Homélie du 10 avril 2016 - 3e dimanche de Pâques

«Mer, Maison & Jardin»

par

fr. Emmanuel Perrier

Chers amis, voici maintenant près de 2 000 ans que nous sommes abonnés à la même revue, et il faut bien avouer qu’on ne s’ennuie pas avec ce numéro de printemps, toujours le même il est vrai, mais jamais défraîchi, jamais périmé, jamais dépassé. À la rédaction de «Mer, Maison et Jardin» on sait ce qu’on fait. La revue «Mer, Maison et Jardin» n’a sorti qu’un seul numéro, mais les images sont toujours aussi vibrantes, les récits saisissants de justesse, les portraits inlassables. «Mer, Maison et Jardin», ça c’est du journal, de la Bonne Nouvelle toute fraîche, ça donne envie de chanter Alléluia. Et il y a toujours quelque chose pour vous surprendre dans le numéro annuel de «Mer, Maison et Jardin». Tenez: savez-vous d’où vient le titre? C’est saint Jean qui l’a trouvé: il a décidé de rapporter trois apparitions du Christ, une dans le jardin de la résurrection, une autre dans la maison où les disciples se terraient par peur, une troisième au bord de la mer de Tibériade. Un jardin, une maison, une mer. Et toc, le titre est venu tout seul: «Mer, Maison et Jardin». Ce numéro nous fait ainsi visiter trois lieux qui accueillent trois rencontres du Christ et sont le cadre de trois transformations.

Trois rencontres du Christ. Mais trois rencontres qui auraient pu ne rien transformer du tout: car dans un jardin qui s’attend-on à voir sinon un jardinier? Et dans une maison barricadée, on n’attend personne! Et au bord d’un rivage, qui attend le retour des pêcheurs sinon simplement un amateur de poissons? Or Jésus n’est ni jardinier, ni un intrus ni un acheteur. Quoique…

Car il y eut un certain jour où Dieu se promena comme un jardinier dans le jardin du paradis, à la recherche de l’homme, de l’homme qui se cachait car il avait honte. «Adam, où es-tu?» demandait le jardinier divin, et l’homme se carapatait dans un taillis car il avait péché. Mais dans le jardin du Golgotha, la situation s’inverse: «Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?» demande le jardinier divin à Marie-Madeleine. Dans le premier jardin, le Seigneur cherche l’homme et l’homme a peur de Dieu. Dans le second jardin, Marie cherche son Seigneur, elle le trouve, mais ne le reconnaît pas. Et on a envie de lui crier: «C’est Lui! ton jardinier, c’est Celui que tu cherches.» Mais la lumière de la foi n’a pas encore illuminé son cœur. C’est à l’appel de son nom qu’elle va croire: «Marie!» L’appel de Dieu, l’appel personnel dans le jardin engendre à la foi. Alors l’âme illuminée rencontre son Seigneur, son Jardinier divin, son Rabbouni.

Du jardin, nous passons à la maison. Tout est fermé dans cette maison. Les disciples n’ont aucune envie de sortir. Par peur. Et surtout, que personne n’essaye de rentrer! Les portes et fenêtres son barricadées. Or, voici Jésus qui se tient là devant eux. Sans effraction, sans même avoir frappé à la porte. Il se tient dans la maison comme s’il était chez lui. L’intrus n’est pas un intrus, c’est le maître de maison. Car il le leur avait dit: «Si deux ou trois se rassemblent en mon nom, je me tiens au milieu d’eux.» Se rassembler au nom du Christ, c’est entrer dans sa maison à lui. Et dans cette maison, la première chose qu’on entend, c’est: «La Paix soit avec vous!» S’ils avaient eu l’habitude d’assister à la Messe, les apôtres auraient immédiatement répondu: «Et avec ton Esprit, Seigneur.» Mais c’était un peu tôt. Le Seigneur souffle alors sur eux: «Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie, recevez l’Esprit-Saint.» Ils étaient barricadés et les voilà envoyés dans le monde entier. Ils avaient peur, mais que le Christ paraisse et les voilà tout joyeux, remplis de sa Paix et du feu de l’Esprit. Dans la maison, le Christ donne sa Paix et souffle son Esprit.

Et voici que nous quittons la maison pour la mer. Ils sont sept du groupe des apôtres, Simon-Pierre à leur tête, qui s’en vont pêcher. Ils passent la nuit à jeter les filets, et ne prennent rien. Après trois ans à suivre Jésus, Simon-Pierre a comme perdu la main. Alors les voici qui rentrent à vide vers le rivage au petit matin. Et sur le rivage il y a déjà un amateur de poisson qui les attend. Encore un client qui va être déçu! Et le client les hèle de loin: «Les enfants, avez-vous du poisson?» Apparemment dépité par la réponse négative, l’homme insiste: «Jetez les filets à droite de la barque et vous trouverez.» Cette phrase seule aurait pu leur mettre la puce à l’oreille, parce que Jésus leur avait déjà fait le coup trois ans auparavant. Mais la puce à l’oreille ne sert à rien sans l’illumination de la foi, et Dieu voulait les illuminer juste après, alors qu’ils remonteraient les filets, au moment précis de les hisser dans la barque. Ils n’y arrivent pas, il y a trop de poissons, ils vont faire chavirer la barque ou rompre les mailles. Alors la transformation s’opère dans Jean: «C’est le Seigneur!» dit-il à Pierre. Cette parole transforme à son tour Pierre, qui se jette à l’eau. Livrés à leurs propres forces, ils n’avaient rien pris; mais qu’ils obéissent au Christ et voici que les apôtres amènent jusqu’au rivage une pêche miraculeuse.

«Mer, Maison et Jardin» forme un tout. En chacun de ces lieux, nous voyons en effet comment la parole du Christ ressuscité transforme ceux qui l’écoutent au moment où le don de la foi les illumine. Dans le jardin, Marie cherche le Seigneur, mais ne le reconnaît pas jusqu’à ce qu’elle entende son nom. Elle sera alors faite l’apôtre des apôtres. Dans la maison, les disciples sont enfermés dans la peur jusqu’à la venue du Christ qui leur donne sa Paix et souffle sur eux l’Esprit. Ils deviennent alors apôtres pour le salut du monde. Sur le rivage de la mer, les sept travaillent pour rien, jusqu’à ce que, ayant obéi à Jésus, ils ramènent des filets pleins jusqu’à terre. À chaque lieu sa rencontre avec le Ressuscité, à chaque lieu une parole du Christ et l’illumination de la foi, à chaque lieu une transformation des disciples.

«Mer, Maison et Jardin», ces trois lieux sont symboliques. Ils forment une topologie de l’invisible composée de trois expériences fondamentales, de trois modèles de toute l’action invisible du Christ. «Mer, Maison et Jardin» sont les trois lieux où le Christ ressuscité renouvelle son Église depuis deux millénaires: le jardin de l’âme, le Temple que sont les assemblées réunies au nom du Christ, la barque qui s’achemine vers le rivage du Ciel, tirant les filets de l’Évangile jetés sur le monde. Car le jardin de la résurrection, c’est le jardin de l’âme où le Ressuscité appelle chacun par son nom et engendre en lui la foi. La maison de la résurrection, c’est le Temple de Dieu, l’Église, où le Ressuscité répand la Paix de Dieu et souffle son Esprit. Le rivage de la résurrection, c’est le lieu où accostera l’arche du salut ramenant vers le Ciel les justes et les saints qu’elle a pêchés sur l’ordre du Christ.

Ami, quand ta foi faiblit, rends-toi dans le jardin de ton âme à la rencontre du jardinier divin. Quand les évènements de ce monde te plongent dans la peur, l’angoisse ou l’épreuve, rends-toi dans la maison du Ressuscité où tu trouveras sa paix et le don de l’Esprit qui fait les apôtres. Et quand tu t’étonneras d’une vie stérile, d’énergie dépensée en vain, de témoignage de l’Évangile sans fruit, écoute la voix du Christ venant du rivage du Ciel et suit ses commandements. Là, dans le jardin, dans la maison, au bord de la mer, sont les trois lieux de ta rénovation spirituelle.

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