Homélie du 27 septembre 2020 - 26e Dimanche du T.O.

Va à la vigne…

par

fr. Gilles-Marie Marty

Jésus désirait tant que ses auditeurs comprennent ses paraboles qu’il en a commenté certaines lui-même, comme celle d’aujourd’hui.
Le premier fils, celui qui a refusé mais a fini par y aller, représente les pécheurs juifs qui ont changé de conduite grâce à la prédication de Jean-Baptiste.
Pour enfoncer le clou, Jésus cite les deux catégories les plus méprisées : les publicains et les prostituées : même ces lépreux peuvent être sauvés.
Quant au second fils, celui qui promet obéissance mais désobéit aussitôt, pas de doute : il ressemble énormément aux ennemis de Jésus. Voilà pour ses contemporains.

Avançons au fil de l’histoire.
Le premier fils désigne aussi tous les païens, qui — siècle après siècle — se sont repentis et convertis, en accueillant la grâce de l’Évangile, malgré des avalanches d’obstacles, et qui ont travaillé sincèrement aux œuvres de Dieu.
Quant au second fils, sa roublardise évoque l’endurcissement d’Israël, qui n’a même plus conscience de son infidélité à l’Alliance, en ayant rejeté celui que Dieu lui envoyait justement pour accomplir cette Alliance.

Mais on ne saurait en rester là, comme si le second fils ne désignait que le peuple d’Israël et que les autres étaient de simples spectateurs.
La question rebondit : qui est appelé à cette vigne, et pour quel travail ?
Tous les enfants de Dieu sont appelés : tous les baptisés conscients de leur baptême.
Pour quel travail ? Saint Paul répond : « Recherchez l’unité. Soyez assez humbles pour estimer autrui supérieur à vous. Ne soyez pas préoccupés de vos seuls intérêts ; pensez aussi à ceux des autres. Bref, ayez les sentiments du Christ Jésus lui-même. »

La parabole s’achève sur une conclusion tranchante : « Vous ne vous êtes pas repentis pour croire ! » Question : à qui ce reproche peut-il être utile ?
Les premiers à en bénéficier sont les chrétiens qui se veulent fidèles à l’Évangile.
En pratique, ceux qui suivent la morale chrétienne, l’exigeante morale de l’Église.
Ce n’est pas facile, et confine parfois à l’héroïsme. Pourtant, beaucoup de fidèles laïcs vivent ainsi, et font notre admiration. Mais quel défi permanent ! Se convertir est une aventure quotidienne : c’est chaque jour que notre conduite peut et doit, malgré nos faiblesses, manifester la puissance de la grâce à l’œuvre en nous.

Reste ceux qui sont visés frontalement : « Vous ne vous êtes pas repentis ! » Où sont-ils ? Ils sont partout, mais ici il s’agit d’abord de certaines élites, certains privilégiés, qui, ayant tiré un trait sur Dieu, n’ont nulle envie de se repentir, encore moins de se convertir.
Que dire, par exemple, à un pays dont la représentation nationale vient de légaliser l’infanticide ? Que dire à une République en marche forcenée vers l’abjection ?
Pourtant la Bible oblige à croire que, même à ces malfaiteurs, la porte reste ouverte : malgré l’énormité de leur crime, eux aussi peuvent — en principe — se repentir.
Mais revenons à nous autres…

Frères, que va devenir cet Évangile pour nous ? Quel sera son destin dans notre vie ?
Dès qu’il entre par une oreille, on le goûte ; mais aussitôt il ressort par l’autre oreille !
L’autre jour, une dame disait : « Finalement, l’Évangile, c’est comme les macarons : c’est délicieux mais ça fond si vite, ça glisse si vite… » Et, se resservant, elle ajoutait : « Oui, j’en suis folle, mais rassurez-vous, je sais qu’il y a des limites… »
Des limites aux macarons « Ladurée » et aussi à l’Évangile du salut : ils fondent si vite !
Que deviendra cet Évangile dans notre vie ? Quel fruit portera-t-il en nous ?
Autre chose : les enquêtes aux sorties de messes interrogent les fidèles sur le parvis : « Pouvez-vous dire de quoi parlait l’Évangile ? » Résultat : les 2/3 des gens ne savent pas quoi répondre…
Ô Seigneur, pourvu que cela n’arrive pas avec cet Évangile, qui résume ce que vous attendez de nous : être généreux à vous servir, et demeurer fidèles à votre Parole.

Pour nous encourager, un petit conseil que chacun pourrait essayer cette semaine.
Lundi matin, en vous levant, dites simplement, juste avant le café : « Mon enfant, va travailler à la vigne, aujourd’hui ! »
Mardi matin, toujours au lever et à haute voix bien sûr : « Mon enfant, va travailler à la vigne, aujourd’hui ! »
Mercredi matin, fredonnez-le : « Mon enfant, va travailler à la vigne, aujourd’hui ! » Jeudi matin, petit effort : reprenez-le deux fois ou trois ou plus…
Vendredi matin, ce sera le 2 octobre, fête des anges gardiens. Le nôtre aura justement un message pour nous : « Mon enfant, va travailler à la vigne du Seigneur, aujourd’hui ! »