Homélie du 24 mai 2017 - Translation de notre Père saint Dominique

«Saint Dominique de printemps»

par

fr. Alain Quilici

Douze ans après sa mort, les frères, nous dit la chronique, se sont souciés de donner à leur fondateur, le frère Dominique, une sépulture digne de lui. Douze ans, ce n’est pas long. Sans doute la plupart des frères en 1233 avaient-ils connu frère Dominique. Et s’ils ne l’avaient pas connu, ils en avaient tellement entendu parler qu’ils avaient le sentiment de l’avoir bien connu.
Ils savaient que Dominique était un bel homme au visage avenant et d’une incomparable qualité de présence. On connaissait son zèle infatigable pour la prière la nuit et pour la prédication le jour. On se souvenait encore de sa voix qui était assez forte pour se faire entendre des foules et de son art de la controverse. Et dans le gouvernement des frères, on savait qu’il ne revenait pas facilement sur une décision quand elle était prise.
Bref, on savait beaucoup de chose sur frère Dominique. Mais il y avait une chose qu’on ne semblait pas savoir, ou du moins dont on ne parlait pas, ou qu’on avait oubliée. C’est ce que vont découvrir les frères et une grande foule de gens avec eux, en ce 24 mai 1233, et ce fut une surprise totale. C’est ce parfum qui émanait du corps, de la vie, du souvenir de Dominique.
On ne s’y attendait pas.

Il faut dire que ce n’est pas facile d’en parler. Une parole, on peut la rapporter ; un événement, on peut en faire le récit ; un visage, on peut le peindre. Mais un parfum ! Comment en parler, et même comment oser en parler ? Qu’y a-t-il de plus subtil, de plus insaisissable, de plus personnel ?
On voit le mal que se donne le chroniqueur pour transmette son expérience. Il parle d’une odeur merveilleuse, et convoque tous les parfumeurs de la ville, ce qui ne nous renseigne guère. Il dit que le parfum était suave et qu’on ne s’en lassait pas, ce qui ne nous donne pas de sentir nous-mêmes ce parfum. Pas plus que nous ne pouvons savoir vraiment ce qu’ont senti et ressenti les gens de Béthanie quand Marie a versé sur les pieds de Jésus ce parfum d’un grand prix, dont parle l’Évangile.
Si les frères rapportent cette anecdote, tout en sachant les limites de leur témoignage, c’est que ce parfum qu’exhalait le corps de Dominique au jour de sa translation évoquait pour tous les témoins l’incontestable rayonnement de saint Dominique.
Ce qu’évoque ce parfum merveilleux, c’est ce que nous voudrions qu’on puisse dire de nous, de nous personnellement, comme de nous communautairement : voilà des gens qui mènent une vie qui sent bon. Une vie honnête, une vie animée par une vraie charité, une vie en harmonie avec leur parole. Et de même pour nos communautés : ils vivent une communauté où l’on s’aime, où l’on se respecte, où l’on dit du bien les uns des autres.
Car cela, ça se sent. Ça sent bon ! Ça sent bon l’Évangile. On ne s’y trompe pas.

L’odeur de sainteté est la grâce que nous demandons au Seigneur, et pas seulement pour l’instant de notre mort, encore que…, mais pour qu’elle imprègne toute notre vie.
Ce fut la grâce de notre père saint Dominique. Elle s’est manifestée sans aucun doute possible ce 24 mai 1233, et depuis elle ne cesse de nous combler de joie.
Que le Seigneur Jésus, le Ressuscité, rayonne par notre Père saint Dominique !
Amen.