Homélie du 22 septembre 2002 - 25e DO

Mes pensées ne sont pas vos pensées

par

fr. Alain Quilici

Mes Frères,

Par la bouche du prophète Isaïe, le Seigneur vient de nous avertir clairement

mes pensées ne sont pas vos pensées, mes chemins ne sont pas vos chemins. Ils sont aussi éloignés que le ciel de la terre.

Et il en fait l’application immédiate dans cette parabole des ouvriers envoyés à la vigne qui en est comme l’illustration.

Et dès le début de la parabole, nous sommes déroutés par la logique qui n’est pas la nôtre.

Le Royaume des cieux est comparable à un maître de maison qui sort au point du jour.

Il n’est pas inutile de rappeler qu’il y a là ce qui est au cœur de la révélation biblique et évangélique. Et c’est une révélation qu’il n’est pas inutile de rappeler en ces temps de confusion des religions, cette foire aux religions qui s’étale sous nos yeux.

Dieu comparé à un maître de maison qui sort au point du jour à la recherche de monde pour sa vigne.

Cela vous rappelle sans doute cette scène imagée du début du livre de la Genèse: Dieu qui sort dans le jardin et qui cherche l’homme. Dieu qui appelle: où es-tu? et Adam qui se cache, car ses yeux sont mauvais et il ne voit plus le cœur bon de ce Dieu qui l’aime.
Cela vous rappelle aussi Jésus qui est sorti de nuit de la maison de Capharnaüm et qui déclare: «c’est pour cela que je suis sorti, pour aller à la recherche des brebis perdues!»

Nous pensions, nous, que c’était nous qui cherchons Dieu et nous trouvions que nous avions bien du mérite.

Et voilà que c’est lui qui nous cherche, nous qui étions sans emploi, désœuvré, ne sachant quoi faire, ni où aller.

Il nous appelle. Il nous relève et il donne sens à notre attente. Ses pensées ne sont pas nos pensées.

Autre surprise: ces appels à toutes les heures du jour jusqu’à la onzième heure qui n’est plus une heure très productive. C’est que pour Dieu, il n’y a pas d’heure. Il appelle à toute heure. Certains ont eu le bonheur d’être appelés dès leur enfance, d’autres il les rencontre à l’adolescence, d’autres dans leur âge adulte et d’autres à la fin de leur vie, au moment où ils se disaient, comme les ouvriers de la onzième heure dans la parabole: personne ne nous a embauchés! et où ils se décourageaient de ne jamais faire l’expérience de la rencontre de Dieu.

Autrement dit, nul ne doit jamais désespérer de l’appel de Dieu. Il peut surgir à tout moment car finalement ce n’est pas tout, nous qui sommes demandeurs de Dieu, c’est Dieu qui est demandeur de nous.

Ses pensées ne sont pas nos pensées.

Et puis, il y a cette histoire du salaire à la fin de la parabole. Nouvelle surprise.

Là où nous attendions logiquement la justice à chacun selon ses œuvres, Dieu répond par une infinie bonté. Il comble celui qui n’a rien fait. Il accorde des grâces infinies, aussi bien au récent converti qu’au fidèle le plus fidèle.

Ses pensées ne sont vraiment pas nos pensées.

Et notre tentation est forte (par fidélité à nos pensées) de murmurer, de récriminer, de faire valoir nos mérites et la peine que nous avons prise à son service. La tentation est forte de se comparer les uns aux autres. Au lieu de se réjouir d’avoir été comblés, nous jetons un œil dans l’assiette du voisin et nous crions à l’injustice. Ce à quoi le Seigneur répond:

Faut-il que ton œil soit mauvais parce que moi, je suis bon?

Nous en appelions à la justice. Il nous oppose sa miséricorde.

Vraiment, ses pensées ne sont pas nos pensées.

Mais le bouquet est dans la finale: les derniers seront les premiers et les premiers seront derniers.

C’est à n’y rien comprendre.

Les derniers de la classe seraient-ils les meilleurs à ses yeux? Belle consolation pour les fainéants, bonne à décourager ceux qui se donnent de la peine. Mais n’oublions pas: ses pensées ne sont pas nos pensées.

Le Seigneur se plaît à inverser les classements. Il affectionne ceux qui prennent la dernière place pour se mettre au service des autres. Ceux qui lavent les pieds de leurs frères. Il condamne ceux qui se poussent en avant, ceux qui se mettent en valeur et éclaboussent les autres de leur suffisance.

Les premiers aux yeux du monde sont les derniers aux yeux de Dieu, et ceux que le monde met en dernier, c’est ceux-là que le Seigneur invite à monter à la première place.

Mes pensées ne sont pas vos pensées. Mes chemins ne sont pas vos chemins.

Il nous reste à entrer dans cette logique divine, à entrer résolument dans les vues du Seigneur à moins faire confiance à notre œil qui est mauvais qu’à son cœur qui est bon. Amen.

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