Homélie du 28 novembre 2004 - 1er DA

Nous attendons le déluge!

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S’il est vrai que l’Avent doit nous préparer à Noël, il faut reconnaître que ce premier Évangile de l’Avent s’y prend de bien étrange façon.

D’abord parce qu’en ce début de la nouvelle année liturgique, l’Évangile se borne à reprendre le mot d’ordre de l’année qui vient de finir: veillez parce que vous ne savez pas quand il viendra.

Mais il y a plus gênant encore: il nous présente la venue du Sauveur sous une forme particulièrement menaçante: déluge, enlèvement, cambriolage. Que de violence! Le Noël de cette année ne s’annonce pas sous un jour très engageant.

«En ces jours-là on mangeait et on buvait» dit l’Évangile pour stigmatiser l’inconscience des fêtes joyeuses précédant le déluge. Serait-ce pour nous dissuader de préparer le réveillon? «L’un sera pris, l’autre laissé»: voilà qui n’annonce ni la douce nuit ni la trêve des confiseurs. Et si le cambrioleur vient tout dérober, avec quoi allons-nous acheter les cadeaux de fin d’année?

Vous me direz sans doute: mais l’Évangile ne nous parle pas tant de Noël, premier avènement du Sauveur dans notre chair, que du second: celui de son retour à la fin des temps, lors du jugement dernier. Il n’empêche: comme toujours l’Avent associe délibérément les deux: en nous préparant à faire mémoire du premier avènement, le temps liturgique entend bien nous préparer au second.

Mieux: si le retour du Christ glorieux n’intervient pas d’ici la fin de l’Avent – mais après tout, nous n’en savons rien! – pour chacun de nous du moins, le jour de Noël marquera comme un premier acompte du retour du Seigneur, comme une Parousie en miniature.

Car les grandes solennités liturgiques sont un peu comme les sacrements: pour le cœur bien disposé, elles accomplissent ce qu’elles signifient, elle réalisent ce qu’elles célèbrent. Si nous l’attendons vraiment, le jour de Noël opèrera un retour en force du Christ en notre vie.

Bref qu’il s’agisse de la grande parousie où de la petite, un même état d’esprit est requis: celui de la veille, de l’attente, des préparatifs.

Et comment s’y préparer?

D’abord en nous souciant de construire l’arche, c’est-à-dire quelque chose qui, lorsque tout sera recouvert par les eaux, ne sera pas submergé, mais pourra surnager. A partir de quoi la construire? Avec les matériaux les plus nobles qui soient dans notre cœur: notre foi dans le Christ, notre désir de le voir un jour, notre attachement viscéral à sa personne et à sa Parole. C’est cela qui peut faire de notre cœur cet insubmersible capable de surnager lorsque tout sera englouti, et même d’y voguer allègrement.

Est-ce que cela suppose que l’on mène une vie à part de celle des autres hommes?

«Deux hommes seront aux champs: l’un est pris, l’autre laissé». Rien ne semble les distinguer. Cela semble le comble de l’arbitraire! Si tous font exactement la même chose, pourquoi l’un sera sauvé et l’autre emporté dans le flot du déluge? Mais s’ils font les mêmes gestes, en vérité, ils ne font pas la même chose: en travaillant comme l’autre, l’un construit son arche et l’autre pas, l’un travaille pour l’éternité, et l’autre pas.

Car dans l’affaire, la grande question est la suivante: pour quoi, et surtout pour qui travaillons-nous? Pour quoi et pour qui faisons-nous ce que nous faisons? C’est la grande question qui décide de tout.

Alors qu’est-ce que nous attendons pour Noël? L’irruption massive du Christ en notre cœur, bien sûr. Mais attendons aussi le déluge, les anges exterminateurs sans oublier le cambrioleur, autant d’alliés inattendus qui devraient nous aider à bien le recevoir. Alors faisons leur bon accueil.

Nous attendons le cambrioleur. Dès qu’il paraîtra, saluons d’un chaleureux: «Bonjour monsieur le cambrioleur. Comme vous le voyez, l’arche de mon cœur est encombrée de tout un tas de meubles inutiles. Vous savez ce que c’est: dans la vie on accumule, on accumule: les soucis, les projets, les vieilles affaires du passé dont on n’a pas la force de se séparer tant on s’y attache. Il y en a tant que c’est à se demander si Jésus et ses parents pourront parvenir à s’y faire un peu de place. Débarrassez-moi de tout cela, s’il vous plaît. Et tant que vous y êtes, prenez aussi la clef et la combinaison de mon coffre-fort.»

Nous attendons les anges exterminateurs: «Bienvenus Messieurs les anges: vous arrivez à point nommé. Il y a dans mon cœur une sorte du roi Hérode particulièrement jaloux de l’enfant et qui conspire contre lui. Alors soyez gentil: massacrez-le impitoyablement, massacrez-le avant qu’il ne massacre l’enfant. Il y a aussi, je vous le signale – je suis un peu délateur, je le reconnais – il y a aussi des scribes et des grands prêtres qui distillent le doute dans mon esprit : donnez leur une bonne correction».

Mais ce que nous attendons surtout, c’est le déluge, ce grand désir de Dieu qui doit tout emporter. C’est lui, ce grand désir du Christ, qui doit noyer les désirs qui ne valent rien, réorienter ceux qui peuvent l’être, et finalement entraîner dans son puissant courant l’arche de notre cœur vers le Seigneur qui vient.

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