Homélie du 30 mars 2024 - Vigile pascale

Un avant et un après

par

fr. Philippe Jaillot

Frères et sœurs,

En cette vigile, nous avons veillé dans l’espérance que la vie revienne, et que la nuit des inquiétudes, des ignorances et des souffrances voie se lever une clarté. Nous avons espéré que le Sauveur nous tire du péché et nous sauve de la mort.
Oui, c’est pour raviver en nous l’espérance que nous avons fait mémoire de notre histoire de famille, cette humanité à qui Dieu a donné l’existence. Nous avons relu notre création et notre sortie de l’esclavage, nous avons rappelé les exhortations des prophètes qui annoncent la promesse de Dieu: un bonheur véritable, et non pas les satisfactions d’ici-bas qui n’ont un goût que fugace.
Nous, chrétiens, nous nous sommes remémoré l’annonce du vrai changement et nous avons raconté l’histoire de notre salut à ceux qui se préparaient au baptême.

Et l’Évangile de saint Marc dit à présent que nous voici de grand matin, c’est-à-dire au moment où le jour commence à pointer et que la lumière va grandir. Nos yeux doivent se préparer à voir bien plus que le soleil à son lever. Nos yeux sont les vitraux de notre cœur qui doit se préparer à voir la splendeur du Ressuscité. Oui, quelque chose de neuf dans notre vie : la résurrection du Christ s’offre à nos yeux et veut entraîner la nôtre. « L’homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec le Christ […] et nous croyons que nous vivons avec lui », nous a dit saint Paul.

Mais maintenant, avec les femmes disciples de Jésus, apportons des aromates aux parfums choisis. Quels sont ces parfums ? C’est l’odeur que nous exhalons nous-mêmes. Avons-nous le parfum de la foi ? Avons-nous le parfum de la persévérance ? Avons-nous un parfum d’obéissance ? Avons-nous un parfum d’humilité ? Avons-nous un parfum d’étonnement ? Quels sont vos parfums ?

Chers nouveaux baptisés, regardez, la pierre du tombeau est enlevée pour que vous alliez ici avec vos parfums. Suivez-nous. Cette pierre représente nos empêchements à connaître vraiment le Christ par le mouvement de l’amour comme par le mouvement de l’intelligence. Les mystères du Christ étaient d’accès difficile. Mais votre baptême vous a permis d’entrer. C’est cela, les sacrements de l’initiation. Entrer dans la foi et l’intimité avec le Christ ressuscité qui donne son Esprit à notre liberté et son Corps à notre faim de vie nouvelle. Entrez, chers nouveaux baptisés, vous le pouvez à présent. Vérifiez que les anciens baptisés qui vous entourent y rentrent encore eux aussi, car l’usure de la foi nous guette sans cesse.

Et vous, et nous, chers baptisés de longue date, en cette nuit finissante dont parle l’Évangile, entrez au tombeau pour faire comme ceux qui étaient encore catéchumènes il y a peu : laissons-nous ensevelir comme le Christ, avec le Christ, pour ressusciter avec lui. Non pas un passage éclair par le tombeau, mais un plongeon qui change tout en ce lieu où la vie renaît. Regardez l’ange, messager du Seigneur. Messager de vie et de joie : est-ce que ce qu’il est nous attire ? C’est ce qu’il connaît que nous sommes appelés à rejoindre : la proximité du Dieu vivant, et son amitié, et sa sainteté. Sa joie sans faille.

Le messager nous le dit : il y eut un avant et il y a un après. Le croyez-vous ?
Il dit : Vous cherchiez le crucifié, mais il est ressuscité. Un avant et un après. Il y a cela dans nos vies de baptisés. Chers nouveaux baptisés, goûtez à cette transformation de votre être. Goûtez en la contemplant. Cherchez la différence d’hier à aujourd’hui. Vivez-la, surtout. Vivez autrement. Vivez avec Dieu : par lui, avec lui et en lui.

Mais ne croyez pas être entrés dans un club sélect et aseptisé. Le baptême ne vous sort pas de la douloureuse réalité d’un monde abîmé et meurtri, il vous rend différents au milieu de ce monde qui se détourne de la vie divine.

Un avant et un après. Une promesse.
L’ange le dit : c’est en Galilée que vous verrez le Christ ressuscité, c’est-à-dire là où se croisent tant de réalités diverses qui produisent de la compromission et de la corruption. Vous ne sortirez pas de vos réalités d’avant. Nous voudrions nous en abstraire, mais c’est à autre chose que le Christ ressuscité appelle les baptisés. Ces réalités, il faut laisser le Christ les transformer par nous, les évangéliser. En allant en Galilée, comme les disciples, nous verrons jusqu’où le Christ Jésus est à l’œuvre, jusqu’où sa résurrection doit agir dans ce monde. Les baptisés reçoivent la lumière du Ressuscité, et Jésus attend qu’ils la portent là où lui nous précède. Ne le cherchons pas dans un petit milieu protégé. Trouvons-le dans nos réalités, mais tournés vers les réalités d’en haut.

Et avez-vous déjà pressenti, nouveaux baptisés, où il vous précède, dans votre propre situation ? Savez-vous déjà où vous devez annoncer la vie nouvelle ? Savez-vous où il faut faire comprendre qu’il y a un avant et un après, et que cet après n’existe radicalement qu’en Dieu ? C’est-à-dire en sa vie divine, sa vie éternelle qui est l’après qu’il nous donne dès aujourd’hui. Amen.

Lectures : Mc 16, 1-8 / Rm 6, 3-11

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