L’annonce faite à Marie: c’est l’évangile de notre naissance dans l’Esprit de Jésus, l’aube toujours rayonnante d’un jour nouveau ; c’est l’évangile de la présence d’un Germe dans les entrailles de miséricorde d’une jeune fille, la nouvelle Ève ; c’est l’évangile de l’Emmanuel, Dieu-en-nous, parmi nous, afin d’ouvrir un chemin d’Eucharistie vers le Père.
L’annonce faite à Joseph: c’est l’évangile d’une présence du Messie, au cœur de l’histoire, longuement attendue, enfin manifestée, unissant en elle le visage du Divin et celui de l’homme. Il y eut bien des épiphanies de la présence de Dieu dans l’Histoire du Salut. Toutes s’accomplissent dans ce «Seigneur sauve» – Yehošuca -, ce nom qui est son être même que Joseph va lui donner.
Dans l’acte de consentement de Marie, le «Que cela soit», son Fiat, l’éternité d’un acte d’amour divin se manifeste dans l’instant (et unique instant). La Parole créatrice se dépouille, se vide de sa puissance pour être germe de vie dans les entrailles d’amour qui s’émeuvent. La parole du Dieu Très-Haut est en cet instant et pour toujours, nécessairement une Parole humaine. Révolution totale dans les pensées des hommes. Un nouveau visage du Divin, de l’homme, du temps, et de la création.
Le Divin n’est pas un Tout-Autre replié en son mystère. Il est nécessairement un don d’infini amour accordé à un «Oui» d’amour, proféré par celle qui symbolise l’humanité nouvelle.
Il y a aussi un acte de consentement de Joseph, dans le silence et le secret. Dans l’évangile selon Matthieu, un coin du voile se lève. Un autre aspect du mystère s’éclaire. C’est celui de l’attente des hommes, l’aspiration à surmonter les forces du Mal, toutes les oppressions: y a-t-il dans nos tâtonnements infinis, depuis que l’homme est en route, un chemin d’issue, un passage où s’offre le Salut? Il y a un secret du temps humain et de l’Histoire. Le temps mesure la force de l’espérance humaine. L’Histoire peut apparaître comme une effroyable tragédie faite de bruit et de fureur. Elle l’est assurément! Elle est avant tout une lente, difficile émergence de l’Espérance du monde, dans l’attente de la venue de l’Esprit. Les prophètes déchiffrent ce secret. Dieu et l’homme sont en dialogue et les paroles échangées, leur son, leur goût, leur sens secrètent un fruit qui mûrit. C’est une Personne, un Visage d’homme dans l’Esprit, et son secret se communique en notre chair pour que nous devenions une Personne. Ce fruit issu de la Terre nouvelle et tout façonné d’Esprit, c’est ce que l’écriture nomme le Messie, l’Emmanuel. Ce Messie, dit l’Ange, c’est le Visage même du Très-Haut qui sauve! – Yehošuca -, le Seigneur de l’Exode sauve!
Dieu est avec nous, Dieu est en nous, Dieu est aussi par nous par ce qu’il y a d’Esprit en nous. C’est ce que les écritures proclament dévoilant la Parole de Dieu. Elles ont été écrites dans le jaillissement de l’espérance messianique, dont une des sources est la figure de David. Toutes les semences d’écritures, de la Genèse à l’Apocalypse, sont en Lui, l’Emmanuel. Imaginer des écritures qui ne seraient pas traversées de part en part par la présence et l’espérance messianique, est contre-vérité et pure affabulation humaine. Que disent l’écriture et l’évangile d’aujourd’hui? l’Emmanuel, – Yehošuca -, le «Seigneur sauve»! révèle qu’il est acte pascal, de l’exode passé à son propre Exode. Paul l’affirme ainsi: l’incarnation du Verbe est liée à l’histoire de sa pâque, et par-delà la mort, à la victoire de la résurrection. «Selon la chair, il est né de la race de David selon l’Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu, par sa résurrection d’entre les morts, lui Jésus-Christ, notre Seigneur! La célébration de sa nativité ne saurait être le seul fait d’un instant qui passe! Une épiphanie tellement passagère qu’elle serait illusoire! un signe d’échec au fond. Si elle ne change pas notre regard sur le Divin, l’homme, nos proches, elle n’est qu’une célébration folklorique. Si notre approche de Jésus n’est pas intérieure, de plus en plus intérieure et transformante, si elle ne provoque pas un renouveau de notre espérance de la venue du Règne, si elle ne stimule plus notre émerveillement d’être disciple, c’est, assurément, qu’elle est en danger de disparition et de mort.
Vienne le temps nouveau de l’Esprit, où nous saurons dépasser et effacer les noëls du monde qui ne savent plus ce qu’est la Nativité de Jésus! Vienne le temps où la Naissance de Jésus en nous, de sa Parole et de son Agir seront vécus à chaque instant, comme un signe de résurrection. Vienne le temps où, définitivement, nous saurons rompre avec tous les rituels païens des ‘Nouvelles Saturnales’ d’hiver qui entendent nous submerger et nous anéantir.
Que la Nativité toujours en acte de Jésus éveille notre cœur et notre esprit. Amen.