Homélie du 9 janvier 2000 - Baptême du Christ

« Par le baptême de sa croix, nous recevons la vie »

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Mes frères, en ces premiers jours de l’année, la France se remet doucement des caprices de «Dame nature». Pluie en novembre, cyclone en décembre, perplexité en janvier. Vies humaines perdues, forêts dévastées, monuments abîmés, oui, nous sommes dans un véritable «état de catastrophe» comme titrait un grand quotidien du soir. La radio voilà tout ce qui restait comme lien, ténu et irremplaçable, avec le village planétaire, pour dire au sinistré électrique qu’il y a toujours plus malheureux que lui. Et tout cela quelques heures après Noël, après que nous soyons entrés dans cette fameuse Année sainte. Mais qu’est-ce que c’est, frères et sœurs, que cette année de grâce, de rédemption et de jubilation qui commence si mal? Tout cela a-t-il vraiment un sens? Tout cela ne réveille-t-il pas le scepticisme et le doute autour de nous et en nous? Nous n’avons comme lumière sur ces malheurs humains et matériels que la Parole de Dieu, comme celle qui nous vient en ce jour où nous célébrons le baptême du Christ: «Prêtez l’oreille! Venez à moi! Écoutez et vous vivrez» (Is 55, I-11).

Au lendemain de Nativité, Bethléem, toute ensanglantée, pleure ses fils. Et Dieu ouvre une source à d’innombrables fils. «À cette époque Jésus vint de Nazareth de Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain». Le baptême de Jésus, au cas où nous n’aurions pas bien compris ce qu’est l’Incarnation, c’est l’ultime signe qui nous en est donné. Ce que Noël avait commencé de mettre au jour, la théophanie du Jourdain continue de le réaliser: en ce jour nous apprenons qui est l’Enfant de la crèche dans son identité la plus radicale: le Fils bien-aimé du Père. Le baptême est l’inauguration du ministère de Jésus: Il vient régénérer le monde et vaincre le mal, rétablir l’homme dans sa dignité et lui rendre sa liberté. Le commencement d’une vie qui va se dérouler entre deux baptêmes: le baptême du Jourdain et le baptême de la croix. Saint Jean nous le rappelle dans sa première épître: «Jésus-Christ est venu par l’eau et le sang; pas seulement l’eau mais l’eau et le sang» (1 Jn 5, 1-9). Le Christ ne va pas au baptême comme au petit bain, comme ces touristes, et nous en fûmes, qui font la planche sur la Mer Morte en lisant le journal. Le Christ va au baptême comme on va à la mort: il se soumet au rite de purification et de pénitence pour laver l’iniquité de l’homme et lui permettre de redevenir Dieu, afin qu’il en soit comme au commencement quand il dit: «Vous êtes des dieux». Il entre dans le Jourdain pour signifier qu’il vient régénérer la chair par l’eau; il prend place dans la nature pour l’exorciser de ces démons et la rendre spirituelle; il descend dans le fleuve comme dans le tombeau où il trouve, une première fois l’humain, ce mélange d’angélisme et de bestialité. Et quand il remonte du fleuve, c’est toute l’humanité qu’il soulève pour l’élever au Père. Il n’est donc pas question de ne retenir que l’événement glorieux du baptême et d’oublier qu’il porte déjà le sacrifice de la croix. Ils sont trois à rendre ce témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang. Et l’Esprit, présent au baptême sera aussi présent à la croix pour manifester, par la bouche du centurion, que celui-ci était «le Fils». La théophanie du Jourdain est bien cette révélation au sujet du Christ qui est descendu au plus profond de nos ténèbres. «La mission rédemptrice du Messie l’immerge dans le monde dont il porte les contradictions» (J.-M. Lustiger). «La victoire remportée par Jésus sur le monde s’est réalisée dans un amour radical du monde»(W. Kasper).

Mais elle est aussi cette révélation au sujet de l’homme et nous savons que le serviteur n’est pas plus grand que le maître, et que le Christ et l’homme «c’est tout un», comme dirait Jeanne d’Arc. Nous comprenons que pour nous aussi, le baptême est l’inauguration de la vie véritable, le porche du Royaume, le sacrement de l’initiation chrétienne par lequel nous comprenons mieux le sens de notre destinée: en même temps descente dans la mort et remontée vers la lumière, morts avec le Christ, ressuscités avec lui telle est la destinée du chrétien, car il nous fait vivre de sa vie. L’ eau dans laquelle nous sommes baptisés est beaucoup plus que de l’eau: elle est la vie entière du Christ. Vous tous qui avez été baptisés en Christ vous avez revêtu le Christ: il ne sert à rien de le chanter à tue-tête si nous ne sommes pas prêts à le vivre. Et le vivre, comme un saint Paul l’a vécu, c’est être conformés au Christ dans le mystère de sa mort, pour avoir part à sa résurrection. C’est ainsi que le baptême, par lequel nous sommes renés de l’eau et de l’esprit pour une vie nouvelle, nous apporte toute victoire sur le mal, sur la mort, sur le monde. «Qui donc est vainqueur du monde? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu?» «Tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde». Frères et sœurs, si les souffrances et les détresses humaines ont un sens, ce ne peut être que celui-ci: partager avec Dieu, dans une communion d’amour, ce qu’il a voulu partager avec nous.

 

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