Le Verbe extérieur et l’Esprit intérieur


Qui, mieux que Jésus, peut nous parler du Saint-Esprit ? Pour savoir qui il est, écoutons bien les paroles de Jésus. En les écoutant, nous remarquons qu’il dit que son ministère vise un but : que nous recevions l’Esprit Saint. C’est pour cela, nous dit Jésus, qu’il est là. Ce n’est pas seulement pour cela : il nous parle aussi de sauver, du pardon des péchés, de faire connaître le Père… mais en fait tout cela est lié. En tout cas, le don du Saint-Esprit est essentiel à sa mission. Pour que la mission de Jésus soit accomplie, il faut que nous recevions l’Esprit Saint. Pour que la vie de Jésus soit accomplie, il faut la Pentecôte. Sinon, c’est comme s’il manquait quelque chose.
Cela peut paraître étonnant qu’il puisse manquer quelque chose à la vie de Jésus, mais saint Paul disait bien : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ » (Col 1, 24) et aussi que l’Église est la « plénitude du Christ » (cf. Ep 1, 22-23). C’est la même idée : la résurrection du Christ et son Ascension sont de très bonnes choses, et depuis quelques semaines dans la liturgie c’est notre grand sujet de joie, mais pour que la fête soit complète, nous attendions la Pentecôte. Parce que maintenant, avec le don de l’Esprit Saint, les hommes sont associés à la grâce du Christ. Dieu ne veut pas que la grâce de la résurrection et de Pâques ne soit qu’en Jésus, il veut la répandre sur nous tous et c’est en cela que la Pentecôte est l’accomplissement de tout le ministère de Jésus et qu’avant la Pentecôte, il manque quelque chose à la vie de Jésus.
C’est bien ce que nous avons entendu dans le récit de la Pentecôte : ces hommes de toutes les langues, juifs ou païens d’origine, confessent la résurrection de Jésus et, en recevant le baptême, ils vont y être associés en recevant le Saint-Esprit. Avec cette foule de la Pentecôte, nous voyons que le projet de Dieu commence à se réaliser : toutes les nations reçoivent l’annonce de l’Évangile. L’extension du Royaume de Dieu commence à atteindre toute la Terre.
Mais le désir de Dieu n’est pas seulement que le Nom de Jésus soit connu de tous les hommes. Le désir de Dieu n’est pas seulement une question d’extension à toute l’humanité, mais c’est aussi une question d’intensité : Dieu ne veut pas seulement être connu, il veut aussi pénétrer profondément dans le cœur des hommes. Si vous préférez, Dieu ne souhaite pas seulement que tous les hommes sachent qui est Dieu et connaissent ce qui est bon à faire, mais Dieu veut aussi que les hommes l’aiment et qu’ils fassent effectivement ce qui est bon. Jésus n’est pas seulement venu pour nous donner une liste de commandements ou des enseignements qui seraient devant nos yeux ; il n’est pas venu seulement pour être un modèle extérieur à nous et qu’il faudrait imiter. Il nous donne l’Esprit Saint qui nous permet d’intérioriser ces commandements et de l’imiter.
Dans la vie chrétienne, il ne s’agit pas seulement de connaître, il s’agit aussi d’aimer. Connaître le bien est nécessaire, mais cela ne nous suffit pas pour faire le bien. Ce qui nous fait faire le bien, c’est de le désirer. C’est l’amour, l’attrait, le désir qui fait tourner le monde, qui nous met en mouvement, qui nous met en action. C’est particulièrement le rôle de l’Esprit Saint.
Peut-être qu’une image fera mieux comprendre ce que je veux dire. Vous voyez ce qu’est un treuil ? (Comme ce qu’il y a à l’avant des 4 x 4 pour sortir d’une trop grosse pente.) Par la connaissance, c’est comme si nous attachions le câble du treuil au bien, c’est tout particulièrement le rôle de l’enseignement de Jésus. La connaissance nous fixe au bien, mais le bien reste comme à distance. L’Esprit Saint est ce qui attire, ce qui va faire tourner le treuil pour nous rapprocher du bien, pour faire — comme nous l’a dit Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui — que le Verbe et le Père sont tellement attirés qu’ils font chez nous leur demeure.
Le Verbe incarné nous a donné les articles de la Loi par ses paroles et son exemple. L’Esprit Saint, c’est la Loi nouvelle qui est en nous, c’est le désir de réaliser ces commandements de Jésus. Encore une fois, ce sont bien les paroles de Jésus que nous avons entendues : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. »
Et l’Esprit Saint n’est pas seulement comme un petit treuil, mais il est extrêmement puissant. Si nous cherchons à le recevoir, à le laisser agir en nous, il va comme démultiplier notre puissance, comme le fait un palan. Je pense à une autre image : s’il y a assez de personnes inscrites, dimanche prochain, nous organiserons des ateliers pour la fête paroissiale et un atelier pourra être la visite de la bibliothèque. Au dernier étage, vous pourrez y voir des armoires mobiles : les rayonnages sont sur rails et peuvent être serrés les uns contre les autres pour stocker plus de livres (ou ouverts pour accéder aux livres). Pour qu’un homme seul puisse bouger ces lourdes armoires remplies de livres, il y a une manivelle avec un système d’engrenages qui démultiplie la force. Quand on les met en mouvement, il est impossible de résister à cette force. On pourrait mettre un Sumo au milieu, il ne pourrait pas empêcher le rayonnage d’avancer. De la même façon, l’Esprit Saint démultiplie notre action pour nous permettre de recevoir les commandements de Jésus, de les intérioriser en nous.
Ainsi, la Pentecôte nous montre bien — si jamais nous avions besoin de le découvrir — que la connaissance et l’amour ne s’opposent pas, mais sont faits pour aller ensemble. Jésus et l’Esprit Saint travaillent de concert ! Avec l’Esprit Saint, la connaissance n’est pas seulement intellectuelle, elle est aussi attrait. Grâce à l’Esprit Saint, non seulement nous connaissons, mais nous connaissons par cœur, nous connaissons par le cœur.

