Le premier dimanche du carême est traditionnellement le dimanche des tentations de Jésus au désert. Nous sommes habitués aux versions longues de Matthieu ou de Luc. Aujourd’hui nous avons entendu la version de Marc qui non seulement est très brève (deux versets) mais qui ne donne pas le détail des tentations. Le texte est même tellement court que la Liturgie a estimé bon d’ajouter le début de la mission de Jésus: Jésus partit proclamer la Bonne Nouvelle. Et même une phrase d’introduction: Jésus venait d’être baptisé.
Ainsi dans sa brièveté, nous avons un résumé tant de la vie de Jésus que de la vie de tout chrétien: le baptême, le passage par le désert, la mission.
Au baptême Jésus reçoit la plénitude de l’Esprit-Saint. Au baptême, tout chrétien reçoit l’Esprit. C’est l’Esprit-Saint, l’Esprit de Dieu, cette présence de Dieu en tout baptisé qui lui donne la force indispensable pour le combat auquel il va être confronté.
Car avant la mission, avant cette annonce de l’Évangile dont tout chrétien est chargé, il y a le passage au désert.
Jésus d’abord, et tout baptisé, doit revivre, chacun à sa façon, ce qu’a vécu le peuple hébreu avant d’entrer en Terre promise.
Le temps du désert est le temps de la confrontation avec les puissances du Mal, ces puissances contre lesquelles Jésus nous demande de prier tous les jours: délivre-nous du Mal!
Et s. Marc évoque ce combat de façon imagée: Il était tenté par Satan, il était avec les bêtes sauvages et des anges le servaient.
Satan. Marc ne parle jamais du diable. Il parle des démons pour désigner ces maux divers qui gâchent la vie des gens et dont Jésus peut nous libérer. Mais quand il dit Satan, il désigne celui qui s’oppose à la volonté de Dieu, celui qui veut faire échouer le plan d’amour de Dieu, celui que Jésus nomme le menteur et le père du mensonge. Et ce qui nous plonge dans des abîmes de perplexité, c’est de penser que Jésus ait pu être ainsi tenté par Satan. Comment lui, le Fils de Dieu, le Messie, qui vit en continuelle communion avec son Père a-t-il pu être confronté à la tentation. Car ici il s’agit de la tentation par excellence, la seule qui mérite vraiment ce nom: la tentation de renier Dieu le Père, de refuser sa volonté, de désobéir, tel Adam à l’origine. C’est un mystère insondable.
Mais il était bon qu’il nous soit rappelé au début du carême, car nous aussi nous sommes tentés. Il ne s’agit pas pour nous non plus de petites tentation dérisoires et ridicules, mais du même combat que celui de Jésus. Ce combat que Marc désigne en disant: Il était avec les bêtes sauvages.
Les bêtes sauvages ce sont justement ces tentations diaboliques qui nous harcèlent et veulent nous dévorer. Ces tentations qui nous détourneraient de Dieu si nous y succombions. Bêtes sauvages que ces tentations charnelles si puissantes sur nous. Et si elles l’emportent, elles détruisent les ménages, désespèrent les enfants et souillent nos âmes. Bêtes sauvages que ces tentations morales qui nous poussent, par exemple, au découragement, voire au désespoir et parfois à la tentation du suicide: ou qui nous poussent à la haine, ou à l’emportement, ou à la vanité, ou au mépris… et mille autres tentations du même ordre. Bêtes sauvages aussi, et ce sont les plus féroces, que ces tentations spirituelles: tentation de nier l’existence de Dieu ou la réalité de son amour pour nous: tentation très répandue aujourd’hui de ne pas croire à la réalité de la vie éternelle, ni à la résurrection de la chair. Ce sont toutes ces tentations qui nous pousseraient à faire ce que Jésus appelle le péché contre l’Esprit.
Mais n’oublions pas que la tentation n’est pas le péché. La tentation, c’est l’attirance du péché, la séduction du péché. Jésus a été tenté, mais il n’a pas péché. Il a été tenté, mais il n’a pas cédé. Il est sorti vainqueur de cette épreuve. En cela il a été aidé par les anges qui le servaient.
Nous aussi des anges nous servent. Ce sont nos anges gardiens, ces anges auxquels nous sommes confiés, précisément pour qu’ils nous aident dans le combat spirituel lorsque la tentation nous menace. Ces anges peuvent prendre le visage d’une consolation reçue dans la prière, une force intérieure qui vient nous conforter et nous permettre de surmonter une tentation et de la vaincre. Ces anges peuvent manifester leur action par le témoignage stimulant de frères ou de sœurs qui nous manifestent au bon moment leur sollicitude par un sourire, un conseil, une invitation, une lettre qui arrive au moment opportun et nous évite de céder à une forte tentation.
Et de même que Jésus est sorti vainqueur du désert, nous aussi nous vaincrons. Le carême est un temps d’entraînement au combat spirituel. Et ce combat Jésus le mène avec nous.
Alors, bien armés contre le Satan et remplis de la force de l’Esprit-Saint, nous pourrons aller, avec Jésus, annoncer la Bonne Nouvelle: Les temps sont accomplis. Le royaume de Dieu est parmi vous. Pour y entrer, le mot de passe: Aimez-vous les uns les autres! Amen.