Homélie du 11 septembre 2022 - 24e Dimanche du T. O.

La création – présence de Dieu

par

fr. Jean-Michel Maldamé

J’étais à une session de formation des responsables pastoraux pour parler de la création. Au cours d’un débat, une responsable de la catéchèse évoqua un événement. Dans une famille chrétienne où nul ne manque à la messe et où la prière du soir réunit toute la famille, une petite fille de dix ans rentre du catéchisme. Sa maman lui demande de quoi la catéchiste a parlé. L’enfant répond : « Du texte de la Bible qui raconte la création. » La maman lui demande si ça l’a intéressée. La petite fille répond : « Oui, c’était intéressant. Mais ça ne s’est pas passé comme ça ! » Quelques jours après, j’ai rencontré un homme qui me disait le bon souvenir qu’il avait gardé du catéchisme fait par les frères du couvent. Dans un climat de confiance, il me dit qu’il avait envoyé son fils au catéchisme (ce n’est pas à Toulouse). Ce garçon à l’esprit éveillé s’intéressait beaucoup aux découvertes concernant les origines de l’humanité ; il a dit à son père son trouble quand on lui a raconté au catéchisme l’histoire d’Adam et d’Ève. En bon père, ce Monsieur vint voir la catéchiste qui lui a déclaré que tout s’était passé comme écrit dans la Bible, à la lettre, et que le reste était erreur, sans fondement et fruit du matérialisme. Il a retiré son fils du catéchisme. Il n’est pas le seul. Hélas ! Ces deux épisodes vécus posent une question qui nous concerne. La question n’est pas simple ; nous l’avons abordée plusieurs fois dans des conférences au couvent et nous le ferons encore cette année puisque les observations par le télescope apportent de nouvelles connaissances sur la formation de notre univers. Il y aura d’abord une information scientifique fondée et vérifiée, conférence donnée par un professeur à l’Université. Ensuite viendra une réflexion théologique. Cela n’a pas sa place dans le cadre de la prédication dominicale, mais il convient de voir le point vif de la question : la foi en la création.

La racine des difficultés évoquées vient de ce que nous avons l’habitude de parler de la création au passé. La création est pensée comme un acte du passé. Après quoi Dieu se serait retiré et aurait laissé faire la Nature. C’est une erreur ! Car en réalité, l’acte créateur que Dieu pose c’est maintenant. La création est au présent. Si au moment où je vous parle, Dieu ne posait pas un acte créateur, il n’y aurait plus personne. Rien ! Ce ne serait pas la mort, car après la mort, il y a un corps dont les éléments retournent à la terre et une âme que Dieu prend dans sa main avant la résurrection à la fin des temps. Si Dieu ne créait pas maintenant, ce serait le néant : plus rien. Pas le vide, car le vide ce n’est pas rien, mais le néant ! Parler de la création, c’est parler du présent : le don de l’existence réelle. C’est un don. La création, c’est maintenant, c’est ici, c’est à cet instant. C’est cela le plus important et c’est de cela que parle la Bible ; elle parle de la présence de Dieu au monde, à qui il donne d’être, à l’humanité à qui il s’adresse personnellement. Sur le passé et sur l’avenir nous avons des connaissances — ouvertes, elles ne cessent de changer. Il faut les accueillir, car elles sont très utiles pour vivre le présent.

Toutes les religions se fondent sur cette exigence : être en relation avec Dieu qui nous est présent par l’acte par lequel il nous donne d’être. Notre prière est donc une attention à cet acte où nous reconnaissons un amour premier. Car donner la vie est un acte d’amour. Dans la prière, nous prenons conscience que dans l’instant présent Dieu est là, parce qu’il donne d’être. Il est présent d’une présence que rien ne peut effacer quoi qu’il arrive. C’est universel dans les religions. Mais en christianisme il y a plus.

Avec l’Église, « je crois en Dieu le Père tout-puissant créateur du Ciel et de la Terre » — de tout, absolument tout le Visible et l’Invisible. Dans la prière, le chrétien nomme Dieu et lui dit « père ». Comment entendre le mot ? La réponse nous est donnée dans la parabole dite de l’enfant prodigue. Lisons la fin : le fils de la révolte et de désolation revient et il est accueilli par celui dont il découvre l’immense amour. Mais encore, le fils aîné, dévoré par sa colère de jaloux, entend son père lui dire que le trésor qu’il avait était sa présence : « Tu es toujours avec moi. » Oui ! Dieu est présent, maintenant. Son acte créateur est un acte d’amour. Maintenant et toujours.