Homélie du 8 mai 2016 - 7e Dimanche de Pâques

Wifi disponible et gratuit

par

fr. Nicolas-Jean Porret

«Je ne m’imagine pas vivre sans smartphone, tablette ni Wifi», me disait hier un adolescent.
Après tout, ces «boîtiers» modernes reliés entre eux par des fils invisibles sont la super-évolution du bricolage de grand-papa consistant à relier 2 boîtes de conserve avec 1 bout de ficelle. Dans les deux cas, un émetteur module un message et le confie à un média pour atteindre un récepteur… qui s’en émerveille.

Ce dimanche fête la 50e journée mondiale des communications sociales. Et il s’avère que les lectures de la liturgie sont en adéquation avec ce thème (à moins que ce ne soit le contraire, car avec l’Esprit-Saint on ne sait jamais de quel côté vient le souffle…) que l’on peut évoquer autour de 3 grands types de médias:

I. Aussi archaïque et sommaire que soit le système des 2 boîtes de conserve reliées par une ficelle, le premier et le plus fondamental des moyens de communication reste la voix humaine. Quelle merveille donnée à l’homme que de pouvoir moduler avec ses cordes vocales un message! L’air véhicule la pensée du sujet émetteur jusqu’aux oreilles du sujet récepteur qui, démodulant l’onde reconnaît un langage, accueille un message qu’à son tour il pourra éventuellement restituer.
Le langage peut devenir discours, à la rhétorique affutée, pour convaincre un nombre important d’auditeurs. C’est ce que l’on pouvait espérer du discours d’Étienne, diacre et proto-martyr (1re lecture : Ac 6-7) : Étienne, rempli de sagesse et d’Esprit-Saint, s’essayait à persuader les juifs que Jésus, «le Juste que vous avez assassiné», est réellement le Messie. Hélas, aussi brillant que fut son message, la communication ne passa pas: les auditeurs refusèrent d’entendre; au paroxysme du refus, ils se bouchent les oreilles, hurlent et lapident l’orateur. Échec cuisant… et cependant échec seulement apparent! Car comment ne pas deviner que Saul, qui se tient là et approuve officiellement le meurtre d’Étienne, est mystérieusement touché par la fidélité du martyr? Un message où le «média» va jusqu’à donner sa vie… c’est au-delà de la rhétorique! Nous savons que le persécuteur effréné de l’Église deviendra un apôtre zélé, lui aussi jusqu’au martyre!

II. Le 2e media est l’écrit : dont justement saint Paul et ses épîtres fournissent un excellent exemple. Les paroles passent, les écrits restent! Surtout s’ils sont mûris humainement et inspirés par l’Esprit-Saint. Considérons la prière sacerdotale de Jésus de l’évangile de ce jour (Jn 17). Dans cette prière très pure, Jésus s’adresse au Père pour obtenir la sanctification de ses disciples dans la vérité; sa prière vise aussi ceux qui «grâce à leur parole croiront en moi»; cette parole des disciples transcrite, nous a été rapportée par l’Évangile; elle continue ainsi d’agir pour nous qui la méditons. Le demande de Jésus adressée à son Père en notre faveur a trouvé le média de l’écrit qui nous permet de l’entendre; la sanctification et l’unité demandées nous sont transmises grâce à l’«onde fidèle» de ces médias que sont: le témoignage de Jésus, le témoignage des apôtres, celui de l’auteur de l’Évangile de saint Jean, des traducteurs de la Bible, bref de la Tradition vivante de l’Église: afin que «tous soient un, comme toi Père en moi et moi en toi». Nous avons là la communication la plus parfaite qui culmine dans la communion que nous formons en accueillant cette parole pour la mettre en pratique et nous unir au Père par le Christ!

III. Il existe encore une 3e catégorie de média: la mise en scène (théâtre, opéra, cinéma…). Ces arts sont-ils plus performants que la rhétorique ou l’écrit, je ne sais? D’une certaine façon la mise en scène s’apparente au mime et reste moins explicite que le langage formel; mais c’est différent quand elle s’associe la parole et le texte pour devenir du «multimédia»! L’Église est-elle capable d’utiliser la richesse multiple de ce média? La ficelle pourra vous paraître un peu grosse, mais la liturgie n’est-elle pas le «multimédia» par excellence? La 2e lecture (Ap 22) de ce dimanche nous en exprime le schéma exceptionnel, et de deux points de vue:
-# du côté du Christ, Alpha et Oméga, le Témoin fidèle; il communique, il annonce: «Voici que je viens sans tarder, et j’apporte avec moi le salaire pour chacun […] ils auront droit d’accès à l’arbre de la vie». Ce message de Jésus est relayé par le voyant de Patmos, par les paroles qu’il consigne dans l’Apocalypse (dont il ne faut rien retrancher), pour les 7 Églises d’Asie, et ultimement pour l’Église universelle, pour nous qui accueillons le message dans la liturgie: Jésus est là, il vient, il agit, il réalise sa promesse.
-# du côté de l’Épouse-Église. Pour chacun de nous, assoiffé de la vraie vie, le «théâtre de l’Apocalypse» fournit la réponse: «Amen, Viens, Seigneur Jésus!» Oui, l’Apocalypse et la Liturgie de l’Église comportent une communication dans les deux sens. L’émetteur du message, Dieu, devient lui-même le message; il se met en scène: dans le rassemblement en son nom, dans la proclamation de sa Parole, dans l’immolation sacramentelle de son corps auquel nous communions. son «Viens» soutient et suscite nos «Viens, Seigneur!», nos «Amen». Ce chemin réciproque scelle la communication, scelle la communion: sa prière est devenue notre prière!

Le WIreless-FIdelity (WI-FI), le sans-fil fiable qui marche vraiment, est celui qui fonctionne dans les deux sens : où l’émetteur, le message, le média et le récepteur ne font qu’un: or le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, et l’Église, ne font qu’un! afin que tout adolescent (et le monde) croie!