Homélie du 17 avril 2005 - 4e DP

Les voix du Bon Pasteur

par

fr. Gilles-Marie Marty

Jésus affirme que «les brebis connaissent la voix du berger». Comment la connaissent-elles? Comme les étudiants, qui connaissent bien leur sujet mais l’auront oublié le mois prochain? Comme les profs, qui connaissent bien leur sujet mais ne connaissent que ça? Non, bien sûr, ce sont là des connaissances, disons, de papier!

Saint Thomas d’Aquin, qui avait quelque titre pour en parler, disait que c’était de la paille…
En tout cas, ce n’est pas ainsi que les brebis connaissent leur berger!
Si on veut un synonyme à la connaissance dont parle Jésus, ce n’est ni le savoir ni la science, c’est plutôt la reconnaissance, aux deux sens du mot: identification immédiate, et gratitude.
C’est une connaissance, non de papier ou de paille, mais du cœur et des tripes: une intimité.

Voila ce que nous les croyants (catholiques) avons en commun avec les brebis et les chèvres.

Au fait, qu’est-ce qu’un croyant? Il y a diverses bonnes réponses, du genre: celui qui prend au sérieux son baptême, qui proclame le Credo des Apôtres, qui témoigne. D’accord…
Mais avant cela, le croyant est celui qui est attentif à une voix.
Une voix qu’il n’a jamais entendue physiquement, mais dont il perçoit un écho mystérieux, un écho inimitable qui le pousse de l’intérieur à croire en l’Évangile.

Les croyants sont ceux qui connaissent la voix du Berger…
-* voix inaudible, sur laquelle pourtant se fonde leur vie la plus précieuse…
-* voix imperceptible, qui pourtant porte par-dessus océans et siècles, retentit sans cesse,
-* voix incommunicable (quelle souffrance de ne pas la partager), et pourtant transmissible: la preuve, cette assemblée, où chacun est venu car il l’a entendue, cette voix!

Mais c’est la voix du Bon Berger, que rien ne saurait faire taire, ni nous faire oublier.
C’est la voix de Jésus, la voix de celui qui donne sa vie pour ses brebis, la voix de ce cœur doux et humble, capable, parce qu’il a été ouvert sur la Croix, d’ouvrir le nôtre.
Oui, la voix de Jésus nous entre directement dans le cœur, et fait de nous des croyants.

C’est l’essentiel, et pourtant ce n’est pas tout.
Car nous avons un cœur mais nous avons aussi des oreilles.
Les oreilles ne sont pas aussi indispensables que le cur, mais elles sont quand même utiles.

Or Jésus veut parler… directement à notre cœur, et indirectement à nos oreilles…
Donc il a besoin qu’on l’aide, pour se faire entendre à nos oreilles.
Sa voix silencieuse a besoin de porte-voix, de gens qui parlent en son nom.
La première lecture vient d’en offrir un exemple frappant…

Dites, quel succès, cette première prédication apostolique… Pierre parle et en convertit trois mille d’un coup… quelle pêche, ce Pierre! Son dernier record pulvérisé, puisqu’à la pêche miraculeuse il avait ramené seulement cent cinquante-trois poissons.

Mais qui est l’auteur de ce succès? Simon, fils de Yonas, artisan de Galilée?
Oui, c’est lui mais qui a prêté sa voix à Jésus! Cette voix est à la fois à lui et au Bon Pasteur. Sa parole est à la fois la sienne et celle de Jésus, donc celle de l’Église. C’est pour ça qu’elle atteint les foules… c’est pour ça que ses auditeurs en ont les entrailles bouleversées!

Ce troupeau errant, le voilà rejoint: les brebis reconnaissent soudain la voix du Bon Berger, alors elles se ruent vers la Porte, et plongent dans la piscine baptismale, pour être avec lui!

Les Juifs ont entendu Pierre. Et nous avons entendu Jean-Paul.
La même voix virile et singulière: celle du Bon Berger.
D’ailleurs même quand il devint muet, il parlait encore, à ceux qui écoutent au cœur.
Quelle voix il aura été, quel prophète, quel porte-voix, et quel portier aussi: souvenez-vous comment il a ouvert celle du Jubilé, pour faire entrer l’Église dans le troisième millénaire, et surtout pour faire entrer davantage le Christ dans le cœur de tout homme de bonne volonté.

Écoutons-le encore: «la vocation naît de l’amour et porte à l’amour».
Il a prononcé cette phrase un dimanche comme aujourd’hui, de prière pour les vocations consacrées.

Et donc, je dois dire un mot là-dessus.

La vocation consacrée, c’est avant tout une voix qui appelle.
Avoir une vocation, c’est entendre la voix de Jésus qui m’appelle à quelque chose de spécial. Que demande-t-elle? Elle demande «un je ne sais quoi»…

Frères, si vous avez entendu la voix du Bon Berger, et l’avez reconnue, cette voix unique et inimitable dont je parlais au début, cette voix qui est la source de notre foi chrétienne, eh bien, vous comprenez que la vocation consacrée, ce n’est rien d’autre que l’appel du Berger, un appel insistant, chargé d’une vibration pénétrante, un appel qui me supplie de me rendre disponible pour le suivre sans discuter, pour l’aider à rassembler ces brebis (qu’il aime passionnément, une par une, et ne veut en perdre aucune), pour leur apprendre à le suivre sur ses chemins.

Alors, il lui faut des ouvriers pour sa moisson, des portiers pour tenir sa porte ouverte, des chiens pour ameuter ses brebis, des éveilleurs de sa Bonne Nouvelle, des veilleurs pour louer et intercéder et des adorateurs: Jésus en a besoin: il les demande, et il nous dit que le Père lui-même les cherche et les désire.

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