Chers Papa et Maman du fr. Élie-Pascal,
chère Agnès, sa sœur,
chère Marie-Sophie,
chers frères et sœurs,
Il y a 25 ans, fr. Élie-Pascal, étendu devant cet autel, demandait à Dieu de renouveler sa consécration baptismale par la profession religieuse dans l’Ordre des Prêcheurs. Il demandait la miséricorde de pouvoir prêcher par toute sa vie l’Évangile de la Vie.
Il y a 20 ans, fr. Élie-Pascal, étendu devant ce même autel, répondait à l’appel du Christ discerné par ses frères et authentifié par l’évêque: «Me voici, a-t-il dit, envoie-moi proclamer l’Évangile et célébrer les sacrements à la suite des apôtres.» Et il partit sur les chemins les plus divers, les plus proches comme les plus lointains, à la façon de S. Dominique.
Aujourd’hui, fr. Élie-Pascal, étendu encore devant cet autel, dit au Christ: «Reçois-moi!» Et nous, à ses côtés nous prions le Seigneur: «Reçois-le Seigneur, avec la même miséricorde qui l’avait appelé et envoyé vers les hommes!»
Mais si la profession religieuse et le sacrement de l’ordre sont pour nous des mystères joyeux, le départ de cette terre reste bien mystérieux, est un mystère non pas joyeux mais d’abord douloureux que nous essayons de vivre dans l’espérance du mystère glorieux qui achèvera toutes choses. Pour le fr. Élie-Pascal comme pour nous, il convient de passer du mystère douloureux en lequel nous sommes plongés, au mystère glorieux par le mystère lumineux que nous célébrons aujourd’hui. Et le dialogue de Marthe avec Jésus devant le tombeau de Lazare doit nous conduire à cette lumière que nous mendions, pauvres que nous sommes.
Ce dialogue commence d’une façon qui nous rejoint de façon étonnante: «Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort!» (Jn 11, 21). La mort, en particulier cette mort prématurée du fait d’une maladie foudroyante, nous fait ressentir une absence, celle de l’être aimé bien sûr, mais aussi et surtout une absence du Seigneur: «Où étais-tu, Seigneur, ce 7 août dernier quand le médecin a dit à Élie-Pascal: « Vous ne guérirez pas. »»? Loin de prendre cela comme un reproche, mais sachant qu’il s’agit du cri d’une foi plongée dans le mystère douloureux, le Seigneur répond: «Ton frère ressuscitera» (Jn 11, 23). Et cela ne nous console pas! Car le Seigneur parle au futur, et que le «dernier jour» (Jn 11, 24) nous semble bien loin alors que c’est maintenant que le mystère nous blesse.
Et le Seigneur à nouveau, allant au plus profond de notre cœur, ajoute alors: «Je suis la résurrection et la vie» (Jn 11, 25). C’est un présent! C’est le présent de cette Eucharistie que nous célébrons où le Seigneur va au Père dans la mort offerte, allongé lui aussi sur l’autel de la croix, et vient à nous ressuscité. C’est dans ce présent eucharistique qu’il faut jeter notre peine.
Mais le dialogue de Marthe avec Jésus recèle une autre profondeur de lumière. Car il est aussi un dialogue entre Lazare et le Seigneur où Marthe prête sa voix à son frère. Si l’on reprend ce dialogue de cette façon, surgit alors une lumière qui éclaire le mystère qu’Élie-Pascal vient de personnellement traverser et où il nous précède.
Lazare dit: «Seigneur, si tu avais été là, je ne serais pas mort!» Celui qui s’approche de la mort brutale et injuste ressent une absence de Dieu. Et il faut que cette impression soit profonde dans l’âme humaine pour que Jésus lui-même l’ait éprouvée: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Mt 27, 46).
Jésus répondit à Lazare: «Tu ressusciteras». Et cela ne suffit pas! Le futur ne répond pas complètement à la situation présente.
Alors Jésus se dévoile: «Je suis, Lazare, ta résurrection et ta vie». Voilà le présent, voilà la vérité de ce qu’Élie-Pascal a vécu: un passage, une Pâque!
Voilà le chemin qu’Élie-Pascal a parcouru ce dernier mois. Le mystère douloureux en lequel il est si brutalement entré il y a à peine quelques semaines, s’est éclairé de l’intérieur, a été progressivement illuminé par cette présence du Christ qu’il recevait dans la communion eucharistique et qui maintenant se révèle à lui dans le présent éternel du face à face.
Chers frères et sœurs,
Devant le tombeau de Lazare c’est une femme, Marthe, qui parle au nom de tous ceux qui sont réunis et au nom de Lazare.
Devant le mystère du mal et de la mort qui blesse si profondément le cœur de tous les hommes, c’est une autre femme, la Mère des vivants, qui parle au Seigneur au nom de toute l’humanité. Elle parle aujourd’hui au nom de nous tous et du fr. Élie-Pascal: que Notre Dame du Rosaire à qui cette église est consacrée nous fasse rencontrer maintenant celui qu’elle tient dans ses bras, le Christ Jésus, lui qui est la résurrection des malheureux et la vie des bienheureux.
Amen.