Homélie du 21 août 2022 - 21e Dimanche du T. O.

Porte étroite ?

par

fr. Jean-Michel Maldamé

Jésus demande aux gens de son pays « de lutter pour entrer par la porte étroite ». L’image de la « porte étroite » semble contraire à l’exigence de générosité et d’amour qui est le cœur de la foi chrétienne. Le salut serait-il réservé à quelques-uns ? Non ! En effet, sitôt après cette réponse, Jésus annonce une entrée en masse venue de tous les horizons, du monde entier ! Paradoxe ? Non, mais bonne nouvelle ! Provocation ? Non, mais révélation !

Pour recevoir cette révélation, il faut situer le propos dans son contexte. Jésus achève sa prédication en Galilée ; il prend le chemin qui le conduira à Jérusalem. C’est à ce moment qu’il est interrogé sur le salut du monde par un des Galiléens qui monte avec lui à la ville sainte et qui, non sans raisons, doute de cette mission. Jésus lui répond par une affirmation péremptoire : l’entrée dans le Royaume de Dieu se fait par une porte étroite. L’image est habituellement source de contresens. En effet, dans le langage commun une « porte étroite » est un filtre ; elle sélectionne une minorité de privilégiés ; c’est le contraire du portail grand ouvert à tous. Pour comprendre l’image, il faut être attentif à ce qui advient au passage de la porte. À la différence d’un vaste portail, une porte étroite est un passage pour une personne et une seule. Entendons donc : l’entrée dans le Royaume de Dieu est une démarche personnelle, vécue en son âme et conscience. Nul n’en est dispensé, car un engagement personnel est nécessaire pour entrer dans le Royaume de Dieu. Pourquoi cette parole tranchante ? La suite du dialogue le montre.

Les interlocuteurs de Jésus pensent qu’ils sont déjà entrés dans le Royaume de Dieu, parce qu’ils étaient avec lui sur la place où Jésus passait, dans la synagogue, sur les bords du lac où il prêchait, mangeant le pain multiplié dans le désert, connaissant la personne guérie par lui… Tout cela est bel et bon, mais cela ne les dispense pas d’une démarche personnelle. En parlant de la porte étroite pour dire l’exigence d’une démarche personnelle, Jésus relativise les moments de ferveur collective vécus quand les Galiléens se rassemblaient en foule sur la place, sur la rive du lac quand il prêchait juché sur un bateau, ou encore dans une synagogue, dans une maison débordée par le nombre d’hôtes ou autre lieu public… L’image de la porte étroite casse ces facilités : la foi suppose une conversion personnelle et une démarche intériorisée du cœur et de l’esprit. Cette exigence ouvre sur un horizon immense, car tout humain est vraiment humain quand il agit selon sa conscience et vit en relation personnelle avec Dieu — ce qui s’appelle la foi. Pour cette raison, quand Jésus met au premier plan la conscience personnelle, il ouvre le salut à toute l’humanité.

En mettant au premier plan la foi qui est relation personnelle avec Dieu et en soulignant l’importance de la responsabilité personnelle, Jésus accueille toute l’humanité. Par la prise de distance avec les pratiques de la Galilée, Jésus ouvre le salut à tous, « du levant au couchant, du nord au midi ». Tel est le projet de Jésus. Telle est la raison de son départ loin de son village, de sa région, du cercle de ses proches… Il va dans la ville sainte pour que son action s’adresse au monde entier. L’image de la porte étroite n’est pas une restriction, mais un élargissement de l’horizon du salut.

La parole de Jésus sur la porte étroite répond à la question : « Seigneur est-ce le petit nombre qui sera sauvé ? » C’est notre question, car aujourd’hui notre Église est dans l’épreuve. Beaucoup parmi nous souffrent et peinent dans la patience des jours. Beaucoup perdent confiance et se taisent. D’autres sont blessés et quittent notre assemblée. Il y a des crispations et des surenchères ; il y a des démissions et des ruptures. Il y a des deuils secrets et douloureux. Sur le fond de ce souci, la parole de Jésus nous rappelle que ce qui est premier se joue à l’intime de notre cœur : le lieu source où s’unifie notre vie. C’est dans la prière personnelle, toujours reprise, sans cesse intériorisée que s’ouvre la porte du salut. La porte étroite dont parle Jésus n’est pas un filtre élitiste ; elle est une exigence de vérité au plus profond de notre être, corps et âme, cœur et raison.

De ce passage, Luc nous donne l’accomplissement dans les dernières pages de son évangile : les pèlerins d’Emmaüs. Deux disciples dont le cœur brûlait écoutaient Jésus leur parler des Écritures avant de se faire reconnaître à la fraction du pain. L’anonyme nous représente. Une lumière est là, sur la route, comme un rayon de soleil par une porte entrouverte.

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