Résurrections, revivifications ?


Dérogation ! En semaine pascale, nous lisons l’évangile de saint Jean de manière continue jusqu’à la Pentecôte ; et voilà qu’un saint perturbe la lecture ! Heureusement, c’est un évangile des apparitions du Ressuscité que l’on nous donne à la place. Une occasion de nous souvenir que nous demeurons dans le temps pascal !
Mais pourquoi ce texte ? C’est que saint Vincent Ferrier a obtenu beaucoup de miracles, des milliers, 3 000 disait le légat a latere Christi (du côté du Christ) ; et parmi ceux-ci des résurrections d’entre les morts. Saint Antonin de Florence, un autre frère de l’Ordre, archevêque de Florence, ayant vécu peu après saint Vincent a essayé de comptabiliser ces résurrections. Assez critique déjà, il n’en retient que 24 ! Mais c’est énorme !
Déjà dans l’Ancien Testament, Élie (1 R 17, 22), Élisée (2 R 4, 34) ont fait revenir à la vie un enfant mort ; en outre, Élisée sur son propre tombeau dans lequel il gisait depuis longtemps a provoqué un retour à la vie d’un mort qui a touché ses ossements (2 R 13, 21). Nous entendions le récit des Actes, ces jours-ci, avec Dorcas (Tabitha) que saint Pierre, le vicaire du Christ, a ressuscité (Ac 9, 40).
Il ne s’agit en aucun cas de réincarnation, du retour d’une âme dans une chair diverse, car on ne meurt qu’une fois d’une manière irréversible (cf. He 9, 27) ; ni d’expérience de sortie provisoire de l’âme de son corps comme le raconte l’écrivain Éric-Emmanuel Schmitt dans son récit autobiographique La nuit de feu (2015). À dire vrai, il s’agit dans les récits évoqués à la fois de plus (+) et de moins (-). De plus (+) : à chaque fois il y a eu une vraie mort, suivie d’une revivification ; et de moins (-) : il ne s’agit pas d’une résurrection d’entre les morts à la manière dont Jésus apparaît à ses disciples avec un corps gratifié de dots glorieuses, dont l’immortalité. Les personnes des deux sexes que Jésus a pareillement fait revenir à la vie ont dû mourir une deuxième fois. On en compte trois :
1. Dans la chambre haute où gît une fillette, Jésus arrive à la demande du père : « Et prenant la main de l’enfant, Jésus lui dit : “Talitha koum”, ce qui se traduit : “Fillette, je te le dis, lève-toi !” » (Mc 5, 41).
2. Au fils de la veuve de Naïm, Jésus s’approchant touche le cercueil, et les porteurs s’arrêtent. Et il dit : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi » (Lc 7, 14).
3. Après avoir affirmé au loin à ses disciples : « Lazare est mort » (Jn 11, 14), Jésus revient à Béthanie ; alors qu’il demande que l’on roule la pierre du tombeau, « Marthe, la sœur du mort [réaliste] lui dit : “Seigneur, il sent déjà : c’est le quatrième jour” (Jn 11, 39). Rien n’arrête Jésus : « Jésus s’écria d’une voix forte : “Lazare, viens dehors !” Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : “Déliez-le et laissez-le aller” » (Jn 11, 43-44).
Saint Augustin remarque que la mort, au fil de ces trois résurrections, se fait de plus en plus prégnante : d’abord au lit ; puis dans le cercueil ; puis dans le tombeau. À chaque fois, Jésus triomphe ! Qui oserait douter de la toute-puissance victorieuse du Christ ! « C’est un principe certain que la vie de l’Église entière doit reproduire au cours des âges la vie temporelle du Christ qui est sa tête (¹) » (Charles Journet).
Comment alors ne pas croire aux revivifications obtenues à la prière de saint Vincent Ferrier ? Des dérogations à la nature, sans doute à demander avec foi ! Ces récits de résurrection étayent un désir de libération. Confiance pour notre quotidien qui va passer du confinement au dé-confinement ! Amen !
(1). Charles JOURNET, « Le point de vue théologique sur les Sueurs de sang et les stigmatisations », Études carmélitaines, 21e année, n° 2 (oct. 1936), p. 171-187 [p. 186].

