Homélie du 14 mai 2023 - 6e Dimanche de Pâques

Quand Dieu se donne. Un autre Paraclet

par

fr. Jean-Michel Maldamé

Au cours du dernier repas, Jésus annonce à ses disciples : « Le Père vous donnera un autre Paraclet. » Jésus emploie le verbe « donner » au futur ; il s’agit en effet d’une promesse qui se réalisera à sa résurrection. Que donnera-t-il ? Ce n’est pas quelque chose, mais quelqu’un au nom mystérieux de « Paraclet » — transcription du terme grec traduisant un mot hébreu — dont il importe de bien comprendre le sens, car il s’agit de Dieu qui se donne et de notre bonheur. Notons que Jésus se l’attribue à lui-même puisqu’il précise que ce qui sera donné par le Père est « un autre Paraclet ». Que signifie ce mot traduit souvent par « Défenseur », mais aussi par « Consolateur » ?

Le mot « paraclet » relève de la pratique judiciaire de la Bible (fort différente de la nôtre). Dans ces temps, lors d’un procès au tribunal, celui qui venait prendre la défense d’un accusé s’en faisait solidaire. Solidaire, c’est-à-dire qu’il partageait sa joie s’il était acquitté, mais aussi sa peine s’il était condamné — puisqu’en prenant son parti, il s’en était fait complice. Dans ce contexte pénal, être « défenseur », être le « paraclet » d’un autre, ce n’est pas jouer le rôle d’un avocat comme dans notre Droit, c’est être solidaire et assumer avec celui qui est devant le tribunal le meilleur comme le pire (jusqu’à être condamné à mort, comme on le voit dans l’histoire du prophète Daniel). Ainsi Jésus fut un Paraclet pour les siens. Au sens strict du terme, car Jésus a donné sa vie pour eux. Le récit de la Passion le montre ; lors de son arrestation, Jésus s’est avancé vers les gardes ; ce faisant il a permis aux disciples de s’échapper. C’est ainsi qu’il leur sauva la vie. Jésus a fait bien plus : le mystère pascal que nous célébrons montre qu’il a donné sa vie pour que vivent de vie éternelle non seulement ses disciples, mais toute l’humanité : Jésus a donné sa vie pour que meure la mort et que triomphe la vie reçue de Dieu.

Lors du dernier repas, en quittant ses disciples, Jésus leur promet « un autre Paraclet ». La promesse n’est pas réservée à ses amis présents ce soir avec eux. Elle est pour nous. Nous avons besoin d’un Défenseur. Il y a la guerre à notre porte en Europe, mais aussi dans le vaste monde. Ce n’est pas sans lien avec l’implacable compétition économique et financière. Chacun puise à la source amère de la méchanceté, de la peur de l’autre, de la jalousie, du mépris ou de la colère. Tout cela nourrit la haine — c’est le contraire de ce que Jésus demande : l’amour. Ainsi, la bonne nouvelle est que Dieu se donne à nous, comme notre Défenseur dans le combat présent. Tel est l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité, l’Esprit de force et de générosité.

Le mot « paraclet » ne se traduit pas seulement par « défenseur ». Il est traduit par « consolateur ». En effet, lorsque quelqu’un est devant ses accusateurs et ses juges, l’autre personne qui vient à ses côtés pour le soutenir, l’encourager et le conseiller, joue le rôle d’un consolateur. L’ami ou le proche qui vient aux côtés de celui qui est menacé lui permet de vivre l’épreuve, de retrouver le courage de vivre, la force d’espérer, la paix du cœur et ainsi de retrouver sa dignité d’enfant de Dieu. Ainsi un paraclet est-il un consolateur. Ainsi l’Esprit Saint ! Il est notre consolateur ; Paraclet, sa présence donne force et goût de vivre.
Notre consolation n’est pas seulement un câlin pour enfant ou une délicatesse d’amoureux, c’est une présence, celle de l’Esprit Saint que Jésus appelle « le Paraclet » (Jn 14, 16 ; 15, 26-27 ; 16, 7-11). La source de toute consolation est sa présence. Nous en savons le prix : c’est au-delà de la parole commune, au-delà de ce qui est offert aimablement en cadeau, car l’être même de Dieu se donne à nous. Ce n’est pas de l’ordre de la morale, des droits et des devoirs, mais la générosité d’un amour totalement donné. Dieu se donne à nous d’un don qui surpasse toute générosité. Il est pure présence.
Présence de lumière et de vérité. Présence de force et de douceur. Présence d’élan et de repos. Présence d’avenir et d’accomplissement. Présence de l’amour qui est Dieu lui-même. Présence de silence et de paix.