Le diaire des Jacobins du 22 avril 2020
Le fortifiant spirituel pour temps d’épidémie
Dosage quotidien
Espérer lorsqu’un monde s’effondre
Adiutorium nostrum in nomine Domini, qui fecit caelum et terram
Notre monde est dans la main de Dieu et rien de ce qui arrive dans ce monde n’échappe à sa puissance, et donc à sa volonté, à sa sagesse, à sa justice et à sa bonté. Voilà ce que Dieu répète encore et encore en nous parlant dans les saintes Écritures.
Textes commentés
Écriture sainte
Mc 13, 5-13.20
Veillez à ce qu’aucun de vous ne s’égare. Beaucoup viendront en mon nom en disant « c’est moi » et ils en feront errer beaucoup. Quand vous entendrez parler de guerres, des bruits de guerre, ne vous alarmez pas. IL faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin. On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume, il y aura des séismes en divers lieux, des famines. Ce sera le commencement des douleurs de l’enfantement. Veillez sur vous-mêmes : on vous livrera aux tribunaux et aux synagogues, vous serez roués de coups, vous vous tiendrez devant les chefs et les rois à cause de moi en vue de rendre témoignage devant eux. Il faut d’abord que l’Évangile soit proclamé à toutes les nations. Quand on vous livrera, ne vous inquiétez pas de ce que vous devez dire, cela vous sera donné à l’heure où vous parlerez. Ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit Saint qui parlera en vous. Le frère livrera son frère à la mort, le père son enfant, les enfants se lèveront contre leurs parents et les feront mourir. Vous serez haïs de tous à cause de mon nom. Celui qui tiendra avec constance jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. […] Si le Seigneur n’avait pas abrégé ces jours, aucune chair n’aurait été sauvée. Mais c’est à cause des élus qu’il a élus qu’il abrègera ces jours.
Jacques Bénigne Bossuet
Sermon sur l’unité de l’Église (1681)
La comprenez-vous maintenant cette immortelle beauté de l’Église catholique, où se ramasse ce que tous les lieux, ce que tous les siècles présents, passés et futurs ont de beau et de glorieux ? Que vous êtes belle dans cette union, ô Église catholique ; mais en même temps que vous êtes forte ! « Belle, dit le saint Cantique et agréable comme Jérusalem » et en même temps « terrible comme une armée rangée en bataille » : belle comme Jérusalem, où l’on voit une sainte uniformité et une police admirable sous un même chef : belle assurément dans votre paix, lorsque recueillie dans vos murailles vous louez celui qui vous a choisie, annonçant ses vérités à ses fidèles. Mais si les scandales s’élèvent, si les ennemis de Dieu osent l’attaquer par leurs blasphèmes : vous sortez de vos murailles, ô Jérusalem, et vous vous formez en armée pour les combattre : toujours belle en cet état, car votre beauté ne vous quitte pas, mais tout à coup devenue terrible. Car une armée qui paraît si belle dans une revue, combien est-elle terrible quand on voit tous les arcs bandés et toutes les piques hérissées contre soi ? Que vous êtes donc terrible, ô Église sainte, lorsque vous marchez, Pierre à votre tête et la chaire de l’unité vous unissant toute ; abattant les têtes superbes et toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu ; pressant ses ennemis de tout le poids de vos bataillons serrés ; les accablant tout ensemble et de toute l’autorité des siècles passés et de toute l’exécration des siècles futurs ; dissipant les hérésies et les étouffant quelquefois dans leur naissance […], Jésus-Christ votre Chef vous mouvant d’en haut et vous unissant ; mais vous mouvant et vous unissant par des instruments proportionnés, par des moyens convenables, par un Chef qui le représente, qui vous fasse en tout agir tout entière et rassemble toutes vos forces dans une seule action.
Joseph Ratzinger
La mort et l’au-delà, Paris, Fayard, 2005, p. 219-221
Pourquoi a-t-on refusé le millénarisme qui aurait permis de faire de l’installation de l’état parousial une tâche pratique ? Le sens de ce refus, c’est que l’Église n’admet pas l’idée que l’histoire trouve ou puisse trouver au sein d’elle-même la plénitude de sa dimension. Par suite, l’espérance du chrétien n’implique aucunement l’idée d’un accomplissement intrinsèque de l’histoire ; elle dit au contraire expressément qu’un tel accomplissement du monde est impossible. Les divers éléments qui, dans la Bible, donnent une idée de la fin du monde ont justement en commun de refuser l’attente d’un état de salut définitif au sein de l’histoire…
Ainsi, croire au retour du Christ, c’est d’abord nier que le monde puisse trouver sa plénitude au sein de l’histoire ; et c’est précisément cette attitude de refus qui préserve l’homme de la déshumanisation. Évidemment, si l’on s’en tenait à cette seule attitude de refus (même considérée comme rationnelle), la résignation aurait le dernier mot. Mais la foi au retour du Christ est en outre la certitude que le monde s’accomplira, non pas en vertu d’une raison planifiante, mais du fait de l’invincibilité de l’amour qui a vaincu dans le Christ ressuscité. Croire au retour du Christ, c’est croire que finalement c’est la vérité qui jugera et que l’amour triomphera, mais seulement en transcendant l’histoire d’ici-bas qui finalement appelle elle-même ce dépassement transcendantal. L’histoire ne peut trouver qu’en dehors d’elle-même sa plénitude. Quand on admet cela, quand l’histoire est vécue pour être transcendée, alors elle s’ouvre chaque fois à sa plénitude. Alors la raison garde sa place et reçoit l’obligation d’œuvrer selon ses propres règles ; alors aussi l’espérance garde sa place sans être dénaturée en laboratoire. Le salut du monde, c’est que le monde comme tel soit transcendé. Le Christ ressuscité est la certitude vivante que ce déplacement transcendantal, sans lequel le monde reste absurde, ne se heurte pas au néant, que par conséquent l’histoire peut être vécue positivement et que notre action rationnelle, pour limitée et précaire qu’elle soit, a un sens. Par suite, l’Antichrist est la fermeture absolue de l’histoire sur sa propre logique, comme antithèse à celui dont, selon Ap 1, 17, tout œil verra enfin le flanc ouvert.
Saint Thomas d’Aquin
Sum. theol., IIa-IIae, q. 1, a. 3, ad 1
Le vrai est le bien de l’intelligence, mais il n’est pas le bien de la puissance d’appétit [la volonté]. C’est pourquoi toutes les vertus qui portent l’intelligence à sa perfection excluent totalement le faux. […] En revanche, les vertus qui portent la puissance d’appétit [la volonté] à sa perfection n’excluent pas totalement le faux. Quelqu’un peut en effet agir pour la justice ou dans la tempérance tout en ayant une opinion fausse à leur sujet. Ainsi, si la foi porte l’intelligence à sa perfection, tandis que l’espérance et la charité portent par partie appétitive de nous-mêmes à sa perfection, on ne peut raisonner de la même façon pour l’une et les autres.
[Il faut ajouter] cependant que l’espérance non plus ne supporte pas le faux. En effet, quelqu’un [qui a la vertu théologale d’espérance] n’espère pas entrer en possession de la vie éternelle par ses propres forces (car ce serait de la présomption), mais avec le soutien de la grâce. Car s’il persévère avec ce soutien, il recevra infailliblement la vie éternelle. Et de même [pour la charité].
Somme contre les Gentils, III, cap. 141
Le bien suprême de l’homme est la félicité [le bonheur qui le comble], qui est sa fin ultime. Plus quelque chose s’approche de cette fin, plus son rang est élevé parmi les biens humains. Ce qu’il y a de plus proche de cette fin, c’est la vertu et tout ce qui favorise l’opération bonne, qui est le chemin vers la béatitude. Vient ensuite la bonne disposition de la raison, ainsi que des puissances qui lui sont soumises. Ensuite la santé du corps, qui est nécessaire à l’aisance de l’opération. Enfin les choses extérieures, dont nous nous servons comme d’auxiliaires pour la vertu. La plus grande peine pour l’homme sera donc d’être exclu de la béatitude. Ensuite d’être privé de la vertu, et d’une perfection des puissances naturelles de l’âme pour bien agir. Vient ensuite le désordre des puissances naturelles de l’âme. Puis un préjudice corporel. Enfin, la privation de biens extérieurs.
Sur Mt 10, 21
Le Christ explique la cause [de ces persécutions] en Jn 15, 18 : Si vous étiez du monde, le monde vous aimerait car il aime ce qui lui appartient ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, le monde vous hait. Mais le Seigneur promet la consolation, lorsqu’il ajoute que c’est en son nom [que l’on est persécuté]. En effet, il doit vous être doux de pâtir en mon nom, comme le rappelle 1 P 4, 14 : Si vous êtes outragés au nom du Christ, bienheureux êtes-vous. De même, le Seigneur donne une autre raison pour les réconforter, qui est que la tribulation doit arriver en vue d’un plus grand fruit. C’est en effet parce qu’il voyait à l’avance que nombreux seraient ceux qui tomberaient, qu’il les exhorte à la persévérance : Celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. Ainsi en 2 Tm 4, 7 : J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Et maintenant, voici qu’est préparée pour moi la couronne de justice, qu’en retour le Seigneur me donnera en ce Jour-là, lui le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition.
Sur le Ps 26, 3
Ps 26, 3 : Qu’une armée vienne camper contre moi, mon cœur est sans crainte ; qu’une guerre éclate contre moi, j’ai là mon espérance.
Commentaire — L’homme doit obtenir une sécurité en deux circonstances : soit au milieu de la machination de ses ennemis, soit au milieu des coups qu’il endure. [Dans le premier cas], aussi longtemps que l’homme est dans le camp, il ne combat pas, mais se dispose et projette de combattre. […] Son cœur ne craint pas car le Seigneur est avec lui : Place-moi auprès de toi, et que la main de qui que ce soit combatte contre moi (Jb 17 ,3). Mais si une guerre éclate contre moi, c’est-à-dire s’ils m’attaquent, et combattent contre moi, bien qu’ils soient nombreux, j’ai là mon espérance car comme il est dit en 1 M 3, 19 : La victoire à la guerre ne dépend pas d’une armée nombreuse, mais c’est du Ciel que la force vient. En effet, il est habituel à des amis de s’entraider lorsqu’ils sont combattus par des ennemis : Tes consolations ont réjoui mon âme, dit le Ps 93, 19.