Homélie du 16 janvier 2017 - 2e Dimanche du T.O.

Le premier témoin du Christ

par

fr. Emmanuel Perrier

Saint Jean serait-il distrait ? On a tous des moments d’absence, chers frères et sœurs, mais là c’est un peu gros. Imaginez que dans un instant on passe directement de l’homélie… à la communion. Alors là, même les plus mal réveillés, même ceux que ma voix aurait conduits vers une douillette somnolence, tout le monde se jetterait sur notre curé pour se plaindre de l’oubli de la prière eucharistique. On écrirait des lettres scandalisées au prieur et à l’évêque, on monterait des groupes de vigilance eucharistique, on taguerait « touche pas à la Messe » sur la porte de l’église. Bref, ce serait le drame.

Eh bien, il y aurait de quoi se soulever avec encore plus de véhémence à l’écoute de l’évangile de ce jour. Car, enfin, saint Jean a tout simplement oublié le baptême de Jésus ! Il nous rapporte ce qui se passe avant, ce qui se passe après, et rien entre les deux ! Il nous rapporte ce que Jean-Baptiste dit lorsqu’il voit arriver à lui Jésus, puis ce que Jean-Baptiste dit lorsque Jésus est sorti de l’eau, et rien entre les deux. C’est proprement incroyable un tel oubli.
Comparons, par exemple, avec saint Marc  :

Et il advint qu’en ces jours-là Jésus vint de Nazareth de Galilée, et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean. Et aussitôt, remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre vers lui, et une voix vint des cieux  : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur ».

Avec saint Marc, on est dans l’action, on voit ce qui se passe, on n’a pas l’impression d’avoir manqué quelque chose. Mais alors, que penser de l’oubli de saint Jean ? D’où ma question  : saint Jean serait-il distrait ? À moins que…
À moins que l’évangéliste l’ait fait exprès. On peut en donner plusieurs explications, mais je voudrais m’arrêter sur celle qui me paraît la plus importante. L’évangéliste Jean nous fait connaître le baptême, du point de vue de Jean-Baptiste. Représentons-nous la scène  : nous sommes au bord du Jourdain, avec une foule de juifs venant d’être baptisés, et nous nous mettons à la place de Jean-Baptiste. Il voit Jésus venir vers lui, il lève le doigt et dit  : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde… »
Alors Jean-Baptiste descend avec Jésus dans les eaux du fleuve, il le baptise, et en remontant il dit  : « J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel et demeurer sur lui. » Jean-Baptiste ajoute  :

Or celui qui m’a envoyé baptiser m’avait dit  : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit-Saint ».

C’est exactement ce que je viens de voir, et c’est pourquoi je peux en témoigner  : ce Jésus — en pointant du doigt — est le Fils de Dieu.
Dès lors que l’on se met à la place de Jean-Baptiste, on comprend le silence de l’Évangile sur ce qui se passe. Car pour Jean-Baptiste, ce n’est pas de baptiser qui compte, c’est que ce soit Jésus qui est baptisé. Jean-Baptiste concentre nos regards, non sur l’action, mais sur le sujet de l’action  : le Christ. Il n’a pas à dire qu’il descend dans l’eau et baptise Jésus, il n’a rien à expliquer de ce qui se fait puisque c’est lui qui le fait. En revanche, il parle deux fois  : avant de baptiser, et après le baptême. Et à chaque fois il pointe du doigt Jésus. Ce sont ces deux paroles que l’Évangile nous transmet.
Avant le baptême, il pointe du doigt celui qui vient vers lui, et il l’appelle « l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ». Rappelons-nous que cette parole est adressée à une foule qui vient de se faire baptiser en vue de la rémission des péchés. Tous ceux qui sont présents sont des pécheurs qui attendent la rémission. Et cet homme-là que Jean-Baptiste leur désigne est celui qui vient pour les en délivrer. Eux sont pécheurs, Jésus est sans péché. Eux attendent la rémission, Jésus est venu la leur apporter. Et c’est pourquoi l’annonce de Jean-Baptiste est si importante avant le baptême  : Jésus n’est pas baptisé pour être purifié, mais pour purifier les eaux du baptême.
La seconde parole prend alors tout son sens. Juste après le baptême, Jean-Baptiste a vu l’Esprit-Saint descendre et demeurer sur le Christ. Et il nous révèle son secret  : celui qui l’a envoyé baptiser lui avait annoncé tout ce qu’il vient de voir. C’est alors qu’il dit  : « J’ai vu et je témoigne que celui-ci est le Fils de Dieu. » Celui qui a l’Esprit de Dieu et qui le donne ne peut être que Dieu.

Frères et sœurs, nous avons besoin de revenir fréquemment au Jourdain. Nous avons besoin de nous tenir à côté de Jean-Baptiste au baptême. Nous avons besoin d’être là quand il prononce ces paroles. Elles doivent habiter nos journées. Jean-Baptiste est le premier témoin du Christ, il est le premier dans l’histoire de l’humanité à avoir manifesté l’Agneau de Dieu et le Fils de Dieu, à nous avoir placé devant le mystère du Christ pour susciter notre foi. À chaque fois que tu confesses en ton cœur que Jésus est l’Agneau et le Fils de Dieu, tu retournes à la flamme de ton baptême, une flamme toute droite, toute chaude, toute pure, celle que l’Esprit-Saint vient juste d’allumer dans le nouveau baptisé. À chaque fois que tu confesses l’Agneau qui a porté ton péché et le Fils de Dieu, tu recueilles les paroles de ta foi sur les lèvres de Jean-Baptiste, directement. Ta foi au Christ, elle s’appuie sur ce premier témoignage rendu par Jean-Baptiste.
Et cette foi que tu confesses dans ton cœur, elle est faite pour jaillir sur tes lèvres. Tu as entendu le premier témoin du Christ  : à toi d’être maintenant un témoin. Il est bien difficile d’être chrétien aujourd’hui. On se demande souvent ce qu’il faut dire, ce qu’il faut faire. Jean-Baptiste nous fait retrouver la vérité du témoignage, lever le doigt vers Jésus et annoncer  : « C’est lui l’Agneau de Dieu qui a porté mon péché et le péché du monde, c’est lui le Fils de Dieu qui baptise dans l’Esprit-Saint. » Et l’Esprit-Saint fera le reste dans le cœur de celui qui t’écoute, comme il l’a fait pour toi et pour tous ceux qui t’ont précédé depuis deux mille ans. Comme il l’a fait pour Jean-Baptiste, le premier témoin.

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