Homélie du 18 juillet 2010 - 16e DO

Quand Dieu s’invite chez les siens sans prévenir…

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L’été est déjà bien avancé, frères et sœurs. Oui, le temps passe vite. Pour moi, c’est le temps de faire mes valises pour rentrer en Haïti, après six belles années d’études et d’apprentissage de la vie religieuse dominicaine. Pour vous, c’est le temps de faire une pause dans vos activités ordinaires pour profiter un peu des vacances; c’est le moment de partir à la découverte d’autres cultures, d’autres pays, d’autres villes. C’est aussi le moment d’accueillir chez soi des amis, des proches, des parents. On prend le temps de bien préparer pour que tout se passe au mieux. Les Français ont la réputation d’être des gens organisés qui n’aiment pas trop l’improvisation. Mais il arrive que certaines situations nous obligent à improviser. C’est le cas par exemple quand un ami débarque chez nous sans prévenir. On est partagé entre la joie de voir cet ami et la gêne que procure sa présence inattendue. On est tenté de lui refuser l’accueil; mais peut-on refuser l’hospitalité à un ami sous prétexte qu’il n’était pas attendu?

Si l’on pouvait demander à Abraham, vous devinez sa réponse? Abraham ne tergiverse pas, il ne s’embarrasse pas de questions qui l’arrêteraient; mais il agit dans la spontanéité et la libéralité. Il accueille chez lui, au pied levé, les trois mystérieux personnages débarqués à l’improviste. Quand j’étais au noviciat, le père-maître nous apprenait un très vieux chant avec des paroles qui vous feront sourire peut-être: «ne ferme pas ta porte à l’étranger, tu risques de la fermer sur l’ange du Seigneur.» Sous la figure de ces personnages mystérieux, Abraham discerne la présence de Dieu. Alors il ouvre son cœur et sa maison. Alors son sens de l’hospitalité est bien récompensé. C’est l’occasion d’apprendre une merveilleuse nouvelle: «je reviendrai chez toi dans un an, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils.» Sara a du mal à le croire, parce que humainement et biologiquement parlant cela semble impossible. Mais pour Dieu rien n’est impossible. La rencontre avec Dieu est toujours féconde. Pensons à la Vierge Marie: Elle accueille l’Ange et c’est le Verbe qui prend chair dans ses entrailles. De jeune fille de Nazareth, elle devient la Mère de Dieu. La transformation de notre vie découle incontestablement de l’ouverture à Dieu et à sa parole.

«Voici, je me tiens à la porte et je frappe, dit le Seigneur dans l’Apocalypse; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi.» Marthe devait avoir cela en tête quand elle recevait Jésus dans sa maison. Elle s’active pour préparer quelque chose de goûteux pour cet invité de marque. Elle mesure la chance de se retrouver si proche du Seigneur pour prendre soin de lui. Mais sa joie empressée lui fait oublier de consacrer du temps au Seigneur, comme Jésus le lui reproche affectueusement: «Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part.» Le Seigneur aime la mesure: il fait comprendre que l’hyperactivité n’est pas synonyme d’hospitalité. Il ne lui dit pas qu’elle fait mal, mais qu’elle pourrait mieux faire, à l’instar de sa sœur Marie qui est davantage disciple.

Ce qui importe d’abord au disciple, ce n’est pas de faire des choses pour le Christ mais d’être avec lui. Je me souviens de la réponse d’un père Abbé à un journaliste qui voulait savoir ce que font les moines dans le monastère. Alors qu’il attendait une liste de diverses activités, l’Abbé répondit que toute l’activité du moine consiste à être avec le Seigneur.

Contentons-nous donc d’être là avec Dieu pour nous instruire de sa parole et nous nourrir de sa vie. Le monde actuel nous pousse à croire que notre valeur dépend des choses que l’on fait, de nos activités seules… Si cela était vrai, alors l’attitude de Marie serait totalement passive, contreproductive, inutile. Pourtant, c’est elle qui a choisi la meilleure part, dit Jésus. Elle semble ne rien faire et pourtant elle fait plus que tout ce que l’on pourrait souhaiter. Car elle aussi a une activité, mais son activité consiste à se laisser faire par le Seigneur qu’elle écoute avec passion et amour. Elle profite le plus possible de la présence de son Jésus.

Dans notre vie spirituelle, savons-nous profiter vraiment de la présence du Seigneur à travers les moments privilégiés qu’il nous offre: l’Eucharistie, l’adoration du Saint-Sacrement, la prière? Est-ce que nous nous laissons façonner par sa présence?

Frères et sœurs, si Dieu s’invite chez nous sans prévenir et nous surprend parfois, c’est parce qu’il se considère comme faisant partie de notre famille. Il est notre Père. Demandons-lui de nous apprendre à l’accueillir à tout instant, à tout moment et en tout lieu.

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