Tout au long des dimanches du mois d’août, nous avons lu le chapitre sixième de l’évangile de Jean qui rapporte la multiplication des pains et le grand discours de Jésus sur le « Pain de vie ». Nous lisons ce dimanche la dernière étape, celle où la communauté des disciples se déchire en raison de la radicalité des propos de Jésus se présentant comme pain de vie, le « pain descendu du ciel ».
Évangile selon saint Jean, chapitre 6 : Jésus disait : « 54 Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. 55 Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson. 56 Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. 57 De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. 58 Voici le pain descendu du ciel ; il n’est pas comme celui qu’ont mangé les pères et ils sont morts ; qui mange ce pain vivra à jamais. 59 Tel fut l’enseignement qu’il donna dans une synagogue à Capharnaüm. 60 Après l’avoir entendu, beaucoup de ses disciples dirent : “Elle est dure, cette parole ! Qui peut l’écouter ?” 61 Mais, sachant en lui-même que ses disciples murmuraient à ce propos, Jésus leur dit : “Cela vous scandalise ? 62 Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ?… 63 C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. 64 Mais il en est parmi vous qui ne croient pas. “Jésus savait en effet dès le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le livrerait. 65 Et il disait : “Voilà pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi, si cela ne lui est donné par le Père.” 66 Dès lors, beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui. 67 Jésus dit alors aux Douze : “Voulez-vous partir, vous aussi ?” 68 Simon-Pierre lui répondit : “Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. 69 Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu”. »
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« Tu entends “le corps du Christ” et tu réponds : “Amen !” Sois vraiment membre de ce corps, pour que ta foi ne soit pas vaine. » Je vous rassure : cette phrase n’est pas de moi ; elle est de saint Augustin. Cette parole s’adresse à la personne qui vient communier ; le prêtre lui présente le pain devenu corps du Christ par l’action de l’Esprit Saint dans la prière eucharistique. Dans cette phrase, je retiens un point : l’emploi du mot « corps ». Il est présent deux fois. Une première fois, il désigne ce qui est donné au fidèle qui vient communier et, une seconde fois, il désigne l’Église en reprenant l’enseignement de Paul (1 Corinthiens 12, 12-30) et des Pères qui disent que l’Église est « le corps du Christ ». On devient membre de ce corps par le baptême et on y grandit par la pratique eucharistique.
Dire de l’Église qu’elle est le corps du Christ est une exigence dont nous devons percevoir l’immensité. L’Église n’est pas une association, une communauté d’intérêts, une solidarité économique, une nation, une culture… C’est bien plus ! C’est rien moins qu’une participation à la vie de Dieu — en plénitude dans la gloire du Paradis, en germe dans le temps de notre vie terrestre.
Entendons bien le sens du mot « corps ». Un corps est constitué d’une multitude de cellules, diverses et complémentaires. Si tout y est chimie et biologie, le corps n’est pas que cela. C’est une unité qui transcende tous ses éléments constitutifs par le dynamisme unifiant ou l’énergie que l’on appelle en toute rigueur « âme ». Celle-ci est ouverture et accueil ; elle reçoit Dieu qui est amour. Elle participe à sa vie. Le corps c’est la chair et l’esprit.
Employer le mot « corps » pour le Christ est juste. L’expression « corps du Christ » dit que son Esprit, l’Esprit Saint, vient habiter tous les éléments constitutifs qui fait que la multitude devient un corps, unifié par la richesse qu’apporte le Souffle donné par le Christ. Dès maintenant, son amour nous habite, ses paroles nous éclairent et sa présence raison d’être. Jésus ressuscité est la source de cet Esprit qui nous donne d’être enfant de Dieu. C’est pour tous ; il en résulte une communion dont nous sommes les bénéficiaires et les acteurs.
Ainsi le corps sacramentel et le corps social sont l’un et l’autre œuvre du Saint-Esprit. L’Esprit Saint a sanctifié le pain devenu corps sacramentel. Ce pain, devenu corps du Christ, nous est donné pour que nous devenions enfants de Dieu et que nous puissions construire une communion qui accomplisse ce que Jésus a fondé, c’est ce que le texte d’évangile lu ces dimanches d’août nous a dit. Jésus a agi avec force : il a nourri la foule dans le désert ; il a apaisé la tempête ; à la synagogue, il a enseigné que la source de la vraie vie est la foi en Dieu et la reconnaissance de sa présence ; il a dit aux apôtres que la seule voie qui mène à la vie est celle de l’amour et du don. Cette voie, offerte à tous, n’est pas facile. Aussi Jésus se donne à nous dans les sacrements pour que nous vivions dans cet Esprit d’amour qui est participation à la vie de Dieu.
Le geste traditionnel de la communion est beau. Il relève de la dignité : venir dans la procession de la communion, tendre une main ouverte, comme un mendiant, dans l’humilité et la confiance — puis, répondre au prêtre ou au diacre qui montre l’hostie. Il dit : « Le Corps du Christ » ; et il faut répondre : « Amen ! », c’est dire : « Oui, je le crois et je vivrai dans l’Esprit d’amour de Celui qui a donné sa vie pour le salut du monde. »