d’une grave maladie et en recherche sur le plan religieux, je la trouvais confrontée à la grande question: «Y a-t-il une vie après la mort? Y a-t-il un autre monde». Elle devait décéder 48h après ma visite, et elle a aujourd’hui, bien mieux que moi et que quiconque, la réponse à cette difficile question. Laquelle se pose crûment à l’heure de la mort, mais ne cesse en vérité de hanter les consciences, et selon la réponse qu’on lui donne, de diriger les vies.
Certains prétendent qu’à l’occasion d’un coma, ils sont allés dans cet autre monde et en sont revenus: ce qui leur permet d’écrire des livres qui se vendent bien; d’autres affirment qu’ils ont la vision de ce monde de temps à autre; d’autres encore, qu’ils en connaissent bien certains habitants, ceux qu’on appelle des anges. Que des créatures en viennent, cela ne me pose guère de problèmes; quant à y aller, et en revenir, pour nous, je doute. En célébrant la résurrection, les chrétiens proclament clairement qu’il y a un autre monde; mais quant à le définir, ou s’y promener, c’est autre chose. Certes, dans le livre d’Isaïe, l’Écriture évoque ce monde comme le lieu d’un «festin de viandes grasses et de vins capiteux», mais il s’agit simplement d’en souligner le côté désirable; pour le reste, cette même Écriture m’affirme entre autres que nul ne peut voir Dieu sans mourir, ou encore qu’à l’entrée de ce monde, Dieu a disposé des chérubins avec des glaives de feu pour en garder l’accès. Tout cela revient au même, il y a un abîme difficile à franchir entre ce monde et le nôtre, toute la distance qui sépare l’humain du divin, toute la distance que crée le péché.
Pourtant, nous voudrions bien pouvoir l’imaginer un peu, cet autre monde. Par exemple, voir celui qui y règne: «Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit». Il ne s’agit pas seulement de nous conforter, de nous aider au moment du grand passage comme celui qu’a fait l’amie dont je parlais, mais aussi d’en parler à ceux qui ne croient pas à son existence. Mais, frères et sœurs, cet accès, ce lien avec l’autre monde, pourquoi le chercher ailleurs qu’en Jésus qui nous dit aujourd’hui comme il dit à ses disciples: je suis «le Chemin, la Vérité, la Vie»?
Il est la Vie parce que, pur de tout péché, la mort n’a pas eu d’emprise sur lui et il l’a vaincue; il est le Chemin parce que venu d’auprès du Père, il est retourné vers lui, nous traçant une route pour que nous marchions sur ses traces; il est la Vérité parce que sa parole est lumière et vérité, et que la recherche de la Vérité est le plus sûr moyen d’être trouvé en lui. L’apôtre Philippe et nous devrions donc plutôt dire: «Nous avons Jésus et cela nous suffit».
Alors, que manque-t-il pour que l’inquiétude persiste? Non pas une meilleure connaissance de cet autre monde, mais bien une meilleure connaissance, un amour plus profond de Jésus. Et Jésus le pressent lorsqu’il insiste auprès de ses disciples: «vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi», et à nouveau, plus loin: «croyez ce que je vous dis, je suis dans le Père et le Père est en moi». Croire en Jésus, se tourner sans cesse vers lui. Je me souviendrai toute ma vie de la réflexion d’un frère âgé, lui aussi décédé, venu prêcher notre retraite communautaire: «nous perdons tant de temps à ne pas prier»; il voulait dire que nous perdons tant de temps à nous préoccuper de choses futiles, à lire ou à regarder des vanités, à fixer notre nombril, en bref à nous tenir à distance du Christ, et nous voudrions en même temps connaître cet autre monde et en profiter au maximum. Oui, c’est un monde de paix, de joie, d’amour: mais ne le cherchons pas ailleurs qu’en la personne de Jésus.
«Approchez-vous de lui», voilà la recommandation que nous venons d’entendre dans la première lettre de Pierre. Approchez-vous de lui parce que par lui vous avez la vérité.; approchez vous de lui parce qu’en lui vous avez le chemin; approchez-vous de lui parce qu’avec lui vous accueillerez la vie qui n’a pas de fin, celle qui appartient au monde nouveau.