Chaque année, nous sommes invités à contempler avec la fête de Noël le Mystère de la Nativité du Seigneur et nous risquons bien sûr – nous prédicateurs – de nous répéter, puisque c’est toujours le même Évangile que nous avons à méditer. C’est pourquoi je voudrais en cette sainte Nuit, m’arrêter simplement sur une expression et ne retenir qu’elle: « Ne craignez pas ». Cette phrase de l’Ange aux bergers, qui inaugure la venue du Christ dans la chair sera reprise par Jésus après sa mort quand Il apparaît Ressuscité à ses disciples: «N’ayez pas peur». Phrase devenue une véritable devise pour Jean Paul Il dans sa première allocution au peuple de Rome. Eh bien, cette exhortation me semble très actuelle au seuil de ce 3ème millénaire alors que beaucoup parmi nous traversent des inquiétudes sur l’avenir, et précisément les jeunes.
« Ne craignez pas », frères et sœurs: voilà, pour moi, cette année, l’essentiel, le cœur du message de Noël. Oui, nous n’avons rien à craindre de la naissance d’un enfant, qui est habituellement source de paix et de joie. Je connais plusieurs couples qui ont accueilli ces dernières semaines leur premier enfant: ce n’est pas rien! L’enfant, c’est la vie avec tout ce qu’elle promet de potentialités à développer; le nouveau-né, c’est l’émerveillement des parents qui l’ont en principe voulu, conçu, procréé en coopérant du plus près à l’œuvre du créateur: c’est inouï quand on y pense! En comparaison, une mort déstabilise souvent: outre la peine de la séparation et le travail du deuil, elle crée des incertitudes à différents niveaux, individuel ou collectif, matériel ou spirituel. Et quand une mort survient de manière subite et imprévisible, elle peut engendrer déséquilibre ou même chaos. C’est ce qui se produira d’ailleurs pour les disciples au soir du Vendredi Saint: dispersion, panique et désespoir. Mais nous n’en sommes pas là, c’est une autre période, pour plus tard, en Carême.
Pour l’instant, nous accueillons cet incroyable don que le Père nous fait dans la naissance de son Fils, le Verbe éternel qui entre ainsi dans notre Histoire. Et Dieu a fait cela pour nous communiquer pleinement sa vie et Il l’a fait parce qu’Il nous aime. Son initiative relève en effet de la pure, totale gratuité.
Alors oui, accueillons largement l’enfant de Bethléem, ouvrons grands nos bras au Christ Libérateur et Sauveur, pour le porter, le monter à d’autres qui ne le connaissent pas encore. En lui, frères et sœurs, point de ténèbres, car Il est la Lumière; en lui, point d’angoisse, car Il est Prince de la Paix. En lui, point de mensonge, car Il est la vérité; en lui point d’impasse, car Il est le chemin vers le Père. Noël, quelle espérance pour notre monde, car le quotidien est là pour témoigner que nous vivons dans une culture habitée par la mort. Mais ce constat ne doit pas nous décourager ou nous laisser résignés: nous avons à bâtir une Civilisation de l’Amour, comme nous le rappellent les Papes successifs depuis une trentaine d’années. A ce sujet, le message de Noël nous invite à choisir avec un cœur renouvelé les chemins de la vie, dans le discernement de l’Esprit Saint.
Et je voudrais m’adresser spécialement aux jeunes. N’ayez pas peur de l’avenir: Il n’y a pas de sot métier et je ne pense pas ici qu’aux petits boulots. L’important est de garder sa dignité d’être humain, créé à l’image de Dieu. N’ayez pas peur des tâtonnements possibles et même de vos échecs scolaires, sentimentaux, professionnels ou de vos doutes. Car si nous avons à passer par une succession de petites morts pour grandir, si nous avons des croix à porter, c’est toujours dans la perspective de vivre de nouvelles naissances. N’ayez pas peur de vous engager dans la voie du mariage, du sacerdoce, de la vie religieuse ou d’assumer paisiblement le célibat. En bref, quoi que vous fassiez ou décidiez, sachez que seuls le don de soi, le service des autres procurent un authentique épanouissement personnel; seule une vie vécue pour les autres vaut la peine d’être vécue. C’est ce que le Christ a expérimenté tout au long de son existence terrestre, de sa naissance àBethléem à sa mort sur la Croix. A nous de le suivre et de l’imiter selon nos talents et nos aspirations, c’est le meilleur moyen d’accueillir sa présence active au milieu de nous, ce soir.
A tous, je le redis « Ne craignez pas, aujourd’hui Dieu se fait petit enfant ». Et on l’appellera Prince de la Paix.
Amen.