Recevoir une gifle, ça fait mal, mais surtout c’est humiliant ! Aujourd’hui, Jésus ose nous dire : « Si quelqu’un te frappe sur la joue, tends-lui l’autre ! » Parole radicale qui ne peut pas ne pas nous surprendre : est-ce qu’elle ratifie ce qui est injuste et laisse place au plus fort ? Allons-nous déclarer une amnistie universelle pour tous les délits, petits et grands, commis dans nos villes, nos cités, nos quartiers et nos familles, et pour tous les crimes qui sont commis ? Allons-nous consentir à la destruction méthodique de l’Ukraine par Poutine ? Allons-nous laisser faire les massacres de nos frères chrétiens du Moyen-Orient, les Arméniens une fois encore persécutés ? Allons-nous consentir à la destruction de nos enfants et adolescents en ne réagissant pas face aux productions sur internet qui les traumatisent ? Non — bien évidemment ! N’est-il pas déraisonnable de ne pas riposter et de laisser faire la puissance du mal ? Face à ces questions, je propose de réfléchir à ce qui advient quand nous sommes humiliés et offensés.
Je commence donc par reconnaître que quand il m’arrive d’être humilié et offensé, ma première réaction est de me défendre et de rendre coup pour coup. Il arrive à chacun de nous d’être humilié et offensé dans le cours de sa vie. Que faire pour sortir du cercle vicieux du ressentiment ou de la dépression ? Quelle est la voie ? Est-il une issue qui sera le point de départ d’une route de justice et de paix ? Que faire pour entrer dans le mouvement demandé par Jésus ? Pour y répondre, je prends en compte l’ensemble du propos de Jésus dans le « Sermon sur la montagne » qui radicalise la Loi que Dieu avait transmise par Moïse. Pour l’entendre et le recevoir, je commencerai par le commencement en reprenant ce que j’ai appris d’un des grands maîtres spirituels de notre temps. Quel est le commencement du commencement ? Un mot le dit : le mot « respect ». Tous les commandements, les dix commandements inscrits dans la Bible et radicalisés par Jésus dans le Sermon sur la montagne, sont un appel : « Vous commencerez par le respect ! » Tel est le commencement pour sortir du cercle vicieux où l’offense engendre la vengeance et la vengeance le meurtre et le meurtre la haine qui ouvre la gueule de l’enfer.
Vous commencerez par le respect de Dieu. Le Dieu saint, le Dieu juste… et pas le Dieu bouche-trou de nos insuffisances ou de nos affects. Il est le Saint, l’Unique, le Très-Haut… bien au-delà de tout désir, de toute image, de toute idée. Vous commencerez par le respect dans la prière qui est confiance et admiration. Dieu est notre rocher, car sur lui se bâtissent la justice et la vérité. Pas de vénération pour l’argent, le pouvoir, les drogues et autres idoles qui mènent le monde à sa perte. Ne pas prononcer le nom de Dieu en vain, mais — oser dire « père ».
Vous commencerez par le respect, en honorant père et mère dans la gratitude de la vie reçue d’eux et dans le développement du trésor reçu d’eux : rien moins que la vie.
Vous commencerez par le respect en ne prenant rien de ce qui est à l’autre, ni son bien, ni ce qui le fait vivre, ni ce qui lui donne une raison de vivre : son espoir, son désir, son œuvre. Respecter la vie, la vérité là où elle se donne et se manifeste, c’est-à-dire : celui ou celle qui est devant moi, comme mon semblable, l’autre irréductible à ce que je pense ou dis d’elle ou de lui. Vous n’enfermerez pas l’autre dans le réseau de vos jugements de valeur, car ce qui est pour vous un reproche est peut-être ce qui fait la dignité de ses engagements et de ses travaux.
Vous commencerez par le respect de vous-même. À commencer par la parole. Ne pas souiller la parole humaine, ni par le déni de la justice, ni le mépris, ni l’entortillement de la vérité ou ce qui induit en erreur.
Ainsi s’ouvre une voie. Ne pas rendre le mal pour le mal et avoir le courage de faire face à l’agresseur. L’expression « faire face » disant bien l’engagement de la personne. Ainsi paraît une lumière dans le noir. Elle n’est rien si on la considère selon la grandeur géométrique ; fragile dans le vent, elle est un repère pour bien d’autres à la recherche du sens de la vie. Osons être cette lumière dans le noir.
Cette décision repose sur un fait. La parole qui ouvre la voie est fondée sur un amour premier. L’amour de Dieu venu à notre rencontre et qui a pris la route où cheminent les humiliés et les offensés. Il est celui qui fut giflé dans le prétoire et adressa la parole en demandant pourquoi à son gardien. Il est celui qui subit la dérision des gardes qui le crucifièrent. Et quand la mort venait, il dit au brigand compatissant que la porte du Paradis s’ouvrirait pour lui !