Homélie du 21 mai 1998 - Ascension

L’espérance ne déçoit pas

par

fr. Benoît-Dominique de La Soujeole

        Aujourd’hui le Christ monte au plus haut des cieux, aujourd’hui, le Sauveur achève sa course à l’autre limite. Le mystère de l’Ascension se présente à nous comme un achèvement, mais un achèvement qui inaugure un vrai début: c’est la fin du séjour terrestre du Christ, c’est l’inauguration de la vie terrestre des chrétiens.

        Le Verbe s’est fait chair pour trois raisons:

        D’abord, pour manifester la vérité de Dieu et son dessein de salut. Le Verbe est venu prêcher lui-même en langage d’homme pour éveiller en nous cette connaissance si merveilleuse et réjouissante de Dieu. Il n’a cessé de proclamer qu’en lui, avec lui et par lui le Royaume n’était plus tout proche (Mc 3, 2 et suivants), mais déjà au milieu de nous (Lc 17, 21). Mystères de Noël et de la vie publique de Jésus. Mais si le Verbe incarné s’en était tenu à cette révélation, il nous aurait placé dans la plus triste des situations; nous aurions été comme des pauvres devant une boutique de luxe: tout cela c’est très beau, mais ce n’est pas pour moi car je suis misérable. C’est pourquoi le Christ est allé plus loin dans sa mission.

        Le Christ a délivré les hommes des liens mortels du péché. Là le Verbe s’est tu, il s’est fait comme une brebis conduite à l’abattoir. Il s’est offert en sacrifice parfait, le don de soi, sur l’autel de la croix, et c’est alors que de son côté transpercé ont jailli les eaux du baptême et le sang de l’alliance nouvelle, Il a brisé les liens du pêche, et désormais, ce que nous connaissons par sa prédication, nous le recevons réellement . mystère de Pâques. Mais ici aussi, si le Verbe incarne s’en était tenu là, nous aurions pu croire que l’œuvre de salut inaugurait un nouveau paradis sur terre, nous aurions pu vivre comme si les dons de Dieu étaient faits pour faire de ce monde notre véritable demeure. C’est très exactement l’optique des disciples encore au moment où Jésus s’apprête à monter au ciel: « Est-ce maintenant que tu vas restaurer le royaume d’Israël? » (Ac 1, 6). La mission du Christ devait alors comporter un troisième aspect.

        Le Seigneur est venu en ce monde pour reconduire les hommes au Père. Le Ressuscité ouvre à nouveau les portes de la véritable patrie en entrant, lui le premier homme, au sein même de la Trinité, dans la gloire. Il manifeste ainsi l’unique finalité de la créature faite a son image aujourd’hui vraiment tout est accompli.

Et c’est alors que va pouvoir commencer la vie des chrétiens le chemin est connu, on peut a nouveau y marcher, son terme est certain. Et cette vie chrétienne aura le triple aspect de la vie du Christ:

Une vie de foi. La prédication du Christ sollicite notre « fiat », en paroles et en actes. Cette foi est réception de la prédication du Christ qui parvient à nous par le ministère des apôtres et de leurs successeurs. Mystère de la naissance baptismale et de notre confirmation pour une vie tant privée que publique.

Une vie de charité. Dès lors que le vrai bien nous a été manifeste, il se donne à nous pour être voulu toujours, de plus en plus et quoiqu’il en coûte. Le vrai bien d’une vie c’est le don de soi à Dieu, lui rendant amour pour amour. Nos refus, nos lenteurs trouvent dans le sang du Christ une inlassable réconciliation: mystère de l’Eucharistie et de la pénitence.

Une vie d’espérance. Le Christ est entré dans les cieux, non pas seul mais comme premier d’une multitude, et nous vivons déjà dans la certitude de cet achèvement total et pour cet achèvement.

        La solennité de l’Ascension nous rappelle l’unique finalité des dons de Dieu: le ciel. Nous serons les plus malheureux des hommes si nous nous installons en ce monde, si nous réduisons la vie proprement chrétienne à une morale mondaine, si nous sécularisons les dons reçus de Dieu. Nous sommes ici-bas des étrangers, nous sommes en exil, nous marchons vers la Jérusalem céleste, notre vraie et seule cité. Le spectacle de nos sociétés civiles qui centrent toutes leurs énergies sur elles-mêmes et qui veulent installer le paradis sur la terre nous montre bien la désespérance dans laquelle on sombre quand on fait de son nombril le centre et la fin de toutes ses aspirations.

Aujourd’hui, le Christ monte dans les cieux; montons-y avec lui! et que rien ne puisse nous satisfaire avant l’arrivée de ce terme.