Homélie du 24 juin 2020 - Nativité de Jean Baptiste

« Que sera donc cet enfant ? »

par

fr. Ludvik Grundman

Frères et sœurs, probablement aucun d’entre nous ne se souvient du moment de sa naissance. L’Évangile d’aujourd’hui peut nous donner une idée de comment cela se passe d’une manière générale. Certes, pour Jean-Baptiste, la situation est un peu spéciale : c’est un enfant unique, né d’une manière miraculeuse contre tout espoir. Nous pourrions facilement être impressionnés, sans oser nous comparer à ce géant que fut saint Jean Baptiste. Et pourtant, écoutons ce que dit notre Seigneur lui-même : « En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui » (Mt 11, 11).

Or, frères et sœurs, la bonté divine nous a, d’une certaine manière, gratifiés encore davantage que le Précurseur du Seigneur ! Car, notre baptême nous fait déjà entrer, sur cette terre, dans le Royaume des Cieux ! « Dieu nous a arrachés au pouvoir des ténèbres ; il nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Col 1, 13), chante saint Paul.

Et saint Léon le Grand enchaîne et s’écrie : « Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu appartiens et de quel Corps tu es membre » (CEC, n° 1691).

Jean avait beau d’être le Baptiste, nous avons le privilège d’être baptisés.
Jean baptisait avec de l’eau, nous, nous avons reçu un baptême dans l’Esprit Saint (Lc 3, 16).
Jean était né de parents très saints, nous, par le baptême, nous sommes nés de Dieu (Jn 1, 13).
Frères et sœurs, réalisons-nous vraiment quelle grâce nous a été faite par notre baptême ?
Une grâce pour laquelle nous devons rendre grâce comme dit saint Paul : « Rendons grâce à Dieu le Père, qui nous appelle à partager l’héritage des saints dans la lumière ! » (Col 1, 12).
Le pape François a bien raison de nous exhorter à commémorer chaque année l’anniversaire de notre baptême. Commémorons-le, et soyons-en reconnaissant !

Le baptême, chaque baptême, c’est aussi une grâce immense pour toute l’Église.
L’Évangile nous dit combien les parents et les voisins se réjouissaient de la naissance de Jean Baptiste ; eh bien, pour chaque baptême, c’est l’Église entière qui se réjouit.
Et c’est aussi un appel pour nous tous : chaque enfant, chaque enfant de Dieu doit être reçu dans et par l’Église, c’est-à-dire par nous-mêmes avec autant de joie que Jean-Baptiste ! « La crainte s’empara de tous leurs voisins, et dans la montagne de Judée tout entière on racontait toutes ces choses » (Lc 1, 65). Frères et sœurs, voici un excellent sujet de conversation, voire d’évangélisation : lorsque les voisins nous demandent de nos nouvelles, quoi de mieux à partager avec eux que notre joie des sacrements que le Seigneur nous donne : les baptêmes, les premières communions, les mariages…

En même temps, le baptême n’est qu’un commencement. Nous sommes devenus enfants de Dieu, mais ce n’est qu’un début. Pour chacun de nous se pose donc la même question que pour Jean Baptiste : « Que sera donc cet enfant ? »
Cette question mérite d’être posée et même reposée, tout au long de notre vie, quel que soit notre âge. Même Jean l’évangéliste nous y exhorte, lorsqu’il dit : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » (1 Jn 3, 2).
C’est Zacharie, le père de l’enfant, qui répond à cette question. Voici ce qu’il dit dans l’hymne du Benedictus, que l’Église prie chaque jour aux Laudes : « Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut » (Lc 1, 76).

Saint Jean Baptiste est un prophète et fils d’un prêtre, mais chacun de nous, par son baptême, devient non seulement prophète et prêtre mais aussi roi ! Voyons ce qu’en dit toujours saint Léon le Grand : « De tous les régénérés dans le Christ le signe de la croix fait des rois, l’onction du Saint-Esprit les consacre comme prêtres, afin que […] tous les chrétiens spirituels et usant de leur raison se reconnaissent membres de cette race royale et participants de la fonction sacerdotale. Qu’y a-t-il, en effet, d’aussi royal pour une âme que de gouverner son corps dans la soumission à Dieu ? Et qu’y a-t-il d’aussi sacerdotal que de vouer au Seigneur une conscience pure et d’offrir sur l’autel de son cœur les victimes sans taches de la piété ? » (CEC, n° 786).
Saint Jean-Baptiste a pu prêcher la pénitence et le jugement de Dieu. Nous, nous pouvons proclamer que le Christ est mort et ressuscité pour nous. L’évangéliste Luc conclut : « Cependant l’enfant grandissait, et son esprit se fortifiait » (Lc 1, 80).

Frères et sœurs, nous sommes tous des enfants de Dieu et Jésus nous dit de nous comporter en petit enfant (cf. Lc 18, 16-17). Or, les enfants, surtout les plus petits, grandissent très vite.
Alors, grandissons, grandissons frères et sœurs, dans la sainteté, comme saint Jean Baptiste.