Le diaire des Jacobins du 21 avril 2020
Le fortifiant spirituel pour temps d’épidémie
Dosage quotidien
L’espérance, de la foi à la gloire des fils de Dieu
Adiutorium nostrum in nomine Domini, qui fecit caelum et terram
Notre épidémie nous apporte quantité d’objets à espérer. Espoir qu’un vaccin soit fabriqué, qu’un antiviral soit trouvé, que l’été affaiblisse la diffusion du virus, que la maladie ne se montre pas trop sévère lorsque l’attraperont mes proches ou moi-même. Le confinement, puis le déconfinement, font aussi naître quantité d’espoirs. La situation économique elle aussi.
Bref, nous ne cessons d’espérer en tout sens, nous sommes éreintés d’espérer, et cela ne favorise pas l’équilibre de nos nerfs ni notre repos. Pourquoi tous ces espoirs nous fatiguent-ils ? Pourquoi nous tendent-ils de partout ? Parce que tous ces espoirs sont au conditionnel. Ils sont des « si… » lancés à tout bout de champ. Et s’ils sont au conditionnel, c’est parce qu’ils dépendent de nombreux facteurs, les uns favorables et les autres défavorables. Un vaccin efficace dépend de la réussite du travail des scientifiques, de la conformation du virus, de la capacité à trouver les bons vecteurs, etc. Et de même en va-t-il pour tous nos autres espoirs.
La vertu d’espérance que Dieu instaure dans le cœur des croyants contraste avec tous ces espoirs. Car ce que Dieu promet c’est ce qu’Il réalise. Il n’y a pas de conditionnel avec l’espérance que Dieu donne, il n’y a pas de « si… ». Ce que Dieu promet arrivera de manière certaine, parce que c’est Dieu qui promet. Et c’est pourquoi l’espérance chrétienne est source de joie, car elle assure que rien ne peut enlever ce qui est promis. Ainsi, l’espérance chrétienne n’admet-elle pas de conditionnel, elle est aussi sûre que Dieu est sûr. S’il existe une incertitude, elle vient de notre côté, en amont de l’espérance : pour espérer, il faut croire à Dieu qui promet.
Textes commentés
Écriture sainte
Rm 5, 1-6.10
Justifiés par la foi, nous jouissons de la paix en présence de Dieu par le Seigneur Jésus-Christ. C’est par lui que, par la foi, nous avons reçu l’accès à la grâce dans laquelle nous sommes établis et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu. Non seulement cela, mais nous nous glorifions dans nos tribulations, sachant que la tribulation produit la constance, la constance la probation, la probation l’espérance. L’espérance ne confond pas, car l’amour de Dieu a été déversé en nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné. Quand nous étions encore faibles, le Christ au temps fixé est mort pour des impies. […] Si, lorsque nous étions des ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, combien plus une fois réconciliés nous serons sauvés par sa vie.
Rm 4, 18
Espérant contre toute espérance [Abraham] crut qu’il serait père d’une multitude de nations, comme il lui avait été dit.
Ph 3, 10-14
Il s’agit pour moi de « le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts. Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait ; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été moi-même saisi par le Christ Jésus. Non, frères, je ne me flatte point d’avoir déjà saisi ; je dis seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus. »
Saint Maxime le Confesseur
Ambigua ad Ioannem, 42
Au commencement, l’homme fut créé à l’image de Dieu, pour être totalement enfanté dans l’Esprit selon le libre choix et obtenir d’être à la ressemblance en gardant le commandement divin, afin que le même homme soit créature de Dieu par la nature mais fils de Dieu et Dieu selon la grâce de l’Esprit. Car il n’était pas possible que l’homme créé fût capable d’être Dieu et fils de Dieu par la divinisation de la grâce, s’il n’était d’abord enfanté dans l’Esprit selon le libre choix par la puissance naturellement autonome et indépendante qui l’unit à Dieu. Cet enfantement immatériel et divinisant, le premier homme l’avait délaissé en préférant ce qui est agréable et manifeste aux sens aux biens intelligibles et non encore manifestés.
Ambigua ad Ioannem, 7
Il fallait que Dieu nous fît semblable à lui-même en nous faisant porter par participation les traits exacts de sa bonté, ayant choisi comme but dès avant les âges que nous soyons en lui, et nous conduisant vers cette fin bienheureuse, nous en ayant donné le mode dans le bon usage des puissances naturelles ; mais l’homme repoussa volontairement ce mode par le mauvais usage des puissances naturelles. Pour que l’homme ne devînt pas étranger loin de Dieu, il substitua un mode paradoxal et plus proprement divin que le premier, autant que ce qui est au-dessus de la nature est supérieur à ce qui est selon la nature : et c’est le mystère, comme tous nous le croyons, de la très mystérieuse venue (επιδημία) de Dieu vers les hommes.
Saint Thomas d’Aquin
Sur Rm 4, 18
Rm 4, 18 : Espérant contre toute espérance [Abraham] crut qu’il serait père d’une multitude de nations, comme il lui avait été dit.
Commentaire — N° 359 : Paul montre que la promesse faite à Abraham et à sa descendance ne devait pas être remplie par la loi […] mais qu’elle devait l’être par la foi.
N° 362 : Toute la descendance (semen) [d’Abraham]. Il y a en effet une semence (semen) charnelle, comme cela est rappelé en Jn 8, 33 : Nous sommes la semence d’Abraham. Il y a une autre semence, spirituelle, comme cela est dit en Mt 3, 9 : Dieu est [assez] puissant pour tirer de ces pierres, c’est-à-dire des Gentils, des fils d’Abraham. Or seule la semence charnelle d’Abraham servait la Loi, mais la foi d’Abraham, la semence spirituelle l’imite aussi.
N° 368 : Abraham, nous dit saint Paul, crut dans cette espérance qu’il serait fait le père de nombreux peuples, mais ce fut contre une autre espérance. Il faut se rappeler à ce sujet que l’espérance comporte une attente certaine d’un bien futur. Cette certitude de l’espérance peut avoir une cause humaine ou naturelle. Ainsi, en 1 Co 9, 10, lit-on que celui qui laboure doit labourer dans l’espérance [d’obtenir une récolte]. Mais la certitude de celui qui est dans l’attente peut aussi s’appuyer sur une cause divine. Ainsi le Ps 30, 2 : En toi Seigneur j’ai espéré.
Or donc, le bien [promis à Abraham], qu’il serait fait père de nombreux peuples, recevait sa certitude du côté de Dieu qui promettait, alors même que c’était le contraire qui semblait devoir arriver, à s’en tenir à la cause naturelle ou humaine. C’est pourquoi Paul dit qu’Abraham crut dans l’espérance, de la promesse divine, contre l’espérance, de la cause humaine ou naturelle [l’âge d’Abraham ou la stérilité de Sara].
Sum. theol., IIIa, q. 56, a. 1, ad 3
Ce qui est le plus parfait est le modèle de ce qui est moins parfait dans sa réalisation particulière. C’est pourquoi la résurrection du Christ est la cause exemplaire de notre résurrection. Cela est nécessaire […] du côté de ceux qui ressuscitent, car ils doivent être conformés à cette résurrection du Christ, selon Ph 3, 21 : Il transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire. Cependant, alors que la résurrection du Christ produit son effet dans la résurrection des méchants comme dans celle des bons, son exemplarité ne s’étend proprement qu’aux bons, qui sont rendus conformes à la filiation du Christ, selon ce que dit Rm 8, 29 (Ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères… Ceux qu’il a appelés, il les a aussi glorifiés).