Homélie du 5 mars 2025 - Mercredi des Cendres

Le désert, pour quarante jours

par

fr. Joseph-Thomas Pini

Le désert, pour quarante jours.
Le désert, et pas de dessert. Comme un tunnel, sans réseaux ni paysage, où l’on finit par ne plus savoir si l’on avance et où l’on va. Qu’aller donc faire dans la galère du désert ? Précisément le désert. Non pas une montagne, celle des résolutions tournées et retournées, négociées et adaptées, dont on voit rarement le sommet élevé et brumeux et qui ne parviennent pas à se démarquer de l’essentiel que rappelle la Sagesse divine dans toutes nos lectures de ce jour. Ni cette combinaison de programme minceur et de « parcours santé spirituelle » que pourrait devenir un Carême.
Mais ce lieu et ce temps où, sans clameurs ni rumeurs, dans une lumière plus vive, sans détours ni recoins, le Seigneur nous appelle et nous attend au cœur du mouvement de grande pacification avec Lui, selon l’image de sainte Catherine de Sienne, de réconciliation avec l’être nouveau « que nous sommes devenus dans le Christ », et de conversion véritable au Dieu de Vie. Le programme esquissé par le Christ dans la péricope de notre célébration, dans l’Évangile selon saint Matthieu peu après le grand discours des Béatitudes, se trouve placé au début du ministère public de Jésus et avant l’appel et l’envoi des Apôtres et disciples, en quelque sorte comme à la racine de cette vie nouvelle du Royaume présent et en accomplissement que le Christ est venu annoncer et inaugurer. Un programme de jeûne, de prière et de miséricorde qui, dans ses actes, n’est pas le propre exclusif du christianisme, et qui vient donner une version nouvelle des invitations que nous avons notamment entendues, ces derniers jours, dans les lectures liturgiques du livre de l’Ecclésiastique.
Mais la marche de quarante jours vers Pâques, imitant le Christ et rappelant le périple du peuple hébreu sauvé de l’Égypte vers la Terre promise, passe par le désert. Nous sommes ainsi invités à emprunter la route du désert. C’est celle-là qui permet la suite du Christ.

Elle nous appelle à entrer plus intensément et soigneusement dans ce qui se trouve, du témoignage même de l’Écriture, au cœur de la relation du Fils bien-aimé et de son Père : la prière. Elle nous convie à amplifier dans la vie de notre âme et dans nos actes l’élan vivifiant de miséricorde qui est le mouvement même du ministère du Christ. Elle nous presse de nous libérer, aussi souvent et largement que possible, de tous les poids et attaches que n’exigent ni la nécessité, ni la justice et qui entravent et retardent notre pas au rythme du Christ.

Cette route est celle qui nous ramène au Père et, plus encore, nous fait cheminer pour Lui : dans la discrétion, le secret et l’intimité du désert, le Père nous voit, et peut, de plus en plus au fur et à mesure de notre plus grande union et notre plus grande imitation, reconnaître en nous son Fils bien-aimé. Cette route qui emprunte le passage du désert, le traverse, pour aller vers Jérusalem, là où convergent toute justice et toute miséricorde qui y trouvent leur sommet, dans le jardin de l’angoisse, sur la colline du supplice, au sépulcre neuf, là d’où, désormais, va découler toute miséricorde et toute justice. Jérusalem, lieu de sainteté et de misère, le lieu du culte véritable que sont l’aumône, le jeûne et la prière dans le secret du Père et pour le Père.

En traversant le désert, nous aurons à le parcourir : là où Dieu donne rendez-vous pour parler cœur à cœur en vérité ; là où Dieu se fait connaître en sa sainteté, et où, dans la chaleur ardente et purifiante, nous aurons à renverser les autels de l’idole que nous devenons bien souvent pour nous-mêmes, et de tout son panthéon. Avec le Christ à la rencontre du Père, nous croiserons aussi l’Adversaire, et nous pourrons voir la puissance et la sainteté de Dieu, et retrouver, à partir de notre humble lucidité, notre vraie grandeur. Invitation au parcours du désert pour notre Carême, afin de nous retrouver dans le Christ comme fils et filles aimées, et comme témoins de la miséricorde et de la vie bienheureuse.

Un parcours mêlé des larmes à verser et de la joie de la bonté de Dieu et de sa victoire pascale. Mêlé des cendres de ce qui doit être purifié et qui ne peut que nous quitter, et de la vie même, d’un printemps qui s’annonce et s’installe, d’un matin naissant où la Vie terrasse la mort. Carême de liberté, de joie et de vie.

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