Homélie du 29 août 2010 - 22e DO

Yes, we can

par

fr. Gilles-Marie Marty

Invité à déjeuner chez un chef pharisien, Jésus arrive, s’assied et observe. L’attitude des autres convives est si frappante qu’elle lui inspire une leçon, non de morale mais de révélation. La morale, c’est bien et utile, par exemple les paroles de Ben-Sirac dans la 1ère lecture.

Mais avec Jésus, il s’agit de bien plus que de cela: il ne donne pas une leçon d’humilité ou de générosité pour éduquer ses disciples aux bonnes manières. Il apporte une révélation, c’est-à-dire dévoile une nouvelle vérité sur le Père et son Fils. C’est d’ailleurs le but de l’Évangile: révéler ce que Dieu fait et ce qu’Il est.

Qui s’élève sera abaissé : n’est-ce pas le résumé de l’histoire de l’humanité?

Depuis Adam et Ève, le cœur humain est un tonneau sans fond: tant de gens ont le goût des honneurs et l’appétit du pouvoir. Tant de gens pensent de leur prochain: s’il m’est utile, je m’en sers; s’il me gêne, je l’écarte. Tant de gens – même chrétiens – ne songent qu’à réussir à tout prix!

Pourtant tous ceux-là, y compris les ambitieux, les orgueilleux, les vaniteux, seront un jour abaissés, jusqu’à terre et même plus bas jusque dans un trou.

Qui s’abaisse sera élevé : là, il ne s’agit plus des hommes mais du Christ.

Personne ne s’est abaissé plus que lui. De rang divin, il ne s’est pas accroché à ce privilège unique mais, avec la chair, il a pris un rang d’esclave, acceptant de fréquenter les hommes, et de subir leur jalousie, leur ressentiment, leur haine, jusqu’à la torture et la mort sur la Croix. Quel abaissement!

Oui, personne n’a jamais choisi la dernière place autant que Jésus. C’est pourquoi le Maître est venu lui dire « mon ami, avance plus haut« ; c’est pourquoi le Père l’a exalté au plus haut des Cieux, l’a fait asseoir à sa droite et lui a tout confié. Qui s’abaisse sera élevé: mystère pascal, centre de la foi des chrétiens.

Les chrétiens, justement, parlons-en: qui sont-ils?

Qui est chrétien, sinon celui qui a au cœur les mêmes attentes, dispositions, les mêmes désirs que ceux du Christ Jésus, et donc voudrait suivre ses conseils?

Mais aujourd’hui, avec ses deux petites paraboles, Jésus invite à deux attitudes qui ne vont pas du tout de soi: l’humilité et la gratuité.

On vient de dire un mot sur l’humilité, attitude caractéristique du Fils de Dieu, et donc le chemin de tous ceux qui prétendent le suivre.

Reste l’autre attitude: quand tu donnes un repas, invite les déshérités, car ils n’auront rien à te rendre… ainsi tu seras heureux: tu seras heureux non de ta prodigalité, qui fera de ces gens tes obligés, tes clients, mais de ta générosité, de ce don purement gratuit, qui ne te rapporte rien et même que rien n’explique.

Si tu fais cela , heureux seras-tu…: c’est une béatitude, n’est-ce pas?

Mais qui donc est capable d’une générosité si totale?

Si on ne trouve aucun nom, ne serait-ce pas que Jésus évoque ici discrètement Quelqu’un que personne ne connaît, sinon lui seul: le Père Céleste.

Le bonheur de ce Père, c’est donc d’aimer ses enfants adoptifs en totale gratuité, sans arrière-pensée, ni attendre d’eux aucun retour digne de Lui. Telle est la révélation de cet évangile, et redisons-le: Dieu seul est capable d’une telle magnanimité. L’homme, lui, attend toujours quelque chose surtout s’il prétend le contraire.

Mais, puisque Jésus est un homme, qu’en est-il alors de sa joie? Certes, il savait que Dieu lui rendrait justice en le relevant d’entre les morts.

Mais ce n’est pas sa seule propre justification qu’il espérait, c’était aussi celle de ses frères humains, pécheurs, indignes, et néanmoins appelés à la résurrection des justes à condition, bien sûr, d’accepter l’invitation gratuite faite par le Père.

La joie de l’homme Jésus, c’est donc la même que du Père; elle consiste à donner gratuitement, et à rendre heureux ceux qui bénéficient de ce don.
Le drame, c’est que le monde l’ignore encore, souvent parce que les chrétiens eux-mêmes en doutent, ou ne croient pas en être capables.

Mais alors que fait-on de l’interpellation si vive de Jésus: Quand tu es invité, prends la dernière place… Quand tu donnes un dîner, n’invites pas tes amis, mais les indigents…. C’est à nous qu’il s’adresse, les yeux dans les yeux. Que faire? Choisir la dernière place: on essaie une fois, oh c’est dur… Inviter les pauvres sans rien attendre: c’est si dur qu’on n’essaie même pas.

Alors nous faut-il renoncer à écouter Jésus, à partager sa joie, à entrer dans son Royaume? Chrétiens mes frères, nous qui prétendons suivre les conseils de Jésus, en serions-nous foncièrement incapables?
Ne baissons pas les bras: rien n’est impossible à Dieu et à ceux qu’Il aime.

N’oublions pas qu’il nous invite et nous offre sa grâce, qui a le pouvoir divin de nous rendre capables de ce que nous pensons impossible. Yes, we can

Si nous dominons le désir de réussite, notre vanité baissera. Yes, we can.

Si nous tenons l’argent à distance, notre avidité diminuera. Yes, we can.

Si nous faisons place au prochain, notre âme grandira. Yes, we can.

Si nous supplions l’Esprit-St de nous rendre semblables à Jésus, Il le fera. Yes, we can

Si nous sommes serviteurs du Christ, notre soif de domination s’épuisera. Yes, we can

Si nous aimons sans attendre de retour, pour être comme Jésus, il sourira. Yes, we can

Oui, avec la grâce, nous pourrons suivre ses conseils.

Oui, au Ciel Jésus sourira, lui qui nous prépare une place afin que nous soyons avec lui.

Oui, la béatitude de son Père sera un jour enfin nôtre.