C’est la première prédication de Jésus à la synagogue! Tout nouveau, tout beau. Prêcher n’est pourtant pas sans danger. Bien souvent on risque sa peau. Selon l’Évangile de Marc, Jésus ne prêchera que trois fois à la synagogue. Aujourd’hui, c’est le début de la renommée: les foules sont en admiration, émerveillées par la qualité, la clarté et l’autorité de son enseignement. Mais qu’en sera-t-il demain? Déjà, à la troisième prédication, au chapitre sixième de l’Évangile, les Juifs sont harassés d’écouter Jésus, et ils rejettent son enseignement et donc sa personne. Aujourd’hui, Jésus dit: sors de cet homme ». Demain, c’est à Jésus qu’on intimera l’ordre de sortir. Mais aujourd’hui, c’est l’heure du succès. Cette prédication de débutant est applaudie et reconnue.
1. D’abord, elle est brève et avouons-le ce n’est pas la moindre des qualités. Elle l’est d’autant plus que Marc ne l’a pas retranscrite! De cette première prédication de Jésus, il ne nous reste en effet pas grand chose, si ce ne sont les derniers mots, ceux de l’exorcisme!
2. Il reste que la prédication de Jésus manifestement devait être claire pour qu’elle soit autant estimée! Quand les Juifs se demandent entre eux: «mais qu’est-ce que cela veut dire?», cela ne signifie pas qu’ils sont perdus dans les méandres des élucubrations théologiques du prédicateur. Ils s’interrogent sur l’identité de l’homme qui parle ainsi avec autant d’autorité et de nouveauté. Car Jésus ne prêche pas comme les scribes. Les scribes, les rabbis eux, quant ils parlent, c’est pour rabâcher, radoter, redire toujours la même chose. Ils répètent mots pour mots ce qu’ils ont appris, ils ressassent leurs articles de catéchisme. Quand ils ouvrent la bouche, on sait déjà ce qu’ils vont dire, alors on ne les écoute plus, parfois même, on pense à autre chose ou on s’endort. Au contraire, l’enseignement de Jésus est nouveau et élève l’âme de celui qui l’entend. Rien à voir avec la parole du Serpent trompeur, le Père du mensonge, qui séduit par des paroles rusées, fielleuses et hypocrites! Le Verbe fait chair ne ment pas. Jésus est Le prophète promis par Moïse. Sa parole jaillit de son être, et quand il parle de Dieu, sa parole exprime la communion intime qu’il a avec son Père, dans l’Esprit; sa Parole est vraie. Et c’est cela la nouveauté. Jésus croit ce qu’il dit parce que Jésus est ce qu’il dit. Cette nouveauté n’est pas celle des modes de l’empire de l’éphémère. Jésus parle avec autorité. Autrement dit, si l’on s’en tient au sens étymologique, auctor, sa Parole fait grandir celui qui l’écoute; elle vient secouer ses entrailles, elle vient libérer son âme, et de sa Parole, on veut désormais en vivre! 2000 ans plus tard, la Parole de Dieu a-t-elle gardée cette nouveauté, cette force, cette autorité, cette puissance? Et quand nous parlons de Dieu, parlons-nous comme les scribes ou comme Jésus? Ce que nous disons de Dieu est-il le fruit de cette communion spirituelle que nous avons avec le Seigneur, le témoignage de la rencontre que nous faisons avec Celui qui vient à nous, avec la Parole faite chair qui se donne à nous, qui se livre pour nous, ou est-il la récitation des réponses d’un Catéchisme abrégé? Je ne dis pas qu’il ne faut pas les connaître ces réponses, il en va de l’intelligence, de l’objectivité de notre foi, et de la lumière que nous portons sur Dieu et sur son mystère de salut et d’amour pour chacun de nous. Mais cela ne suffit pas pour parler de Dieu en esprit et en vérité. Jésus enseigne avec autorité, parce que sa parole est vraie, elle n’est pas un artifice rhétorique, un sophisme, un rabâchage, elle émane de lui et il vit de la Parole. A notre tour, cette parole doit devenir peu à peu notre maison, lieu d’identité et d’enracinement:
«Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera» (Jn 8,31). Les gens ignares de la Parole de Dieu voudront en vivre s’ils nous voient en vivre.
3. Courte, claire, la première prédication de Jésus est aussi efficace: elle produit immédiatement l’effet escompté. Il dit: «silence» et il l’obtient. Il dit au diablotin: «sors de cet homme», et il sort. Silence! Écoute Israël! Car pour pouvoir écouter l’enseignement de Jésus, sa Parole, encore faut-il faire silence. Le silence n’est pas chose aisée. Il suppose des arrachements, des combats. Ne dit-on pas du silence qu’il est pesant? On lui préfère le bruit, oubliant qu’il parasite «La» Parole, celle de Dieu. En vérité, c’est la vie sans silence qui est pesante, asphyxiante, parce qu’elle ne laisse pas de place à Dieu: regardons la Vierge Marie toute silencieuse, et la Parole prend chair en son sein. Alors Jésus exhorte au silence. «Tais-toi»! Cesse donc de ruminer, de te torturer l’esprit, cesse d’ergoter, cesse de t’enfermer dans toutes ces complicités avec le malin, cesse d’avoir peur, cesse de désespérer, cesse de fuir ou de t’enfermer dans un monde où on asphyxie! Silence! Respire! Les choristes vous le diront, le silence est le temps de la respiration. Cette respiration est celle de la Parole de Dieu qui vient nous délivrer de nos torpeurs et de nos tourments. Rares sont ceux qui parmi nous sont possédés par un esprit mauvais, mais qui peut dire qu’il ne connaît pas de tourment? Qui peut dire que sa vie ne connaît pas de désordre? Ce peut-être l’infidélité conjugale, l’autre nom de l’adultère, ce peut être la dépendance à l’alcool, ce peut être des pratiques professionnelles pas toujours honnêtes. Pourtant, comme le dit le sage et vénérable directeur de Poudlard, le professeur Dambledor, des heures sombres s’annoncent, et nous devons tous choisir entre le bien et la facilité; facilité, l’autre nom du péché. A tous ces désordres, le Christ dit: «silence».
Et à tous ces tourments, le Christ vient apporter la délivrance, le pardon, la paix, la vie. «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé a la vie éternelle» (Jn 5, 24). Et Jésus ajoute même cette parole prodigieuse: Il est déjà passé de la mort à la vie. Écouter la Parole, croire en elle, la mettre en pratique, c’est déjà entrer en son éternité.