Homélie du 5 décembre 2021 - 2e dimanche de l'Avent

Les deux visages de Jean Baptiste

par

fr. Ghislain-Marie Grange

En flânant dans les musées ou en regardant des livres d’art, vous avez peut-être remarqué deux manières différentes de représenter saint Jean Baptiste. Certains peintres, tel Léonard de Vinci, le représentent comme un beau jeune homme ressemblant au Christ ; la proximité entre les deux cousins est pleine de vraisemblance. Au contraire, les icônes russes le représentent plutôt comme un homme sévère, au visage buriné par l’austérité et la pénitence, presque comme un vieillard.
Dans un cas, Jean Baptiste représente la jeunesse de l’Évangile ; dans l’autre, il symbolise l’attente de l’humanité qui depuis de longs siècles soupire après la venue du Sauveur.
Jean Baptiste se situe au point où l’histoire bascule. Il y avait le monde d’avant l’Incarnation ; désormais nous vivons dans le monde d’après l’Incarnation. Ce point de bascule est minutieusement situé par saint Luc : c’était l’an quinze du principat de Tibère César. Et Jean Baptiste joue un rôle clé dans ce changement.
Bien sûr, le salut de Dieu avait été annoncée par les prophètes : Dieu va venir juger un jour, Dieu va venir sauver l’humanité un jour. Mais c’est quelque chose de complètement différent de dire : Dieu va sauver bientôt et Dieu sauve aujourd’hui. Nous constatons dans notre expérience qu’une catastrophe annoncée pour demain nous fait plus peur que la catastrophe en général ; inversement, le salut pour demain nous console bien plus que le salut un jour. Voilà donc la mission de Jean Baptiste : annoncer le salut pour demain.

D’un côté, Jean Baptiste incarne donc l’attente de toute l’humanité. Et de ce fait, il est comparable à un vieux prophète de l’Ancien Testament. Il possède la même personnalité rugueuse que Samuel, Élie ou Élisée. Dans les versets qui suivent notre page d’Évangile, saint Luc nous donne quelques pépites de sa prédication aux Juifs : « Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la Colère prochaine ? » Aucun d’entre les frères n’oserait sans doute prêcher de cette manière. Ces mots de Jean Baptiste ne sont pourtant pas une pure provocation, mais ils témoignent de sa mission très particulière, de sa vie exigeante, toute tendue vers la volonté de Dieu. Jean est de la trempe des grands prophètes de l’Ancien Testament, mis à part pour le service exclusif de la Parole.
D’un autre côté, cette rugosité est tempérée par le message de consolation qu’il annonce. Il est la voix qui annonce la venue du Seigneur et qui promet que « toute chair verra le salut de Dieu ». Le mot clé est ici celui de consolation : cette consolation annoncée par Isaïe et que l’Évangile applique à Jean Baptiste en reprenant les paroles d’Isaïe.
La voix qui crie dans le désert n’est pas celle qui se dépense en pure perte, mais elle prépare la venue de Dieu dans notre monde, la lumière qui vient dans les ténèbres. Sous cet aspect, Jean Baptiste est le doux jeune homme qui oriente vers l’Incarnation du Christ. On le représente souvent avec le doigt pointé vers le ciel, ou vers l’Agneau de Dieu. Il est celui qui désigne, celui qui annonce. Il est la voix qui annonce la venue du Seigneur et qui promet que « toute chair verra le salut de Dieu ». Jean n’est que le héraut qui annonce l’arrivée d’un souverain : il doit crier fort mais son message s’efface devant le souverain lui-même.
Son caractère trempé est donc tout orienté vers le Christ, doux et humble de cœur. Sa personnalité puissante devient pâle devant la douceur du Christ. L’homme de l’Ancien Testament est en même temps le précurseur du Nouveau Testament. Jésus dira de lui : « Parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui » (Mt 11, 11). Il est le plus grand de l’Ancien Testament mais il est encore au seuil du Nouveau Testament. Devant l’Agneau de Dieu, le prédicateur rugissant s’efface, comme devant celui auquel sa mission conduit.
En ce temps de l’Avent, puissions-nous être encouragés par la voix tonitruante de Jean Baptiste pour préparer dans nos cœurs le chemin du Seigneur. Pour que sa douce présence puisse venir illuminer notre nuit au jour de Noël.

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