Homélie du 27 octobre 2002 - 30e DO

Le triple amour et la fécondité de l’Église

par

fr. Olivier de Saint Martin

«Écoute Israël! Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur» (Dt 6,5). Voilà le premier, le plus grand des commandements qu’il faut suivre pour faire la volonté de Dieu. Mais comment faire sa volonté si nous ne l’aimons pas (cf. collecte de ce dimanche) et si nous ne faisons pas silence pour l’écouter, Lui qui est dans la brise légère (1 R 19,11-12)? Car c’est bien parce que, de siècles en siècles, des chrétiens, réunis par l’eucharistie, ont écouté et mis en pratique la Parole que l’Amour divin a pu se répandre, par capillarité, jusqu’à Clément, Cyprien et Faustine qui vont recevoir tout à l’heure le baptême. Un jour, ils répondront eux-mêmes, comme a pu le faire avant eux la multitude des baptisés: «Tu m’as appelé Seigneur, me voici, parle, ton serviteur écoute» (1 S 310). Peu à peu, ils feront la découverte émerveillée de l’amour d’un Dieu qui «s’est fait homme afin que nous soyons fait Dieu» (S. Athanase). Touchés par l’absolue gratuité d’un Dieu qui nous a aimé le premier (1 Jn 4,19), ils voudront Lui répondre. Ils L’écouteront et L’entendront leur dire: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même».

S’aimer et aimer son prochain. S’aimer soi-même, c’est se regarder avec les yeux de Dieu, aimer ce que Dieu aime en nous. Cela n’est pas facile car nous ne connaissons que trop nos failles, notre péché. Pourtant, lorsque notre cœur nous condamne, souvenons-nous que «Dieu est plus grand que notre cœur» (1 Jn 3,20) et ne craignons jamais de recourir au sacrement du pardon. S’aimer, c’est alors accepter d’être aimé tel que nous sommes, dans nos fragilités et laisser l’amour de Dieu transfigurer le sens même de notre péché. C’est jubiler à la pensée que nous sommes des pécheurs pardonnés, que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs (Rm 5,8). Que le pardon de nos péchés fait partie intégrante de notre itinéraire de sainteté. S’aimer c’est, finalement, vouloir que se réalise pleinement en nous le dessein d’adoption, que nous puissions appeler en vérité Dieu: Abba! Père (Rm 8,15). Mais alors nous ne pouvons pas faire autrement que de vivre avec notre prochain cette communion en Dieu à laquelle nous sommes tous deux appelés! Nous ne pouvons prétendre aimer Dieu sans vouloir que notre prochain vive, lui aussi, cette alliance – et c’est toute la thématique de la première épître de Jean. Le vouloir c’est tout faire pour que cela puisse être: «Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux» nous demande le Christ (Mt 7,12). Oui, c’est à notre amour mutuel que l’on reconnaîtra que nous sommes ses disciples (Jn 13,35). Le commandement de l’amour fraternel se fait exigence intrinsèque. Certes, cela ne va pas sans lutte. Le Christ le savait bien, lui qui eût, un jour, cette parole si exigeante: «quand tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, et va d’abord te réconcilier avec ton frère» (Mt 5,23-24). L’amour de Dieu, l’amour de soi et du prochain passent toujours par la réconciliation. Il n’y a pas de communion, pour nous qui sommes pécheurs, sans réconciliation. C’est la condition pour être «un seul corps et un seul esprit dans le Christ» (PE III).

C’est ce que nous allons demander à l’Esprit Saint, dans la prière eucharistique, pour devenir «une éternelle offrande à la gloire de Dieu» (Prière Eucharistique III). C’est alors que notre communauté existera vraiment comme cellule ecclésiale. A quoi servirait la beauté de la liturgie et même une liturgie priante si elle n’était au service de la communion fraternelle? Une communauté n’est féconde que parce que, tous ses membres étant unis à leur Seigneur, elle ne fait plus qu’une seule chair avec Lui (Ep 5,31-32). Elle devient Épouse et Corps du Christ, recevant de Lui la Vie et la transmettant comme cela va être le cas pour Clément, Cyprien et Faustine. N’est-ce pas la grâce la plus profonde de l’eucharistie qui nous unissant au Christ, nous réunit en un seul corps et ainsi permet que se transmette la Bonne Nouvelle du Salut? C’est aussi un appel pour nous à vivre de manière plus consciente ce que nous célébrons. Dans peu de temps, nous nous avancerons pour recevoir le Christ qui veut se donner à nous dans sa plénitude incarnée, dans son corps et dans son sang. Cela implique que nous répondions en nous donnant à Lui comme une hostie sainte et agréable (Rm 12,1) pour ne plus faire qu’un avec Lui. Alors, nous deviendrons vraiment les membres les uns des autres (Rm 12,5). Le baiser de paix n’est-il pas le geste qui manifeste pleinement cela? Du calice, la paix descend vers nous. Sa transmission tout autant que sa réception nous engagent pleinement les uns vis-à-vis des autres. Nous étant donnés au Christ et les uns aux autres, nous ne nous appartenons plus (1 Co 6,19). Oh, sans doute demeure-t-il en nous des zones d’ombre et de désespérances où le mal reste tapi et où nous sommes encore enfermés sur nous-mêmes. Puissions-nous alors, dans la réception de l’eucharistie, dans la réception d’un Dieu qui se donne totalement à nous dans une gratuité d’amour bouleversante trouver la force de la réconciliation avec Dieu, nos frères et nous même. C’est alors que, décentrés de nous-mêmes, membres les uns des autres, l’on pourra dire de nous: Voyez comme ils s’aiment!

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