Homélie du 21 janvier 2007 - 3e DO

Jésus à la Synagogue: Aujourd’hui Il nous fait Membres de Son Corps

par

fr. Bernard Autran

Nous avons vécu l’attente du Seigneur, sa Venue et sa Manifestation. Maintenant, avec Saint Luc, nous commençons à accueillir ses Enseignements. Mais le lectionnaire nous a proposé d’abord le prologue de son Évangile. Il nous rappelle le sérieux des renseignements qu’il nous rapporte. Bien sûr, il ne nous donne pas de Jésus une biographie au sens moderne, mais il a interrogé avec sérieux les témoins oculaires et consulté les documents qui avaient été rédigés, et il a cherché à en faire un exposé suivi destiné à faire connaître Sa Personne, ses Actes et ce qu’Il nous a appris. Ce ne sont pas des légendes, mais c’est solide!

Après la Tentation au désert qui sera évoquée au premier dimanche de Carême, Luc fait commencer son récit par la visite de Jésus à son village de Nazareth. C’est la charnière entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans le cadre de la liturgie de la synagogue Il proclame qu’aujourd’hui advient le grand Événement. De cette liturgie, la première lecture nous a rappelé les origines. L’important était d’y souder entre eux les membres du Peuple en les faisant vivre de la Parole de Dieu. C’est le secret de l’unité de tous ceux qui S’assemblent, hommes, femmes, enfants en âge de comprendre. Celui qui porte la Parole domine l’assemblée pour qu’on le voie et l’entende bien. Si la liturgie de l’Église s’est largement ouverte à tous en parlant toutes les langues, alors les gens ne comprenaient pas le texte lu en hébreu. Aussi les lévites traduisaient, puis donnaient les nécessaires explications, ce qui est devenu notre homélie. Tous recevaient la Parole en levant les mains et crient le « Amen ». Puis ils font le grand geste de l’adoration en se prosternant le visage contre terre.

Nos assemblées ont pour foyer l’Eucharistie, mais leur première partie qui y prépare prolonge la liturgie de la synagogue. Insistant surtout sur l’adoration, les musulmans usent beaucoup de gestes collectifs que nous avons par trop oubliés. Nous n’avons pas à les copier, l’important est l’adhésion intérieure, la prière du cœur. Mais, pratiqués surtout dans les mouvements charismatiques, certains gestes peuvent bien aider à susciter les sentiments intérieurs. Ainsi s’agit-t-il surtout pour nous de recevoir la Parole qui doit nous nourrir. D’où l’importance d’une lecture bien articulée et d’un commentaire chaleureux!

Mais voici que jaillit la totale nouveauté! Lui qui en est le témoin de toute éternité, Jésus vient proclamer le grand Désir du Père, ce vers quoi Il acheminait Son Peuple depuis tant de siècles. Il partage pleinement le Propos de Son Amour, la Joie qu’Il veut partager. Il annonce la Bonne Nouvelle: Il aime les pauvres, leur veut le véritable bonheur, Il est délivrance, lumière, liberté! Tout ce qui n’était qu’amorce va se réaliser en Lui: «  Aujourd’hui, cette Parole de l’Écriture s’accomplit!  »

Comment comprendre cette immense nouveauté? Créé à l’image de Dieu, à la suite d’Adam, l’homme était partagé entre son poids d’animalité et la marche vers cette ressemblance vers laquelle Le Seigneur l’acheminait par ses Prophètes. Mais, désormais, Jésus, nouvel Adam, est L’Homme véritable. Il vient parmi nous pour prendre notre tête. Fils Unique de Dieu, depuis toujours illuminé de Sa Lumière, Il vient traduire dans une vie semblable à la nôtre ce qui L’unit à Lui par l’Action de Grâces, son immense Merci! Il partage Son Désir de nous faire trouver la joie en reflétant son ardeur à nous unir en nous préoccupant les uns des autres. Ainsi transfigure-t-il notre vie, lui donne tout son sens: de nous tous, Il veut faire ses Frères!

Dans la seconde lecture nous avons longuement entendu Saint Paul: illuminé par la révélation de ce Dessein du Seigneur sur nous, brûlé de l’ardeur à aider à le réaliser, il reprend la vieille parabole du corps et des membres souvent utilisée dans l’antiquité. Nous sommes tous différents et complémentaires. Nous recevons de nos frères. Notre vie à tous n’est possible et harmonieuse que si chacun, au lieu de se préoccuper d’abord de lui-même, les prend lui aussi en charge. Comme entre les membres d’un corps, cela nous soude et nous fait vivre unis. Mais Paul transfigure cette parabole, lui donne un sens, une perspective infiniment plus profonde: ce qui nous unit et nous fait vivre est bien plus que les dons humains à mettre au service de nos frères. Il nous l’affirme, nous ne sommes pas moins que Le Corps du Christ, et ses membres chacun pour notre part! Les dons que nous avons à mettre au service de nos frères pour nous unir à eux ne sont pas moins qu’en mille reflets, l’éclat réfracté de l’ardeur du Christ pour Son Père et pour nous. Le Bonheur de l’union profonde à laquelle Il nous appelle n’est pas moins que celui qui L’unit au Père dans L’Esprit !

Cela, en toute notre vie, Il nous donne la force de lutter pour le réaliser. Mais la source en est dans notre assemblée. Portons-nous dans la Prière, pour entrer aujourd’hui plus profondément dans l’intelligence des Écritures. Ainsi, nourris du Corps et du Sang du Christ qui veut vivre en nous Son Amour, Il nous fera plus avant pénétrer de ses sentiments, trouver notre Joie à faire celle de nos frères, membres du même corps !