Homélie du 9 mars 2011 - Mercredi des Cendres

« Revenez à moi de tout votre cœur »

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Frères et sœurs, il n’est pas facile de commencer un carême tant notre cœur est partagé par des sentiments contraires:

– en négatif, le carême évoque pénitences, sacrifices, jeûnes mais aussi solitude et combat spirituel. La visée n’est pas très réjouissante.

– l’horizon est heureusement plus positif: joie de redécouvrir l’amour dont Dieu nous aime, nous accompagne et nous parle par les écritures et par nos frères, mystère de son pardon à partager, beauté de notre vocation et émerveillement dans l’accueil de nouveaux catéchumènes.

Ne nous laissons pas enfermer dans ces impressions contradictoires.
Recentrons-nous sur l’essentiel. Le carême nous prépare à entrer davantage dans le mystère de Pâques et donc de notre baptême qui nous unit à la mort et résurrection du Christ. Mort et résurrection sont indissociablement liés pour nous faire entrer dans la vraie vie, celle qui passera la mort et qui donne déjà un vrai sens à notre vie. Impossible d’entrer dans cette vie sans faire mourir en nous ce qui s’y oppose. Le carême est donc bien un chemin pascal de mort et de résurrection. N’ayons pas peur. Décidons-nous à suivre le Christ de plus près. Les textes que nous venons d’entendre doivent nous y aider.

Saint Paul nous redit tout d’abord que le Carême est un temps de grâce pour vivre une vraie réconciliation avec Dieu. Qui dit réconciliation dit démarche conjointe entre deux personnes: Dieu et nous. La merveille est que Dieu a la plus grande part. C’est lui et lui seul qui a la capacité de nous rejoindre dans cette expérience à la fois douloureuse et joyeuse: découvrir dans la douleur combien nous sommes pécheurs mais aussi expérimenter dans la joie combien nous restons aimés par Dieu et appelés à une merveilleuse vocation. Dans cette réconciliation, notre part est de nous engager à faire un pas important dans notre vie évangélique par un chemin d’humilité, de foi, de confiance et de charité.

Dans cette perspective, entendons bien ce que le Seigneur nous redit par la bouche du prophète Joël: «Revenez à moi de tout votre cœur». Ce que Dieu veut c’est notre cœur. Y a-t-il vérité plus bouleversante que de redécouvrir ceci: créés par amour, nous sommes faits pour expérimenter cet amour dans la foi et y répondre de tout notre cœur et par toute notre vie. Le grand combat spirituel est là qui nous invite à tenir dans les épreuves et faire mourir notre égoïsme qui est chemin d’esclavage et de mort. L’évangile d’aujourd’hui nous invite ici à un discernement important. Dans notre pratique du jeûne, de l’aumône et de la prière, attention à ne pas nous enfermer dans cette forme très subtile de l’orgueil spirituel où nous cherchons encore à nous valoriser.

Mais l’évangile d’aujourd’hui va plus loin. Il nous invite à vivre ces recommandations de la prière, du jeûne et de l’aumône en cherchant d’abord à plaire à Dieu dans le secret du cœur. Pour comprendre ce que peut évoquer cette petite phrase «Dieu qui voit dans le secret te le revaudra», repartons d’une des expressions qui évoque le mieux le grand mystère de Pâques, celle des noces de l’agneau. Le carême est un temps de fiançailles pour nous y préparer. Qui dit fiançailles dit affaire de cœur mais aussi d’incarnation vraie. L’aumône, le jeûne et la prière retrouvent là tout leur sens en évoquant les trois dimensions de notre vie: le rapport à Dieu dans la prière, le rapport à notre prochain dans l’aumône et le rapport aux biens de ce monde et à nous-même dans le jeûne. Jésus nous invite à honorer ces moyens avec ce seul souci de plaire à Dieu. Dieu nous le revaudra en nous faisant entrer progressivement dans ce mystère des noces de l’agneau qui doit transfigurer ces trois dimensions de notre vie en faisant que la charité les anime toutes. En nous réconciliant avec Dieu, nous devons donc vivre une merveilleuse réconciliation avec notre prochain et avec nous-même.

Voilà ce qu’une méditation priante et fidèle de la parole de Dieu nous fera redécouvrir si nous comprenons avec quel amour le Seigneur nous supplie en nous disant «Revenez à moi de tout votre cœur». Amen.